Les limites de la loi sur le petit crédit
Les spécialistes du désendettement dénoncent les pièges de la nouvelle loi sur le petit crédit.
Ils estiment que la protection du consommateur est moins efficace, notamment en matière de ‘leasing’.
La première tentative de mettre de l’ordre dans la jungle des législations cantonales en matière de petit crédit avait échoué en 1986. A cause, entre autres, des intérêts financiers en jeux.
La loi qui vient d’entrer en vigueur est donc la toute première qui règle le crédit à la consommation au plan national.
«Le problème, déplore Mario Roncoroni, président de l’Association faîtière des services d’assainissement des dettes, c’est que les nouvelles dispositions légales sont moins restrictives que ne l’étaient certaines lois cantonales.»
Il cite les cas de Neuchâtel ou Bâle qui interdisaient l’octroi d’un second crédit. Ou encore celui de Berne qui exigeait que les crédits alloués ne dépassent pas trois mois de salaire du demandeur.
Des lois plus restrictives
«Nous avions quelques bonnes lois cantonales qui étaient particulièrement restrictives à l’égard des prêteurs, rappelle Mario Roncoroni. Des lois dont les principes tendaient à se généraliser.»
«La nouvelle loi fédérale est à mains égards moins contraignante pour les instituts de prêts, ajoute-t-il. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils l’ont accepté quasiment sans sourciller.»
Le président de l’Association suisse des banques de crédit et établissement financier n’est pas d’accord. «La nouvelle loi nous oblige à calculer clairement les capacités de remboursement du client avant de conclure un contrat, dit Luciano Passardi. C’est un aspect particulièrement contraignant qui n’existait dans aucune législation cantonale.»
Et de rebondir sur l’exemple de Berne: «L’ancienne législation bernoise stipulait simplement que l’on ne pouvait pas accorder un crédit supérieur à trois salaires mensuels».
«Aujourd’hui, poursuit-il, nous devons tenir compte de la solvabilité réelle de notre client. Et, dans certains cas, nous ne pouvons tout simplement plus allouer une telle somme.»
Un calcul minimaliste
Reste que l’évaluation de la capacité de remboursement du demandeur de crédit ne convainc pas, lui non plus, les spécialistes du désendettement.
«Ce calcul, explique le chef de bureau à l’unité d’assainissement financier de Lausanne, est fait sur la base du minimum vital défini pas l’Office des poursuites.»
«Cette base de calcul est extrêmement minimaliste, affirme Christian Decrausaz. Elle ne tient absolument pas compte des aléas qui peuvent intervenir pendant la durée du contrat de crédit.»
Or, les difficultés des personnes qui ont contracté un crédit apparaissent généralement plusieurs mois, voire plusieurs années après la signature du contrat.
«Il suffit d’un divorce, d’une naissance, d’une perte d’emploi ou d’un gel de salaire, précise Christian Decrausaz, pour que les gens se retrouvent avec des budgets fortement déséquilibrés.»
Le couperet du ‘leasing’
L’autre reproche essentiel touche au ‘leasing’ désormais réglementé par la nouvelle loi.
Un statut qui, selon les spécialistes du désendettement, rend ce type de contrat difficile, voire impossible, à résilier sans le versement de grosses indemnités.
«Sous l’ancien régime juridique, explique Mario Roncoroni, les ‘leasing’ étaient notamment soumis au droit de bail. Nous pouvions ainsi résilier les contrats à intervalles réguliers sans trop de casse. C’est désormais devenu quasiment impossible. Nous craignons que cette situation n’engendre de nouveaux cas de surendettements.»
«Faux problème», rétorque en substance Luciano Passardi. Pour le président de l’Association suisse des banques de crédit et établissements financiers, la loi se contente de régler plus clairement un type de contrat qui a toujours existé.
«Les ‘leasings’ ont toujours prévu un tableau fixant les montants à payer en cas de résiliation anticipée», souligne Luciano Passardi.
En attendant les jurisprudences
Felix Schöbi de l’Office fédéral de justice confirme. Il admet, toutefois, que sous l’ancien régime législatif, les jurisprudences de certains tribunaux permettaient au client de contourner cette obligation.
«Ces décisions n’avaient toutefois jamais été confirmées par le Tribunal fédéral», précise Felix Schöbi.
Qui conclut: «Il faudra attendre les prochains jugements pour savoir si les jurisprudences penchent en faveur du client ou de l’établissement de leasing.»
swissinfo, Vanda Janka
– La vérification de la solvabilité du client se fait uniquement sur la base de documents fournis par la personne qui emprunte.
– La capacité de remboursement du demandeur de crédit est calculée d’après le minimum vital fixé par les Offices de poursuite.
– Cela représente 1’500 francs pour un couple. Une somme à laquelle il faut ajouter les frais liés au loyer, aux impôts, aux cotisations des assurances maladies.
– On ajoute un minimum vital 250 à 500 francs, selon l’âge des enfants à charge, ainsi que quelques frais liés à leur entretien.
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