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Les cinq enseignements des votations fédérales

La pandémie a influencé le vote sur l'initiative pour des entreprises responsables. Keystone / Peter Klaunzer

De très nombreux Suisses ressentent un malaise croissant vis-à-vis de l’économie, et ils l'exprimeront dans de nouvelles initiatives. En outre, la courtoisie bien helvétique du débat politique a souffert. Elle est en danger. Analyse.

Le combat pour l’initiative pour des entreprises responsables a été livré. La manière dont il a été mené et dont il s’est décidé en dit long sur la Suisse. Voici les cinq enseignements que nous retirons de ces votations.

L’initiative pour des entreprises responsables a subi le sort de la plupart des initiatives. Le non l’a finalement emporté, même s’il s’en est fallu de peu, même si les sondages prévoyaient autre chose, même si ce n’est pas un non du peuple, mais celui de la majorité des cantons. Les analyses des résultats des votations fédérales de septembre avaient montré que la pandémie a rendu l’électorat suisse prudent.

Vu de l’étranger, la Suisse, avec ses caisses pleines – et ses dettes modestes – semble être équipée de façon princière pour aider l’économie à hauteur de milliards. Cependant, l’intensité de la deuxième vague de coronavirus en Suisse montre clairement que la crise est plus grave qu’on ne le pensait initialement, même pour ce pays riche. En temps de crise, les gens se raccrochent à ce qu’ils connaissent et le peuple suisse n’est guère disposé à faire des expériences.

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Résultats de la votation du 29 novembre 2020

Ce contenu a été publié sur Les Suisses ont voté sur deux initiatives visant à instaurer davantage d’éthique dans l’économie. Les résultats détaillés.

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La Suisse présente des divisions importantes. Il y a le «Röstigraben» (littéralement le fossé de rösti, soit la différence de comportements lors de votations populaires entre Suisse alémanique et Suisse romande), la fracture entre villes et campagnes, mais aussi le fossé entre montagne et vallée.

Toutefois, au cours de la campagne pour l’initiative pour des entreprises responsables, les sondages ont montré que nous étions confrontés à une géographie politique différente. Dans certains cantons, le oui était clair. Dans d’autres, le non était clair. Et finalement, une partie des cantons oscillaient entre les deux. Les politologues ont parlé de Swing States. Ces derniers ont pris une importance décisive en raison du système suisse qui demande de réunir une adhésion de la majorité du peuple et des cantons.

Ainsi, juste avant le vote, les promoteurs et les opposants à l’initiative ont pu concentrer leurs efforts sur ces cantons encore indécis. Les messages ont été adressés de manière très ciblée géographiquement. Le fait que la Suisse affine précisément les paramètres individuels est nouveau et ouvre une nouvelle dimension dans la gestion des campagnes pour l’avenir.

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De nouvelles formes de campagnes ont émergé avec l’initiative pour des entreprises responsables. Ce fut «probablement la campagne la plus coûteuse de tous les temps», estime le politologue Lukas Golder. Les partisans opéraient à large échelle avec leurs banderoles orange qui tapissaient des quartiers entiers.

Au niveau individuel, ils se sont appuyés sur les médias sociaux pour s’assurer que chaque sympathisant individuel active également ses amis et sa famille. Les opposants ont agi d’une manière tout aussi élaborée et nouvelle. Ils ont non seulement mobilisé le directeur de Glencore pour s’opposer à l’initiative, mais aussi le ministre de l’Économie du Burkina Faso ou encore une économiste de Colombie.

Dans le même temps, des vidéos ciblées sont apparues sur les médias sociaux, diffamant les organisations humanitaires avec des images déformées. La polarisation du pays a ainsi pris une nouvelle dimension. La courtoisie fédérale dans le débat politique a subi des dommages. Elle est en danger.  

Derrière l’initiative sur le commerce de guerre et le texte sur la responsabilité des entreprises se cachait le même vœu: beaucoup de personnes attendent des milieux économiques de leur pays qu’ils adoptent le même comportement qu’elles lorsqu’elles vont faire leurs achats. Dans ce domaine-là, la durabilité et l’équité se sont énormément développées depuis des années, avec des produits biologiques et issus du commerce équitable.

Les sommes dépensées pour la nourriture ne représentant que 7% de leurs revenus, les consommateurs suisses peuvent facilement se le permettre. Mais qu’en est-il au niveau macroéconomique? Au sein de la place financière suisse, le changement de paradigme de l’argent sale à l’argent propre a fonctionné. Cela donne à beaucoup de gens la certitude que de nouveaux changements de paradigmes pourraient également fonctionner: la justice climatique sur le marché des capitaux, par exemple, ou l’équité et l’humanité dans les investissements de la Banque nationale.

L’économie a, il est vrai, réagi à ce besoin croissant dans une certaine mesure. Les banques proposent ce type de produits, mais le pays a jusqu’à présent fait preuve de retenue sur le plan juridique. Ce dimanche, il est apparu clairement que de nombreux Suisses ressentent un malaise croissant vis-à-vis de l’économie. Ils l’exprimeront dans de nouvelles initiatives.

Ce dimanche a également montré à quel point le vote des Suisses de l’étranger est différent de celui de leurs compatriotes restés au pays. Dans les douze cantons qui fournissent des indications sur le comportement de vote de la Cinquième Suisse, les Suisses de l’étranger ont clairement accepté l’initiative pour des entreprises responsables (57,3%) ainsi que celle sur le commerce de guerre (50,7%).

Dans les deux cas, les votes en provenance de l’étranger n’auraient pas pu inverser le résultat. Pas même si toutes les enveloppes de vote avaient atteint les bureaux de vote dans les délais, ce qui n’est jamais le cas. Toutefois, des résultats particulièrement serrés, comme celui de la votation sur l’initiative pour des entreprises responsables ou dernièrement sur le financement des avions de chasse, montrent clairement que non seulement en théorie, mais aussi en réalité, chaque vote compte.

Ainsi, le combat que l’Organisation des Suisses de l’étranger mène depuis des décennies pour permettre aux Helvètes établis à l’étranger d’exercer leur droit de vote est bien un combat pour la démocratie suisse.

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(traduction de l’allemand: Katy Romy)

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