Le Pakistan face à la colère des islamistes pro-taliban
Des manifestations violentes sont en cours au Pakistan, où les islamistes radicaux sont solidaires des taliban. Selon Londres, les premières frappes militaires occidentales contre les réseaux d'Oussama ben Laden en Afghanistan ont causé «des dommages considérables» aux objectifs visés.
Les premières violences ont éclaté en fin de matinée à Quetta, ville de l’ouest du Pakistan située à 200 km à vol d’oiseau de Kandahar, le fief des taliban afghans.
Aux cris de «mort à Bush», plus de 10 000 manifestants, parmi lesquels de nombreux étudiants, ont mis le feu à plusieurs bâtiments, dont un cinéma et des magasins, endommagé des véhicules et des vitrines.
Une personne au moins tuée
Selon des témoins, des coups de feu ont été entendus et les forces de l’ordre semblaient avoir des difficultés à contenir les manifestants, divisés en trois cortèges.
Une personne au moins a été tuée et huit ont été grièvement blessées ont indiqué des sources hospitalières. La personne décédée et les blessés faisaient partie des émeutiers.
Dès dimanche soir, sitôt après le début des frappes américaines, les chefs religieux de Quetta avaient appelé au «Jihad», déclarant que la guerre sainte contre les Américains et leurs alliés était désormais «obligatoire» pour les 97% de musulmans pakistanais.
D’autres manifestations sont actuellement en cours, notamment à Peshawar (nord), Lahore (est) et Karachi, la capitale économique du sud, où les rassemblements avaient pourtant été interdits par les autorités locales.
Dimanche soir, le gouvernement militaire pakistanais avait pris les devants, en annonçant le renforcement des mesures de sécurité sur tout le territoire.
A Islamabad, la capitale, et à Rawalpindi, grande ville populaire distante de 15 km, la sécurité est désormais assurée par l’armée. Les contrôles de police ont été renforcés partout, et des forces de l’ordre ont été déployées sur les aéroports, autour des ambassades occidentales, mais aussi dans les gares et devant les principaux médias d’Etat.
Les écoles fermées
Dans les régions limitrophes de l’Afghanistan, comme à Quetta et Peshawar, les établissements scolaires ont été fermés pour plusieurs jours.
A Islamabad, toutes les écoles étrangères sont également fermées et les chancelleries ont donné consigne à leurs ressortissants, encore présents dans le pays, de rester chez eux.
Au moment même où démarraient les manifestations dans les principales villes du pays, le président pakistanais, le général Pervez Musharraf, est intervenu lors d’une conférence de presse, diffusée en direct à la télévision nationale pour, une nouvelle fois, justifier son ralliement à l’opération américaine.
Vêtu d’un grand uniforme militaire, il a dénoncé les fauteurs de troubles et affirmé avoir le soutien d’une «vaste majorité» de ses concitoyens. Il a également assuré que les frappes seraient «courtes et ciblées» et éviteraient les «dommages collatéraux».
Prendre le contrôle des airs
Cherchant d’abord à prendre le contrôle des airs, les frappes américaines et britanniques ont visé des aéroports, des postes de défense aérienne des taliban et des centres de commandement, ainsi que des bases d’Al Qaida, le réseau de ben Laden, principal suspect dans les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis.
Le secrétaire au Foreign Office Jack Straw a affirmé lundi que ces objectifs avaient subi «des dommages considérables», tandis que le ministre français de la Défense, Alain Richard, estimait que le but des frappes était «vraisemblablement» atteint.
Selon l’agence Afghan Islamic Press, basée au Pakistan mais très proche du régime taliban, les attaques de la nuit ont fait au moins 25 morts.
Vers un assaut de l’opposition
Un porte-parole de l’Alliance du nord, coalition d’ethnies minoritaires qui constitue la principale force d’opposition armée au régime de Kaboul, a déclaré qu’elle se préparait à un assaut contre les villes tenues par les taliban. «Les taliban ne pourront pas résister sur les lignes de front au nord de Kaboul plus de quelques jours», a-t-il affirmé.
Toutefois, le général Pervez Musharraf a averti lundi qu’il ne voulait pas que l’Alliance du Nord domine un futur gouvernement en Afghanistan. «L’Alliance du Nord doit bien entendu être tenue en échec afin que nous ne revenions pas à la période d’anarchie antérieure», a-t-il déclaré.
Corinne Le Petit, Islamabad
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