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Zurich en quête de cercueils bon marché

Ce modèle de cercueil est gratuit pour les habitants de Zurich. www.stzh.ch

La Ville de Zurich a lancé un appel d'offres international pour l'achat des cercueils municipaux. Les règles de l'OMC l'y obligent. Bâle s'apprête à en faire de même.

Zurich a reçu des demandes du monde entier. Une société brésilienne est intéressée.

Se faire enterrer à Zurich dans un cercueil brésilien? Au premier abord exotique, cette éventualité risque pourtant d’être étudiée par le Service des pompes funèbres municipal. «Ce n’est néanmoins pas la solution la plus probable», tempère le responsable du service Sergio Gut.

La plus grande ville du pays est en effet à la recherche de cercueils pour les trois prochaines années. Cas rare en Suisse, le service des pompes funèbres est, au bord de la Limmat, en mains publiques et c’est la ville qui fournit le service complet.

«Toute personne inscrite au registre des habitants et décédant en ville a droit à un enterrement gratuit», explique Sergio Gut.

Les familles ne payent que lorsqu’elles veulent des prestations supplémentaires, que ce soit un cercueil plus richement apprêté, une croix différente ou un organiste, par exemple.

Bâle et Winterthour aussi

Parmi les grandes villes, seules Bâle et Winterthour connaissent également un tel monopole.

Genève compte aussi un service officiel, qui prend en charge 70% des quelque 3200 décès enregistrés chaque année. Deux entreprises privées assument le reste des besoins.

A Zurich, on compte jusqu’à 4000 décès par année. La ville doit donc pouvoir disposer du nombre correspondant de cercueils, une dépense budgétée à quelque 600 000 francs par an.

Or, depuis l’entrée en vigueur des accords du GATT, tout achat public dépassant 250 000 francs doit faire l’objet d’un appel d’offres. C’est ainsi que la mise au concours a été publiée dans la Feuille officielle, et ce pour la deuxième fois.

Il y a trois ans, plus de vingt candidats avaient annoncé leur intérêt, parmi lesquels des entreprises d’Europe de l’Est. Mais aucune n’avait envoyé d’offre concrète.

«Nous avons à nouveau eu une vingtaine de demandes, annonce Sergio Gut, en provenance du monde entier, même du Brésil! Mais nous tablons sur une dizaine de dossiers effectivement déposés.»

Pression sur les prix

Selon le chef du service municipal, une entreprise de la place a cette année de fortes chances de l’emporter. Même si les règles de soumission interdisent d’écarter des candidats en raison de la distance kilométrique, les problèmes de livraison jouent un rôle important.

«Nous devons pouvoir commander environ 50 cercueils toutes les deux semaines et être sûrs qu’ils nous parviennent», précise Sergio Gut.

Il y a trois ans, c’est un fabricant suisse, l’entreprise Egli à Beromünster (LU), qui avait été choisi. Le Lucernois avait du reste aussi empoché le marché bâlois.

Pour Zurich, son offre établissait le prix de base à 165 francs par cercueil, ce qui représentait une économie de plus de 200 000 francs pour la ville par rapport au contrat précédent.

Aujourd’hui, Rudolf Egli, ne cache pas son amertume. Ce prix est, dit-il, à peine suffisant pour couvrir les coûts. A tel point qu’il ne présentera pas une nouvelle offre cette année.

«Nous n’avons rien gagné pendant trois ans et on ne peut pas continuer à faire pression sur les prix de cette façon. Je préfère laisser ça à d’autres», explique-t-il.

Prix plancher atteint

Zurich est du reste consciente d’avoir atteint un prix plancher. «Nous ne pouvons pas aller plus bas», admet Sergio Gut. La ville veut aussi prendre en compte d’autres critères: «Si besoin, nous examinerons aussi les conditions de travail des entreprises candidates.»

Jean Murith, directeur de l’entreprise de pompes funèbres du même nom à Genève, juge sévèrement ce qu’il nomme une «rationalisation à outrance.»

S’il salue l’ouverture à la concurrence pour l’achat des cercueils, car il n’est pas juste «d’engraisser une société en payant deux fois plus cher», aller chercher des fabricants à l’étranger pourrait selon lui déboucher sur une situation «scandaleuse».

«Une grande ville italienne en a fait l’expérience, raconte Jean Murith: elle a commandé ses cercueils en Roumanie, a effectivement fait des économies, mais a perdu sa propre main-d’œuvre et son savoir-faire.»

Le tarif zurichois lui semble d’ailleurs déjà excessivement bas: avec un prix 160 francs par cercueil, il n’y a pas de miracle, la qualité s’en ressent forcément. Moi, j’appelle ça de la cavalerie, ce qu’ils font pour l’incinération.»

Fin de la gratuité?

«Chez moi, il est hors de question d’avoir du plaquage sur du bois croisé, ou des poignées en plastique qui ne tiennent pas! C’est quand même une question de décence», conclut le Genevois.

Les Zurichois ne seront peut-être pas davantage encouragés par le pronostic de Franz Schrag, président de l’Association suisse des services funéraires, qui pense – en son nom personnel – que la gratuité des obsèques disparaîtra progressivement, en Suisse.

«En moyenne suisse, on évalue le prix d’une cérémonie bon marché à 1800 francs, dit le Bernois. Bien sûr cela peut grimper à 15 000, voire 20 000 francs, selon les désirs des familles».

«Mais nous estimons qu’entre 90 et 95% de la population a les moyens de se payer un enterrement. En ces temps d’économies, est-il dès lors juste d’offrir des obsèques gratuites à quelqu’un qui laisse des millions en héritage?»

Il y a quelques années, la ville de Berne avait répondu par la négative et avait supprimé la gratuité pour tous. Comme de nombreuses communes, la capitale fédérale limite désormais son aide aux personnes dans le besoin.

Le délai pour le dépôt des offres à Zurich court jusqu’au 27 janvier. Le Conseil municipal devrait trancher mi-mars.

swissinfo, Ariane Gigon Bormann à Zurich

Un enterrement bon marché coûte en moyenne 1800 francs en Suisse.
Zurich, Winterthour, Bâle et Genève (parmi les grandes villes) offrent un service funéraire gratuit à leurs habitants.
La Ville de Zurich vise un coût de 165 francs par cercueil.
Un cercueil en chêne pour coûter jusqu’à 5000 francs.
Un millier de cercueils en carton ont été vendus en 2002 en Suisse, pour un prix d’environ 200 francs.

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