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L’initiative «No Billag» balayée en votation populaire

Gilles Marchand, le directeur de la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR), peut souffler: le service public a été plébiscité dans les urnes ce dimanche. Keystone

Au terme d’une campagne acharnée, plus de deux tiers des Suisses ont dit «non» à l'initiative «No Billag», qui voulait supprimer tout financement public de l’audio-visuel en Suisse.

Il n’y aura pas de séisme dans le paysage médiatique suisse. Comme le laissaient présager les derniers sondages, l’initiative «No Billag» a été nettement rejetée dans les urnes. Près de 72% des votants ont refusé de mettre en péril leurs chaînes de radio et de télévision publiques. Avec 54%, la participation se situe au-dessus de la moyenne.

La votation de dimanche n’a pas fait émerger de clivage majeur entre la Suisse alémanique et la Suisse romande. Tous les cantons ont rejeté massivement l’initiative. C’est le cas également du Tessin (66% de «non»). Certains analystes craignaient pourtant un vote de protestation de la Suisse italophone en raison notamment de la forte campagne pour le «oui» qui y a été menée par les populistes de la Lega dei Ticinesi.

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Forte mobilisation

Alors que les sondages parus à la fin de l’année dernière donnaient encore le «oui» en tête, le «non» n’a cessé de gagner en importance depuis le début du mois de janvier. Une situation qui n’a rien d’exceptionnel: il est en effet courant que le soutien à une initiative, qui peut de prime abord paraître attractive aux yeux de nombreux votants, diminue au fur et à mesure de l’avancement de la campagne et de la mise en avant de ses faiblesses par les opposants au projet.

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Ces deux derniers mois, une vaste offensive a par ailleurs été lancée contre l’initiative «No Billag»: celle-ci a mobilisé contre elle la quasi-totalité des milieux culturels, sportifs et associatifs du pays. Du rappeur Stress au skieur Carlo Janka en passant par l’acteur Bruno Ganz, de nombreuses personnalités sont montées au créneau pour défendre la nécessité d’un service public dans toute la Suisse.

Du côté des initiants, en revanche, la campagne a été modeste. Elle a surtout permis à de jeunes politiciens issus de courants de la droite ultra-libérale ou nationaliste de se mettre en évidence et de faire leurs premiers pas sur la scène politique nationale. Face à eux se dressait en effet un large front composé d’élus de toutes les forces politiques du pays, à l’exception notable de l’UDC, la seule formation politique d’importance à s’être prononcée en faveur de «No Billag».

Forces du marché

Promue par les sections de jeunes du Parti libéral-radical (PLR / droite) et de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), l’initiative «No Billag» proposait de supprimer à court terme la redevance nationale de radio et de télévision perçue par la société Billag sur mandat de la Confédération et d’interdire tout subventionnement public de l’audio-visuel à l’avenir. Actuellement, chaque ménage paye une redevance audio-visuelle de 451 francs par an, qui passera à 365 francs dès le 1er janvier 2019.

L’argent de la redevance sert essentiellement à financer les activités de la Société suisse de radiodiffusion et télévisionLien externe (SSR), dont swissinfo.ch est une des unités d’entreprise. Une petite partie permet également de soutenir les radios et les télévisions privées qui fournissent des prestations de service public.

Les promoteurs de l’initiative souhaitaient que le secteur de la radio-télévision soit laissé aux forces du marché et que les utilisateurs ne doivent payer que pour les programmes qu’ils consomment effectivement, plutôt que de devoir payer une redevance fixe. Pour le Gouvernement et le Parlement, la redevance est au contraire indispensable pour assurer la diffusion sur tout le territoire d’émissions de radio et de télévision de qualité, contribuant ainsi à la cohésion d’un pays divisé en quatre régions linguistiques et culturelles.

Nouveau succès pour Doris Leuthard

Une des grandes gagnantes de la votation de dimanche est la ministre en charge des médias Doris Leuthard. Sur 16 votations populaires, la doyenne de fonction du gouvernement, qui quittera le Conseil fédéral au plus tard fin 2019, n’en a perdu que deux: l’inititative contre la construction des résidences secondaires (2012) et le projet d’augmentation de la vignette autoroutière (2012).

Le score de l’initiative «No Billag» contraste fortement avec celui du 14 juin 2015. La ministre démocrate-chrétienne avait alors tremblé pour son projet de généralisation de la redevance radio-TV, qui n’avait été accepté que par 50,1% des votants.

A l’époque, le référendum avait été déclenché par l’Union suisse des arts et métiers (USAM), qui s’opposait au nouveau modèle de perception de la redevance auprès des entreprises. La faîtière des petites et moyennes entreprises est repartie au combat contre «No Billag», dénonçant une nouvelle fois «un impôt sur les médias arbitraire et injuste». Elle n’a toutefois pas réussi à convaincre: son «plan B» de financement du service public présenté au cours de la campagne a été au contraire vertement critiqué. 

La Confédération ne sera pas au régime minceur

Si l’initiative «No Billag» était sous le feu des projecteurs et suscitait un débat passionné en Suisse et à l’étranger, il en allait tout autrement de l’autre objet soumis au vote ce 4 mars. L’enjeu était pourtant de taille, puisque le peuple devait autoriser la Confédération à continuer à prélever l’impôt fédéral direct (IFD) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ses deux principales sources de revenus, pour une nouvelle période de 15 ans.

Sans suspense, le nouveau régime financier de la Confédération, qui n’était combattu par aucun grand parti, a été largement approuvé par une majorité des votants. Près de 84% d’entre ont en effet glissé un «oui» dans l’urne. 

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SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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