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Comment la Suisse modernise ses bons offices

Le Liban face aux risques de guerre civile... Une jeune ONG basée à Genève tente le dialogue. Keystone

La diplomatie helvétique s'ouvre de plus en plus à la société civile pour son action de médiation dans les conflits. Un recours qui débouche sur des succès.

Pionnière en matière de partenariat avec les ONG, la Suisse renouvelle et affine sa politique traditionnelle de bons offices.

Les multiples conflits au Proche-Orient ou en Afrique suggèrent le contraire. Mais les négociations de paix fonctionnent de mieux en mieux. Durant les années 1990, 42 conflits ont pris fin grâce à des pourparlers, alors que 23 guerres se sont terminées par une victoire militaire.

La moitié environ de ces accords de paix n’ont pas été respectés. Mais cette tendance a fortement diminué en ce début de siècle. Entre 2000 et 2005, seuls deux des 17 accords de paix conclus n’ont pas tenu.

Ce constat a été dressé récemment par Thomas Greminger, chef de la division en charge de la sécurité humaine au sein du ministère suisse des Affaires étrangères (DFAE), lors d’un séminaire consacré au rôle de la Francophonie dans les médiations de conflit.

Parmi les raisons invoquées par l’ambassadeur suisse pour expliquer cette évolution figure le rôle accru de la société civile dans les processus de médiation. Une ouverture liée à l’évolution des guerres elles-mêmes: les conflits militaires entre Etats tendent à disparaître, alors que les guerres à l’intérieur d’un pays entre forces gouvernementales et groupes rebelles deviennent la norme.

Mais le recours du DFAE à des acteurs de la société civile pour intervenir, voire mener des négociations de paix, correspond aussi à une évolution des mentalités au sein même du ministère et du Conseil fédéral (gouvernement).

L’exemple d’Oslo

La médiation de la Norvège dans le conflit israélo-palestinien, initiée par des universitaires, a servi de catalyseur. «Les accords d’Oslo ont été une source d’inspiration très importante, souligne Thomas Greminger. L’exemple de la Norvège nous a montré qu’il était possible d’avoir un impact même pour un petit pays.»

Avant d’ajouter: «Mais il y a également eu une volonté politique du Conseil fédéral, appuyé par le Parlement, d’augmenter le profil suisse dans la promotion de la paix. Ce qui a permis de constituer des instruments efficaces et reconnus sur le plan international.» Une allusion à la Loi fédérale pour la promotion de la paix entrée en vigueur en mai 2004 et dotée d’un crédit-cadre d’environ 50 millions de francs par année.

Fort de ces nouveaux instruments – dont un pool de près de 600 experts appelés au cas par cas – la diplomatie suisse recourt de plus en plus à la société civile dans son action de prévention des conflits.

Une action en réseau

«Il est clair qu’aujourd’hui, la promotion de la paix se fait en réseau avec un rôle clé de la société civile, précise Thomas Greminger. La Suisse a développé tout un réseau de partenaires stratégiques qui jouent un rôle important quand il s’agit de lancer des actions de médiation ou de mobiliser du savoir spécialisé pour le faire valoir dans les processus de paix.»

L’Initiative de Genève, entérinée en décembre 2003 avec des acteurs de la société civile israélienne et palestinienne et lancée par l’universitaire Alexis Keller, est la plus connue de ces médiations de paix d’un nouveau type.

Tout récemment, une jeune ONG basée à Genève – l’Association suisse pour le dialogue euro-arabo-musulman – a lancé un dialogue prometteur avec des représentants des principaux courants de la scène politique libanaise. Et ce dans le but de renforcer l’Etat libanais face aux risques de guerre civile. Une initiative discrètement soutenue par le DFAE.

«Ce recours à la société civile est une tendance intéressante. Il serait en effet regrettable de maintenir une coupure entre l’administration et la société civile», remarque l’ancien diplomate Yves Besson, l’un des fondateurs de l’association, qui remarque que dans d’autres domaines comme la santé publique, on recourt depuis longtemps à des compétences de la société civile.

Une intervention qui peut prendre diverses formes. Dans ses engagements au Soudan, en Indonésie ou en Colombie, la diplomatie suisse était ainsi aux commandes. Mais elle a travaillé avec des acteurs non étatiques ou des ONG locales.

Le rôle pionnier de la Suisse

Selon l’ambassadeur Greminger, la Suisse fait figure de pionnier dans ce domaine: «La Suisse est la plus avancée quant à une implication conséquente de la société civile. Ce qui lui donne un avantage comparatif sur le marché de la promotion de la paix. Beaucoup de gouvernements continuent de se méfier de la société civile, qu’elle soit représentée par des ONG ou le secteur privé.»

De son côté, Xavier Comtesse – directeur du think tank ‘Avenir Suisse’ – ne peut que saluer cette évolution qui rejoint sa propre démarche à l’égard de la Genève internationale, à savoir développer une approche multipartenaires (Etat, monde académique, ONG et secteur privé) pour résoudre les problèmes qui occupent les organisations internationales basées sur les bords du Léman.

Et Xavier Comtesse de conclure: «Le grand défi pour le DFAE est d’augmenter le nombre de diplomates formés à la négociation entre partenaires issus de tous ces milieux, en particulier les entreprises. Un savoir-faire que l’on peut acquérir dans des lieux comme le Forum de Davos.»

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

Le Pool d’experts suisse pour la promotion civile de la paix est un instrument de la politique suisse de la paix, des droits de l’homme et de l’aide humanitaire.

Le pool regroupe quelque 570 experts volontaires. Ceux-ci sont mis à disposition, selon les besoins, pour des opérations civiles de paix d’une durée limitée.

Leurs domaines d’intervention sont variés: observation d’élections, conseils en matière de police ou de questions constitutionnelles, médiation, ou conseils dans les domaines de l’état de droit, des droits de l’homme et du droit humanitaire. Le pool fonctionne selon le système de milice.

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