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Pourquoi cet intérêt soudain pour les passeports suisses?

Après la cérémonie de prestation de serment, les nouveaux citoyens suisses font la queue pour être photographiés avec Pierre Maudet, le responsable des naturalisations pour le canton de Genève. swissinfo.ch

Les demandes de naturalisation ont explosé dans les cantons de Vaud et de Genève (19:30 du 3'3'16)

En 2015, les demandes de passeport suisse ont bondi de 19%. Un taux élevé, qui devrait le rester cette année. A Genève, où le chiffre a triplé, swissinfo.ch a voulu en savoir plus, en suivant une cérémonie de prestation de serment des nouveaux citoyens.

En habits du dimanche, quelque 300 personnes investissent la salle communale de Plainpalais pour une cérémonie de prestation de serment des nouveaux citoyens suisses et genevois. Nous sommes le 2 février.

Pour beaucoup, ce jour marque l’aboutissement d’un long parcours administratif. En attendant patiemment, certains tapotent leur téléphone, tandis que d’autres parcourent la salle du regard.  

A l’arrivée du maître de cérémonie, le public se lève. «Certaines personnes pensent qu’il s’agit d’une formalité. C’est plus que ça. Aujourd’hui, vous avez pris un engagement au nom de la communauté. Nous voulons que les citoyens puissent apporter de nouvelles idées, qu’elles soient économiques, sociales ou culturelles», plaide le ministre cantonal en charge de la sécurité et de l’économie.

Dans un discours enflammé, Pierre Maudet rappelle à l’auditoire ses nouvelles responsabilités et ses droits: «Nous allons vous mettre au travail tout de suite. Il y a une votation prochainement avec une douzaine de questions posées (Les votations du 29 février, ndlr) Certains d’entre vous viennent de parties du monde où vous n’avez pas une telle chance de voter.»

Il lit ensuite lentement le nom de chaque nouveau naturalisé, trébuche sur un ou deux patronymes des Balkans ou d’Afrique. A Genève, plus de 40% des résidents sont d’origine étrangère.

Debout, chaque nouveau citoyen lève une main en déclarant «je le jure» ou «je le promets». Quelques larmes sont essuyées. Ensuite, le test ultime: chanter l’hymne national à l’unisson, avec l’aide d’un karaoké.

L’année dernière, les demandes de citoyenneté ont explosé, un record pour Genève, avec un total de 5971 naturalisations, contre 2238 en 2014. Partout dans le pays, les naturalisations ont augmenté de manière significative en 2015 à 40’588, contre 32’988 en 2014, soit un saut de 19%.

Lors de l’apéritif clôturant la cérémonie, certains participants témoignent: «Ce document est très important pour moi, raconte Rim Bitar, une jeune syrienne en brandissant fièrement son certificat de nationalité suisse. J’aime vivre ici, même si j’aime aussi la Syrie. Je suis étudiante en économie, mais avec ma nationalité syrienne, je ne pouvais pas circuler partout. J’espère que ma nationalité suisse va maintenant m’aider professionnellement. J’espère pouvoir trouver un bon emploi dans une entreprise, à l’ONU, ou dans le monde humanitaire. Je veux être utile à la société.»

Vêtu d’un costume traditionnel suisse et portant les drapeaux de Genève, de Suisse et de Jamaïque, Yvonne Reid est tout sourire: «La procédure a pris du temps, 4 ans. C’est pourquoi aujourd’hui, je dis simplement alléluia. Merci à la Suisse», dit la nouvelle citoyenne genevoise qui a également demandé le passeport suisse pour son fils, afin de lui donner plus de chances dans son développement personnel et professionnel.

«Je suis venue ici il y a 22 ans, c’est devenu mon chez-moi, dit-elle. La citoyenneté va m’aider dans mon développement. J’aimerais aller à l’université pour me former dans les métiers liés à la petite enfance, aux personnes handicapées ou aux personnes âgées.»

En temps normal, environ 100 personnes participent à chaque cérémonie de naturalisation à Genève. Mais depuis l’année dernière, il y a eu une augmentation. Plusieurs cérémonies sont prévues ces prochaines semaines. Le processus de naturalisation a été réduit de 38 mois à 18 et les fonctionnaires ont travaillé dur pour traiter les demandes en souffrance.

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Pierre Maudet croit que beaucoup de personnes admissibles ont soudainement décidé de franchir le pas. Cela est dû en partie aux durcissements de la loi sur la nationalité suisse, dont la version révisée entrera en vigueur en 2017.

A partir de cette date, les candidats devront être résidents depuis 10 ans (au lieu de 12 actuellement, mais ils doivent être restés dans le même canton entre 2 et 5 ans, selon les cantons). Ils devront également passer un examen écrit de langue, et non plus seulement oral comme aujourd’hui.

Les étrangers ayant un permis B (résidents), un permis L de courte durée ou la carte de légitimation pour les fonctionnaires internationaux et les membres de leurs familles, peuvent encore demander la citoyenneté d’ici 2017. Ensuite, ils devront être au bénéfice d’un permis C, accordé après 5 à 10 ans de résidence.

«Beaucoup de mes collègues qui travaillent dans les organisations internationales ont postulé», relève Hans-Peter Werner, un fonctionnaire germano-canadien de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui vient de recevoir son passeport.

Pierre Maudet estime qu’environ 5000 fonctionnaires internationaux et membres de leurs familles peuvent être intéressé à se naturaliser cette année.

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Professeur à l’Université de Neuchâtel, Etienne Piguet est vice-président de la Commission fédérale des migrations. Il estime que le vote anti-immigration du 9 février 2014 peut aussi encourager plus de gens à postuler pour un passeport suisse.

«Certains étrangers peuvent craindre de perdre leur permis de séjour s’ils se retrouvent au chômage» a déclaré Etienne Piguet à l’agence de presse ATS.

Un point de vue que partage Pierre Maudet: «Si vous avez un passeport suisse, vous avez la garantie d’être en mesure de quitter le pays et d’y revenir. Si vous avez un passeport étranger et que les quotas sont introduits, vous pourriez avoir un problème.»

Guillaume Lejoindre, devenu Suisse l’année dernière après avoir vécu à Genève pendant 16 ans, admet que le vote du 9 février a été une motivation: «À l’heure actuelle, chaque pays a une légère tendance à se refermer. La question de la nationalité est devenue plus importante qu’à d’autres époques.»

Mais d’autres motivations existent: «Je vis à Genève depuis longtemps. J’ai un permis C et un emploi. Je l’ai fait surtout pour me rassurer. Je me sens suisse et genevoise. Ma naturalisation confirme ce sentiment. Pour moi, c’est une question de cœur», explique Maria José Rey Otero, également de nationalité espagnole.

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Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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