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Les scientifiques au chevet des mycotoxines

Les mycotoxines se trouvent principalement dans les céréales. Keystone Archive

En Suisse, aucun contrôle sur les aliments en rayon n'a révélé d'irrégularité. Mais les chimistes cantonaux veillent au grain.

En France voisine, une enquête officielle épingle certaines grandes marques comme Nestlé. Qui se refuse à tout commentaire.

Les progrès réalisés dans l’analyse des aliments ont dévoilé l’existence d’un nouveau type de substances toxiques.

Découvertes dans les années 70, ces mycotoxines – substances produites par une grande variété de moisissures – peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé.

Les céréales pointées du doigt

Une étude récente de l’Institut national de la consommation (INC), en France, tire la sonnette d’alarme. Quelques marques de céréales pour enfant présentent des taux de mycotoxines qui flirtent avec certaines limites prescrites. Parfois, elles les dépassent.

A des degrés divers, l’ensemble de la gamme de produits est touchée. Même les grands noms des céréales, comme Kellog’s ou Nestlé, ne sont pas épargnés.

Face à ces ‘attaques’, la multinationale veveysanne se refuse à tout commentaire. «C’est toute la profession qui est touchée, c’est pourquoi nous n’avons pas réagi en notre nom mais à travers le syndicat», avance Eric André Dominé, collaborateur de la communication de Nestlé France.

Il y a dix jours, le Syndicat français des céréales prêtes à consommer ou à préparer a officiellement contesté les modalités de réalisation des analyses de l’INC.

Il en a profité pour signaler que les analyses menées selon le protocole d’analyse officiel avaient montré «une absence de mycotoxines dans la majorité des cas et une parfaite conformité avec la réglementation.»

Les experts restent attentifs

Les scientifiques leur attribuent en effet des activités mutagènes, cancérogènes, teratogènes, immunotoxinogènes et estrogènes.

On dénombre six sortes principales de mycotoxines: les aflatoxines, l’ochratoxine A, la patuline, les fumonisines, les trichotécènes et la zéaralénone.

En Suisse, les experts restent attentifs. Ils soulignent que les contrôles effectués sur les aliments depuis plusieurs années n’ont pas révélé d’irrégularités.

Les résultats sont conformes

«Des analyses sur les mycotoxines se font chaque année et en 2002 rien d’important n’a été décelé», rassure Bernard Klein, chimiste cantonal vaudois.

Pourtant les produits pointés du doigt par l’association française sont également vendus en Suisse. Ce qui ne manque pas de susciter nombre d’interrogations chez les consommateurs.

Deux catégories de normes

Une raison à cela. Les seuils minimaux de mycotoxines sont déterminés a plusieurs niveaux.

Sur le plan international, des procédures identiques basées sur des tests animaux servent à déterminer les niveaux d’exposition aux toxines à partir desquels des «effets adverses» apparaissent.

Ces résultats sont ensuite transposés sur l’homme par les différents services sanitaires nationaux en fonction de plusieurs critères. Dans le cas de la Suisse, ils sont au nombre de deux.

Différents seuils de tolérance

Il y a une valeur limite, au-delà de laquelle il existe un risque concret pour la santé des consommateurs. Et une valeur de tolérance, que l’organisme supporte et qui implique le respect scrupuleux de certaines techniques de fabrication.

«La fixation de cette valeur de tolérance est laissée à la libre appréciation des Etats et peut être fixée de manière arbitraire», détaille Bernard Klein.

Une liberté qui peut s’avérer nécessaire, davantage pour les pays en voie de développement qu’en Occident. Il ne faudrait pas que des seuils édictés de façon trop stricte accroissent la détresse alimentaire de certaines populations.

«Certains pays doivent procéder à une pesée d’intérêts entre la sécurité d’approvisionnement et le risque que la commercialisation des produits incriminés représente pour la population», estime John Herrman.

Affiner les degrés de toxicité réelle



Le secrétaire technique du Comité d’experts sur les additifs alimentaires commun à l’OMS et à la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) précise encore que les mycotoxines ont toujours été présentes dans l’alimentation.

«On les trouve principalement dans les céréales mais l’impact de leur toxicité réelle n’a pas été complètement déterminée», poursuit l’intéressé. Raison pour laquelle les chercheurs continuent à étudier ces substances. (lire Effets supposés des principales mycotoxines)

Les mycotoxines profitent encore d’une autre particularité. Comme elles proviennent de champignons, leur teneur dans les aliments varie d’une année à l’autre ou d’une zone géographique à l’autre selon que la saison a été sèche ou humide.

Ce qui souligne l’importance des procédures mises en place lors de la récolte des produits concernés ou dans leur mode de stockage.

La Suisse reste sereine

Ces incertitudes n’inquiètent pas l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) outre mesure.

«Nous collaborons avec l’OMS dans le cadre de la récolte de données internationales mais il faut savoir que la législation suisse en la matière est déjà très rigoureuse», déclare Otmar Zoller, collaborateur scientifique de l’OFSP.

Des sanctions dissuasives

Dans la pratique, l’OFSP établit les normes alimentaires à respecter. Il revient ensuite à tous les chimistes cantonaux de vérifier par sondage que les produits vendus sur le marché sont conformes aux prescriptions édictées par la loi.

En cas de dépassement des valeurs limites, les sanctions sont les suivantes. «Il y a d’abord le retrait immédiat du produit incriminé et la dénonciation de cette infraction à la justice pénale», conclut Bernard Klein.

swissinfo, Jean-Didier Revoin

Les mycotoxines sont des substances produites par une grande variété de moisissures.
Elles constituent un groupe de substances toxiques.
Du fait de leur transfert dans la chaîne alimentaire, et de leur grande stabilité thermique, elles constituent un danger pour la santé de l’Homme

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