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Les Helvètes disent non à un «Swixit»

Avec son initiative, la droite conservatrice voulait empêcher une Suisse à 10 millions d'habitants. Keystone / Gaetan Bally

Les Suisses refusent catégoriquement d’abolir la libre circulation des personnes avec l’Union européenne. La droite conservatrice subit ainsi un nouvel échec dans les urnes avec son initiative populaire «pour une immigration modérée». Prochain chantier: l'accord-cadre institutionnel avec Bruxelles.

Le peuple suisse a largement rejeté l’initiative populaire «pour une immigration modérée»Lien externe, dite «de limitation», à la majorité des cantons et à 61,7% des voix.

Le texte de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) exigeait que la Suisse règle de manière autonome son immigration. Par l’introduction d’un nouvel article 121b dans la Constitution, le parti demandait la résiliation pure et simple de l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’Union européenne (UE).

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Peur de la clause guillotine

Marco Chiesa, le nouveau président de l’UDC, a notamment expliqué la défaite de son parti par l’incertitude liée à la crise du coronavirus. Il a déjà annoncé que son prochain combat serait contre la signature d’un accord-cadre avec l’UE. «Il menacerait notre souveraineté et la démocratie directe», a-t-il mis en garde.

«C’est la clause guillotine qui faisait peur aux citoyens», a réagi la députée UDC Céline Amaudruz, qui s’exprimait à la Radio Télévision Suisse (RTS), en référence au dispositif qui lie la libre circulation à six autres accords bilatéraux. «Nous étions seuls contre tous», a poursuivi cette dernière. L’UDC entend désormais «s’assurer qu’on ne rentre pas petit à petit dans l’Union européenne», a-t-elle souligné.

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Soigner les bonnes relations avec l’Europe

Les Suisses ont surtout signalé leur attachement aux relations bilatérales, qui fonctionnent bien depuis 20 ans, a commenté le député socialiste Roger Nordmann sur les ondes de la RTS. Il estime aussi que le Brexit de la Grande-Bretagne a fait peur. Le député a également fustigé la politique de la droite conservatrice: «C’est la défaite du populisme, de la stigmatisation d’un groupe au lieu de résoudre les problèmes.»

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Dans le camp des gagnants, beaucoup avancent le fait que les Suisses sont convaincus des avantages d’avoir de bonnes relations avec l’UE comme facteur d’explication. «Le peuple suisse ne veut pas d’expérimentation qui mette en jeu notre prospérité et nos emplois», pense la députée du Parti démocrate-chrétien (PDC /centre) Elisabeth Schneider-Schneiter. Elle interprète ce résultat comme «un signal fort en faveur d’une Suisse ouverte».

Du côté des milieux scientifiques, le Fonds national suisse (FNS) s’est dit «soulagé», l’accord sur la recherche étant un des textes menacés par l’initiative. «Cela renforce la recherche suisse dans sa contribution au bien du pays», déclare Angelika Kalt, directrice du FNS, dans un communiqué.

 «Le peuple suisse ne veut pas d’expérimentation qui mette en jeu notre prospérité et nos emplois»

Elisabeth Schneider-Schneiter, députée PDC

Ce non réjouit aussi les milieux économiques. «Le peuple était conscient qu’il votait sur la poursuite de la voie bilatérale et pas sur l’immigration», a analysé Monika Rühl, directrice d’economiesuisse, en référence à la votation de 2014 qui avait vu une courte victoire de l’initiative de l’UDC «Contre l’immigration de masse». Elle attend désormais que «le Conseil fédéral reprenne les choses en main» pour négocier la conclusion d’un accord-cadre avec l’UE. Monika Rühl a aussi rappelé que le peuple «s’est déjà exprimé trois fois récemment, toujours en faveur de la voie bilatérale», ce qui a pu provoquer «une certaine fatigue» chez les citoyens.

L’accord-cadre, prochain dossier brûlant

Alors que le peuple a plébiscité la voie bilatérale, que la Confédération suit depuis plus de vingt pour régir ses relations avec l’UE, le gouvernement devra effectivement reprendre les négociations. L’UE ne souhaite poursuivre sur cette voie qu’à la condition que les questions institutionnelles soient clarifiées dans un accord-cadre. Bruxelles avait laissé entendre qu’elle attendait rapidement, après le scrutin, des propositions de la Suisse sur les points encore ouverts.

Sous la pression politique intérieure, la Suisse prend son temps et exige des aménagements en matière de protection salariale, de subventions étatiques et de directives sur la citoyenneté européenne. Elle devra désormais prendre position: veut-elle trouver une solution commune avec l’UE sur l’accord-cadre ou abandonner l’exercice, avec toutes les conséquences que cela entraînerait pour la Suisse?

Le président de la délégation UE-Suisse au parlement européen, Andreas Schwab, a salué le rejet de l’initiative de l’UDC. Il compte désormais sur une signature rapide de l’accord-cadre institutionnel par le Conseil fédéral. Cette nouvelle étape est nécessaire pour poursuivre l’histoire à succès de notre relation, estime le député allemand dans un communiqué. Le résultat de dimanche est la preuve selon lui que les citoyens suisses veulent conserver la collaboration avec l’Union européenne.

Le commissaire européen aux affaires économiques Paolo Gentiloni n’a pas attendu la réaction officielle de l’exécutif européen pour se réjouir du rejet de l’initiative de limitation: «Un beau dimanche démocratique et européen dans le pays du référendum».

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Une machine à perdre?

Ce résultat ne surprend pas, puisque le dernier sondage avant les votations fédérales prévoyait un rejet de l’objet à 63%. Habituée à déchaîner les passions avec la question des étrangers en Suisse, son thème favori, l’UDC a mené une campagne plutôt morne. Le sujet n’a que peu animé des Suisses plus préoccupés par la crise sanitaire, l’écologie et leurs retraites. Le report de la votation, initialement prévue en mai, en raison de la pandémie de coronavirus semble d’ailleurs avoir fait perdre de son élan au débat.

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Ces dernières années, le parti de la droite conservatrice accumule les échecs dans les urnes. Sa dernière victoire en votations fédérales remonte à 2014, lorsque les citoyens ont accepté le texte «Contre l’immigration de masse». Par la suite, le peuple a refusé trois initiatives populaires de l’UDC et quatre référendums. De plus, le parti a enregistré un recul de cinq pour cent aux élections fédérales de 2019. «Pendant 20 ans, l’UDC a défini les règles de la politique fédérale. Aujourd’hui, cela ne fonctionne plus», commente le politologue Claude Longchamp.

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