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Voitures et convivialité ne font pas bon ménage

La Suisse avait connu des dimanches sans voitures lors de la crise pétrolière de 1973. Keystone Archive

Les Suisses diront le 18 mai s'ils sont prêts à laisser leur sacro-sainte bagnole au garage quatre dimanches par an.

Le projet est largement soutenu par la gauche. Mais le gouvernement et la droite s’y opposent.

Les citoyens doivent se prononcer sur une initiative populaire dite «Initiative des dimanches». Ses promoteurs demandent que le trafic motorisé privé soit interdit dans tout le pays durant quatre dimanches par année, de 4 heures du matin à minuit.

L’espace ainsi libéré serait rendu aux piétons qui pourraient disposer librement des toutes les places et voies publiques.

L’interdiction de circuler ne serait toutefois pas totale. L’initiative prévoit le maintien des transports publics.

Par ailleurs, le Conseil fédéral (gouvernement) devrait fixer les dérogations à prévoir dans l’intérêt du public. On pense en premier lieu aux ambulances ou aux véhicules de pompiers.

En cas d’acceptation le 18 mai, les effets de cette initiative ne dureraient que quatre ans. Une nouvelle votation aurait lieu au cours de la quatrième année pour déterminer si cette expérience doit être poursuivie, mais cette fois pour une durée indéterminée.

Pas une mesure contre les automobilistes



Pour convaincre les citoyens, les partisans de l’initiative affirment que leur projet n’est en aucun cas dirigé contre la voiture et les automobilistes.

Ils insistent surtout sur la valeur pédagogique de leur proposition: interdire le trafic motorisé privé permettrait à la population de vivre différemment quatre jours par an. Renoncer aux véhicules permettrait aussi de tester grandeur nature des formes de mobilité de substitution.

Les initiants mettent aussi en valeur l’aspect convivial de cette mesure. L’espace libéré par le trafic ne pourrait que favoriser les rencontres. Enfin, les usagers de la route les plus vulnérables pourraient s’engager sur la chaussée sans risque d’accident, ce qui serait un plus pour la santé publique.

Pour les partisans de l’initiative, une interdiction de circuler serait parfaitement réalisable. La Suisse n’a-t-elle pas déjà connu trois dimanches sans voitures à la fin de 1973? De plus, une telle mesure est déjà en vigueur dans certaines villes d’Italie et d’Allemagne.

Au moins quatre problèmes très concrets



Le Conseil fédéral juge au contraire que cette initiative n’est pas applicable. Et cela pour au moins quatre bonnes raisons.

Premièrement, il estime que cette mesure léserait de manière injustifiée les habitants des campagnes et des montagnes qui ne sont pas reliés aux transports publics ou, du moins, pas d’une manière suffisante.

Deuxièmement, le gouvernement se demande comment la Suisse pourrait expliquer aux pays étrangers qu’il faut bloquer le trafic aux postes frontières. Le report vers les pays voisins du surcroît de trafic ainsi généré pourrait même valoir des sanctions à la Suisse.

En troisième lieu, le gouvernement constate un problème de sécurité. En effet, l’initiative prévoit de rendre les routes aux piétons tout en autorisant la circulation des transports publics et d’autres véhicules. Des accidents sont donc programmés.

Enfin, quatrième et dernier point, le Conseil fédéral est d’avis qu’une telle interdiction de circuler serait préjudiciable à l’économie du tourisme.

Un traditionnel clivage gauche-droite



Les arguments du Conseil fédéral ont fait mouche au Parlement. L’initiative a été refusée par 29 voix contre 7 au Conseil des Etats et par 111 voix contre 66 au Conseil national.

Opposants et partisans du texte se répartissent généralement selon un bon vieux clivage gauche-droite. Les partis de gauche, écologistes en tête bien sûr, et les syndicats sont favorables à quatre dimanches sans trafic. La droite et les milieux économiques y sont en revanche fermement opposés.

Jusqu’à présent, toutes les initiatives allant dans le sens d’une réduction ou d’une limitation du trafic automobile ont été sèchement refusées en votations. Sauf énorme surprise, l’initiative des dimanches devrait connaître le même destin.

swissinfo, Olivier Pauchard

L’initiative des dimanches a recueilli 111718 signatures valables dont:
30231 à Zurich
22154 à Berne
1254 à Fribourg
3394 sur Vaud
788 en Valais
2475 à Neuchâtel
1500 à Genève
732 dans le Jura
4881 au Tessin

– En 1973, suite à la guerre israélo-arabe du Kippour, l’OPEP a fortement augmenté le prix du pétrole, provoquant une crise dans les pays industrialisés.
– C’est dans ce contexte que la Suisse a interdit la circulation privée durant trois dimanches au mois de novembre et décembre.
– L’année suivante, l’initiative dite «Berthoud» demandait l’instauration de douze dimanches sans voiture. Mais cette proposition a été refusée en 1978 par 63,7% des citoyens et tous les cantons.

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