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Prisons secrètes de la CIA: enfin une preuve?

Situées en Valais, les "oreilles" des services secrets suisses surveillent les communications. Keystone

Selon le SonntagsBlick, les services secrets suisses auraient intercepté un fax égyptien prouvant l'existence de prisons secrètes de la CIA en Europe.

Les autorités helvétiques ne confirment pas. Chargé d’enquêter sur ce dossier par le Conseil de l’Europe, le sénateur suisse Dick Marty reste circonspect.

Le journal dominical SonntagsBlick livre un scoop explosif. Il publie en effet un document des services secrets suisses qui prouverait que la CIA dispose bel et bien en Europe de prisons où sont détenus et interrogés des sympathisants d’Al-Quaïda.

Classé secret, le document suisse est en fait un rapport sur l’interception d’un fax transmis par le Ministère des Affaires étrangères du Caire à son ambassade à Londres.

Dans ce fax, les autorités égyptiennes affirment savoir de source sûre que 23 citoyens irakiens et afghans ont effectivement été interrogés dans une base de la ville roumaine de Constanza. Les Egyptiens y affirment par ailleurs que des centres d’interrogatoire similaires existent en Ukraine, au Kosovo, en Macédoine et en Bulgarie.

Ce n’est pas la première fois que l’existence de tels centres en Europe est dénoncée, notamment par l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch et le journal américain Washington Post. Mais jusqu’à maintenant, aucune preuve déterminante n’avait pu être apportée.

Attention à l’authenticité

Le fax égyptien pourrait donc apporter un élément totalement nouveau. Ce serait en effet la première fois que des autorités viendraient confirmer l’existence de ces camps en Europe.

Depuis novembre 2005, le sénateur suisse Dick Marty est rapporteur spécial du Conseil de l’Europe, à la tête de la commission chargée d’enquêter sur l’affaire des prisons secrètes de la CIA. Le mois dernier, il livrait un premier rapport indiquant que «les informations récoltées jusqu’ici renforcent la crédibilité des allégations».

Le fax peut-il alors constituer la preuve manquante? «Non, répond le sénateur à swissinfo. Je ne suis pas en mesure d’établir s’il s’agit d’un document authentique ou non. De plus, le fax reprend des informations qui confirment des indices qui existent déjà. Parler de preuve absolue me semble pour le moment inapproprié.»

Ce n’est pas du côté du Département fédéral (ministère) de la Défense qu’il faut attendre davantage de précisions. Contacté par swissinfo, son chef de la communication Jean-Blaise Defago indique en effet ne pas vouloir commenter cette affaire. Il indique cependant que le département ouvrira une enquête sur la fuite de ce document confidentiel.

Contactée par le SonntagsBlick, l’ambassade d’Egypte à Berne n’a pas voulu non plus s’exprimer. Pas plus d’ailleurs que le Département fédéral des Affaires étrangères et le Département fédéral de Justice et Police.

Le journal s’est également heurté au «no comment» de Christophe Keckeis. Le chef de l’armée suisse s’est borné à déclarer que l’affaire sera analysée par la Délégation des commissions de gestions du Parlement qui est chargée du contrôle des activités liées à la sécurité de l’Etat et des services de renseignements.

Berne en position délicate

Au-delà de la question de l’authenticité du document, Dick Marty soulève une autre question qui risque de faire du bruit au niveau national et international.

«Si la nouvelle se révèle effectivement authentique, comme cela semble être le cas, je pense qu’il y aura quelques soucis au Palais fédéral, a déclaré le sénateur à swissinfo. Il faudra en effet éclaircir quelques points.»

«Comment se fait-il que les services secrets suisses interceptent la correspondance entre Le Caire et son ambassade à Londres? Ou alors, est-ce un autre service qui a donné l’information à la Suisse et ensuite au SonntagsBlick?», se demande Dick Marty.

swissinfo, Olivier Pauchard

La Suisse a lancé le système Onyx en 2000 pour surveiller les communications civiles et militaires internationales par satellite, notamment le trafic Internet.
Il s’agit d’une version limitée du système de surveillance américain « Echelon ».
Comme « Echelon », Onyx intercepte les communications par satellite en utilisant un filtre informatique qui recherche des mots-clef spécifiques.
Le système Onyx est complètement opérationnel depuis la fin 2005. Les antennes d’écoute sont situées sur trois sites: Loèche (Valais), Zimmerwald et Heimenschwand (Berne).

– Le Ministère public de la Confédération a décidé d’ouvrir une enquête sur le transit d’avions de la CIA (transportant des détenus) dans l’espace aérien et sur sol helvétique.

– La Suisse a déjà demandé des explications à Washington concernant quatre atterrissages à l’aéroport de Genève et 30 vols dans l’espace aérien suisse.

– Le «Washington Post» avait publié le 2 novembre un article accusant les Etats-Unis d’exploiter des camps de prisonniers pour interroger de présumés terroristes en Europe de l’Est.

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