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1er Mai: «Il n’y a pas de mouvement social européen»

C'est traditionnellement à Zurich qu'a lieu le plus grand défilé du 1er mai de Suisse. Ex-press

Licenciements, bonus, coups de canif au secret bancaire: la Suisse est empêtrée dans la plus grave des crises. Mais cela ne semble pas pour l'instant profiter à la gauche. Analyse à deux voix par le politologue Hans Hirter et le président du PS, Christian Levrat.

«Les gens ne réalisent peut-être pas encore très bien la gravité de cette crise car, jusqu’ici, elle n’a pas eu beaucoup d’effets concrets sur leur mode de vie ou sur leur emploi», explique Hans Hirter.

La gauche et les syndicats sont «pourtant très présents dans les médias, et avec des propositions, ajoute le politologue. Mais je ne crois pas que cela aura d’impact sur les votations ou sur la mobilisation des électeurs».

Pour Christian Levrat, il y a beaucoup de colère et de frustration chez les gens. «Mais sans que cela débouche sur du positif. La crise s’exprime beaucoup plus dans des actions spontanées, à la limite de la légalité», déclare le président du Parti socialiste suisse, faisant allusion aux séquestrations de dirigeants en France.

Dans le même bateau

«Ce qui est sûr, c’est qu’il n’existe pas de mouvement social à l’échelle européenne autour de projets d’avenir, poursuit Christian Levrat. Il y a aussi l’attitude des partis bourgeois et, en particulier, du gouvernement, dans lequel nous siégeons tous. Mais je crois que certains rament encore alors que, en haut, les autres continuent de se la couler douce.»

Concrètement, le président du PS pense que les «victimes réelles de la crise ne seront pas les grands patrons des banques, mais les simples employés. En fin de compte, ce sont eux qui paieront le prix fort, avec la baisse du pouvoir d’achat, l’augmentation du chômage et de nouvelles économies dans les dépenses publiques. Nous devons réussir à communiquer tout cela de manière plus claire.»

Le fait que ce soit d’abord la plus grande banque, UBS, qui ait annoncé en grande pompe des licenciements ne rend pas la tâche plus facile à la gauche, analyse Hans Hirter. «Il n’est pas possible de créer un élan de solidarité avec les employés de niveau intermédiaire, qui sont de toutes façon globalisés. Il en irait tout autrement si cela concernait les travailleurs de la branche des machines ou des ouvriers d’un atelier tessinois.»

Pression extérieure et non intérieure

La gauche demandait depuis longtemps que l’on supprime la différence entre fraude et évasion fiscale. Mais aujourd’hui que cette différence est abolie, elle ne peut pas revendiquer sa victoire.

«Ce que nous réclamions est arrivé, indique Christian Levrat. Mais la difficulté, c’est que nombre de mesures ont été imposées de l’étranger et non pas à l’issue d’un processus démocratique interne.»

Ce qui place le PS dans une «situation de schizophrénie», relève Hans Hirter. Le parti ne peut se réjouir trop bruyamment de l’assouplissement du secret bancaire, car cela risquerait de le faire passer pour un traître à la patrie: «car le pire adversaire de l’évasion fiscale, le ministre allemand des Finances Peer Steinbrück, est social-démocrate», rappelle le politologue.

Pas de symbole ultime

Christian Levrat raconte avoir écrit à son camarade Steinbrück pour lui demander de «suivre la voie diplomatique normale avec la Suisse». «Le problème, ce n’est pas sa position, c’est son ton. Car la majorité de la population suisse est persuadée que nous n’avons pas à accueillir de fraudeurs du fisc. Mais elle n’est pas prête pour autant à mettre leurs données personnelles à disposition de qui que ce soit.»

En outre, le socialiste ne croit pas que la «rhétorique bourgeoise» à propos du secret bancaire en tant que «symbole ultime du patriotisme» trouve un véritable écho dans la population. «Les gens ne sont pas dupes: il s’agit là de défendre les intérêts de personnes très riches qui, en refusant de s’acquitter de leurs impôts, pénalisent les citoyens moyens.»

Résistance de la droite

A propos d’égalité fiscale en Suisse, Hans Hirter affirme: «La gauche ferait bien de cesser de réclamer plus d’impôts pour les riches. C’est beaucoup plus difficile qu’en Allemagne. Chez nous, il y a beaucoup plus de responsabilité individuelle et d’autodétermination.» La gauche devrait au contraire s’engager pour que la fraude fiscale soit combattue «avec des mesures plus efficaces».

Réponse de Christian Levrat: «C’est ce que nous faisons à l’intérieur du système. Peu de temps avant mon entrée en fonction, j’ai exigé que soit doublé le nombre d’inspecteurs fiscaux qui enquêtent sur les grosses affaires de dissimulation».

«Mais nous nous heurtons toujours à la résistance du ministre des Finances Hans-Rudolf Merz et de la majorité bourgeoise du Parlement, qui font tout ce qu’ils peuvent pour protéger les gros contribuables. Nous faisons du tort à l’image du pays en protégeant les fraudeurs, qu’ils soient étrangers ou suisses.»

swissinfo, Andreas Keiser
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

Le 1er Mai prend une importance particulière cette année avec la crise financière mondiale, estime le président de l’Union syndicale suisse, Paul Rechsteiner.

Le nombre de participants est en augmentation depuis les années 1990.

Avec la crise et les licenciements, il est probable que les participants seront plus nombreux que d’habitude, indique Andreas Rieger, co-président du syndicat Unia.

Les licenciements sont parmi les principales raisons qui font descendre les gens dans la rue pour émettre des revendications sociales et politiques.

Les syndicats n’ont pas encore tiré les bénéfices de la mauvaise situation économique et le nombre de leurs membres a continué de diminuer en 2008.

Le 1er Mai est la seule fête non religieuse à l’échelle mondiale.

La date a été choisie en 1889, en mémoire de la grève pour la journée de huit heures qui avait été écrasée dans le sang à Chicago en 1886.

En 1890, le 1er Mai a été fêté dans 34 lieux de Suisse. L’union syndicale comptait alors 5000 membres et le Parti socialiste avait été fondé neuf mois pus tôt.

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