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Les Suisses des Etats-Unis peu enthousiastes

AFP

Barack Obama et Mitt Romney sont au coude à coude avant le 6 novembre. Dans une course aussi serrée, l’élection se jouera dans une poignée d’Etats traditionnellement indécis. swissinfo.ch a pris la température d’électeurs d’origine suisse qui vivent dans ces Etats-clé.

Longtemps acquise au président sortant, la Pennsylvanie est redevenue un Etat indécis depuis la victoire de Mitt Romney au premier débat télévisé.

Dans l’ouest de cet État, à Pittsburgh, Annemarie Frick votera pour Barack Obama comme en 2008. Mais même chez cette «accro à la politique», le soutien au chef de la Maison Blanche est relativement tiède.

«Comme beaucoup de gens qui ont voté Obama, je suis un peu déçue mais je sais que le president ne peut pas faire grand-chose, surtout quand les Républicains bloquent chacune de ses idées. C’est décevant qu’il n’ait pas plus collaboré avec l’autre bord, il avait la majorité au Congrès pendant ses deux premières années de mandat, mais parfois, il n’a pas eu l’appui de son propre parti», dit cette  prof de langues originaire de Saint Gall.

La crise économique qui sévit depuis 2007, avec sa cohorte de licenciements, de saisies immobilières et de surendettement public et privé, est la préoccupation numéro un des électeurs.

L’économie d’abord

Même dans une ville épargnée comme Pittsburgh. «L’économie est mon principal souci et celui de la plupart des gens que je connais», dit Madame Frick.

La Floride est l’Etat indécis qui pèse le plus lourd au sein du collège électoral. À Boca Raton, site du dernier débat  télévisé, Rolf Marti voit «beaucoup de chômage et de saisies». Mais ce retraité est surtout préoccupé par la dette publique qui dépasse 16 mille milliards de dollars.

«Tout le monde montre Bush du doigt mais Obama est président depuis quatre ans et il a eu la majorité à la Chambre et au Sénat pendant deux ans», lance Rolf Marti qui votera Mitt Romney. «Obama n’est président que parce qu’il est noir et bon orateur, et encore avec un téléprompteur», poursuit ce Zurichois marié à une Américaine originaire de Colombie.

Dans le Nevada, l’Etat le plus touché par le chômage, la famille Stettler est partagée sur le meilleur candidat.

Kurt Stettler vit avec sa fille à Sparks tant pour des raisons de santé que pour des raisons financières. Il juge Barack Obama «pas vraiment qualifié pour être président car il n’a jamais travaillé dans le secteur privé et tout ce qu’il a fait passe par le gouvernement». Pour ce natif d’Eggiswil, voter Romney, ce sera surtout voter contre le président sortant. «Je n’aime pas toutes les pratiques d’homme d’affaires de Romney mais il serait bien mieux que Barack Obama et je ne veux pas 4 ans de plus d’Obama».

La fille de M. Stettler votera, elle, pour Barack Obama, mais sans l’enthousiasme de 2008. Annette Stettler a failli perdre son poste dans la fonction publique du Nevada et sa rémunération a baissé. Elle ne blâme pas le président Obama. Elle pense qu’il a «hérité d’une pagaille» et «essaie d’aider les gens en difficulté».

Cependant, elle est «déçue par Obama» et «pas sûre» de son bilan. Elle en a «marre de la politique». Pourquoi voter alors ? «Parce que je ne veux pas que Romney gagne, il n’a aucune idée de ce que c’est d’appartenir à la classe moyenne», répond-elle.

Le soutien à Barack Obama est plus ferme chez Chantal Aaeschbach-Powell qui dirige la filiale d’une entreprise suisse à Winchester, en Virginie.

«Je ne suis pas décue d’Obama. D’une part, on ne peut pas faire beaucoup de changements en 4 ans seulement, d’autre part, on ne pouvait pas attendre des miracles avec l’héritage qu’il a reçu de Bush», déclare la native de Genève.

