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La victoire du centre et la formule introuvable

Les élections barrent la une de tous les quotidiens ce 24 octobre, avec des pages spéciales à foison. swissinfo.ch

Après les législatives, la presse suisse souligne ce matin la défaite de la droite conservatrice (UDC) et la poussée des petits partis du centre. Les commentateurs regardent également vers l’élection du 14 décembre, pour laquelle la nouvelle formule du gouvernement reste très indécise.

«La branlée de Blocher», titre, non sans une certaine jubilation le Blick. L’UDC perd des pourcent et des sièges, «même dans ce canton de Zurich, d’où Christoph Blocher avait mis en route un mouvement qui durant des décennies n’a fait que de gagner et qui a durci le climat politique de la Suisse».

Un mouvement, poursuit le tabloïd alémanique, «où l’on doit dire et penser ce que pense le leader et le financier Blocher et où celui qui pense différemment doit se taire». De ce mouvement, «le ‘peuple’, auquel l’UDC en appelle si souvent, en a maintenant assez».

Sur le même ton, Le Matin, parle de «gifle» et voit dans le recul de l’UDC «un tournant dans l’histoire de la Suisse». «Malgré des moyens financiers gigantesques, un déploiement sur le terrain impressionnant et une surreprésentation dans les médias, l’UDC n’a pas réussi à s’imposer et sa stratégie de conquête du Conseil des Etats a lamentablement échoué».

Le tabloïd romand y voit «peut-être une lassitude d’une partie des Suisses face à un discours sécuritaire monomaniaque» et l’effet d’un «discours économiquement suicidaire anti bilatérales».

Pour 24 heures, l’UDC paie avant tout «son manque de crédit dans les exécutifs et son rôle de contestataire permanent». Ce vote montre que les aspirations du pays «commencent à s’écarter des peurs primaires agitées par la droite nationaliste pour se porter sur les réelles préoccupations du pays en matière économique, sociale et environnementale», renchérit Le Quotidien Jurassien.

Les Verts qui perdent, le centre qui gagne

Si personne ne s’étend longuement sur le succès des socialistes – seule formation gouvernementale à tirer son épingle du jeu -, plusieurs commentaires soulignent la perte aussi sévère qu’inattendue de leurs alliés verts. Pour 24 heures, elle montre «que l’environnement n’est plus leur apanage et que l’effet Fukushima s’est mué en effet boomerang».

Le Temps estime quant à lui que «leur posture contestataire et puriste ne convainc plus dans un pays qui avance par petits pas». Manifestement, une bonne part de l’électorat soucieux d’environnement leur a préféré les Verts libéraux, qui restent toutefois une force avant tout alémanique (une seule élue en Suisse romande).

Le Corriere del Ticino relève également cette défaite des Verts, peut-être coupables d’avoir «dérivé vers des positions extrêmes». «L’écologie n’est plus leur prérogative exclusive», note le quotidien italophone, qui voit sortir des urnes «un parlement moins polarisé».

C’est donc bien au centre que les cartes ont été redistribuées, avec le succès des Verts libéraux et du Parti bourgeois démocratique (PBD), issu de la dissidence des modérés de l’UDC derrière leur ministre Eveline Widmer-Schlumpf, exclue de son parti en 2007 pour avoir accepté son élection contre celle de Christoph Blocher

Pour La Tribune de Genève, la montée en puissance de ces deux nouvelles formations «a explosé le centre de l’échiquier politique». Et cette ruée signifie d’abord que «les Suisses n’ont plus confiance dans les partis traditionnels.

Ainsi, le centre-droit se renforce «dans l’addition de ses divisions», note La Liberté, pour qui cette fragmentation compliquera incontestablement la recherche de majorités parlementaires. «Place désormais à l’acrobatie, avec le peuple pour filet de sécurité», note le quotidien fribourgeois.

La nouvelle formule magique

Au-delà de ces législatives, les journaux – surtout en Suisse alémanique – regardent maintenant vers l’échéance du 14 décembre, date de l’élection du Conseil fédéral. Le parlement aura alors à redéfinir un équilibre que ne reflète plus la formule actuelle (deux socialistes, deux libéraux-radicaux, une démocrate-chrétienne, une PBD, un UDC).

«Le grand marchandage peut commencer», prédit Le Matin, alors que La Liberté prévoit «un exercice de funambule». La plupart des commentateurs estiment que la prétention de l’UDC à un deuxième siège (perdu en 2007) est légitime, le parti restant malgré tout le premier du pays. Mais attention, avertit le Tages Anzeiger, il s’agira de présenter «un candidat de concordance, pas un trublion».

Pour la Basler Zeitung comme pour la Berner Zeitung, la formule idéale, ce serait deux sièges pour la gauche, deux pour la droite (UDC) et trois pour le centre. Toute autre équation «ne serait que marchandage de cliques et ne pourrait avoir que des conséquences destructrices», précise le quotidien bâlois.

La Neue Zürcher Zeitung se livre au même calcul. Pour elle, les partis situés entre les socialistes l’UDC ont droit, «selon la concordance arithmétique» à trois sièges. Mais le quotidien zurichois juge que le PBD, «malgré son succès d’estime, reste d’un poids trop faible pour gouverner» et rappelle que de manière générale, «les exigences des partis sont plus grandes que le nombre de sièges au gouvernement».

Pas encore définitif. Une panne informatique dans le canton de Vaud a retardé le dépouillement des résultats. Lundi matin, les chiffres au niveau national sont donc encore une projection.

UDC. Avec 25,3%, la droite conservatrice est loin de l’objectif de 30% lancé par les dirigeants du parti. Elle reste néanmoins le premier parti avec 55 sièges au Conseil national, soit 7 de moins qu’en 2007. Ce recul constitue le premier coup d’arrêt à sa progression depuis 1991.

Centre-droit, renforcé mais émietté. Vert libéraux et PBD rafleraient ensemble 21 sièges avec plus de 10% des voix. Le Parti démocrate-chrétien poursuit sa chute et perd 3 sièges, à 28. Donné grand perdant, le Parti libéral-radical ne cèderait que cinq sièges pour en détenir 30.

Gauche. Le Parti socialiste reste stable avec ses 44 sièges (+1), et 17,6% des suffrages. Les Verts, perdent jusqu’à sept élus et n’en auraient plus que 13 pour une force électorale ramenée à 8% (9,6% il y a quatre ans).

Conseil des Etats. La situation est loin d’être définitive. Seuls 27 sièges sur 46 ont été répartis. Les 19 fauteuils restants dépendront de seconds tours qui s’échelonneront jusqu’au 4 décembre. Le PS a marqué des points, tandis que l’UDC a fait chou blanc.

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