Cette mère de trois enfants qui dit connaître «plein de gens qui cherchent un emploi» est surtout préoccupée par l’incapacité de la classe politique à œuvrer pour le bien du pays.  «Vous apprenez à vos enfants à travailler ensemble et il est incroyable que les politiciens oublient ce simple test», explique Chantal Aaeschbach-Powell. Elle souligne que Barack Obama «aurait pu travailler un peu plus dur pour collaborer avec le parti d’en face».

Quoi qu’il en soit, l’alternative n’est pas acceptable à ses yeux. «Je ne trouve pas Romney honnête ni fiable, et en tant que femme, il est hors de question que je vote pour lui à cause de Paul Ryan dont certaines opinions sont extrêmes».

Pour Tony Zgraggen, commerçant dans le Wisconsin, Etat d’origine du colistier de Mitt Romney, Paul Ryan «n’est pas extrémiste». «Je soutiens son plan de reduction du deficit et de la dette», précise cet émigré d’Erstfeld.

Crise budgétaire

La crise budgétaire inquiète particulièrement les électeurs qui ne se reconnaissent dans aucun des deux partis dominant la vie politique. Tony Zgraggen est l’un de ces «indépendants». Il oscille entre Démocrates et Républicains. Mais cette fois, il votera républicain. Un vote-sanction.

«J’avais voté pour Obama en 2008 mais il a trop dépensé dans l’aide sociale, il pense que ceux qui travaillent dur sont tous riches, il n’a pas créé d’emplois, il ne comprend pas l’économie et le pays ne va pas dans la bonne direction», martèle cet homme de 58 ans.

Bien que vice-président du parti républicain dans son comté de Caroline du Nord, Hans Moser confie ne pas avoir «le feu intérieur». «Je ne suis pas enthousiasmé par le ticket», dit-il.

La réticence de cet évangélique envers le tandem présenté par son parti n’est pas due au mormonisme de Mitt Romney. «Les mormons ne sont pas des chrétiens grandeur nature, ils ont inventé leur propre chrétienté, c’est bien sûr embêtant, mais ce n’est pas essentiel car Mitt Romney partage nos idéaux: il accepte le Créateur comme tout-puissant, il le fait clairement à propos de l’avortement», estime ce Bernois à la double nationalité.

«Ce qui me gêne chez Romney, c’est qu’il a changé plusieurs fois d’avis sur différents dossiers», dit M. Moser qui se résoud à lui accorder son suffrage. «Je n’ai pas le choix, et puis Israel est très important pour nous évangéliques, or, Israel pense que Romney est le meilleur des deux candidats».

Barack Obama et Mitt Romney ont poursuivi dimanche leurs campagnes à un rythme effréné pour tenter de convaincre les derniers indécis et mobiliser leurs troupes à 48 heures du scrutin. Les sondages donnent un tout petit avantage au démocrate dans certains des «Etats pivots» comme l’Ohio, la Virginie, le Colorado et la Floride. Cette élection devrait être une des plus serrées de l’histoire récente du pays.

Toujours selon les sondages, l’ouragan Sandy, qui a frappé très durement le côte Est du pays, devrait donner un certain avantage au président Obama, dont tout le monde, républicains compris, a loué la manière dont il a géré cette crise.

Le président des Etats-Unis n’est pas élu au suffrage universel direct, mais par 538 grands électeurs. Chaque Etat en a autant que d’élus au Congrès: trois pour les plus petits et jusqu’à 55 pour la Californie, le plus peuplé. Partout, à l’exception du Nebraska et du Maine, le candidat arrivé en tête rafle tous les grands électeurs.

Ce mode de scrutin «super-majoritaire» peut permettre de gagner sans obtenir la majorité des voix des citoyens. Cela s’est produit quatre fois dans l’histoire du pays, la dernière en 2000. George W. Bush avait obtenu 271 grands électeurs, un de plus que la majorité requise. Son rival Al Gore avait pourtant remporté le vote populaire avec plus 539’000 voix d’avance.

Il y a aux Etats-Unis environ 1,2 millions de citoyens ayant des racines suisses.

Sur les 75’637 citoyens suisses enregistrés dans le pays à fin 2011, 52’093 étaient des doubles nationaux.

Sur les quelques six millions d’Américains vivant dans 160 pays du monde, environ 30’000 sont enregistrés en Suisse.

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