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Cours accéléré de démocratie pour la 5e Suisse

«Les cartes géographiques ne séparent pas les gens, même si certaine veulent souligner les différences», a lancé la conseillère fédérale Doris Leuthard. swissinfo.ch

Le Congrès des Suisses de l’étranger s’est penché sur «la démocratie directe dans le contexte international». Un débat qui fait sens en cette année électorale, alors que les expatriés attendent encore les outils techniques leur permettant de jouer pleinement leur rôle. En présence de la conseillère fédérale Doris Leuthard, qui a surtout parlé économie.

Samedi à Lugano, Doris Leuthard a surtout parlé économie, mais a procédé à un état des lieux de la Cinquième Suisse: «Nous souhaitons vous soutenir pour faciliter vos liens avec notre pays. Avec une nouvelle direction consulaire que le Conseil fédéral est en train de mettre au point, la création d’une helpline téléphonique 24 heures sur 24 dès janvier 2012, et la généralisation du e-voting à moyen terme.»

«Vous êtes notre carte de visite, a conclu la conseillère fédérale. Vous participez à la bonne réputation de notre pays et vous véhiculez l’esprit ouvert de notre pays et ses valeurs.»

Difficile d’expliquer la démocratie

Auparavant s’est tenu le débat sur la démocratie directe. «C’est très difficile d’expliquer la démocratie directe à des étrangers», a lancé d’emblée l’ex-vice chancelier de la Confédération Achille Casanova. On est tenté de lui répondre que c’est tout aussi difficile de l’expliquer aux Suisses de la diaspora, voire à ceux de l’intérieur.

«Si la démocratie directe est un élément essentiel de notre système politique, ses implications sont multiples et mouvantes», a-t-il poursuivi. En expliquant que les changements profonds et rapides du monde ont «des implications également sur la pratique et la valeur de la démocratie directe telle que pratiquée en Suisse».

Achille Casanova a surtout constaté que «la démocratie directe n’est pas encore réalisée pour les Suisses de l’étranger, puisque leur participation à la vie politique est pour l’instant compliquée par la distance». En tout cas en attendant la généralisation du e-voting à tous les cantons suisses, et donc à tous les Suisses de l’étranger d’ici… 2015 au mieux.

Ont suivi une série d’exposés pour la plupart brillants sur ce thème inépuisable, mais dont le haut niveau a peut-être laissé sur leur faim les délégués de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), préoccupés par des soucis plus concrets et plus immédiats, au vu des questions qu’ils ont posées.

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Démocratie contre droits humains

«La démocratie n’est pas au-dessus des valeurs universelles comme les droits de l’homme, comme dans tous les pays civilisés et les démocraties qui se respectent, elle doit donc respecter les valeurs universelles et les droits de l’homme», a déclaré Andreas Auer, professeur à l’Université de Zurich.

Les droits de l’homme se sont internationalisés au point que les Etats ont, dans ce domaine, perdu le contrôle puisqu’ils n’ont pas le droit de violer ces droits.

Le professeur de préciser : «c’est le grand et nouveau problème, quand la démocratie directe entre en collision avec le monde extérieur et même avec la planète. Autrement dit lorsque les initiatives populaires créent des problèmes de compatibilité» avec les conventions européennes des droits de l’homme.

Conclusion: le peuple est «souverain mais pas omnipotent». En cas de besoin, il revient à la justice, notamment internationale, de trancher et, donc, de «décider des liberté». Et de citer le problème posé par la votation fédérale sur l’interdiction de la construction de minarets, ou l’initiative de la droite conservatrice visant à annuler l’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes.

La majorité n’a pas tous les droits

Egalement invité par l’OSE, Werner Gartenmann, directeur de l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (Asin, organisation anti-UE) a aussitôt réagi pour affirmer la primauté des droits de la démocratie directe. «Nous sommes conscients de la pression européenne pour nous obliger à adopter le droit européen (…), mais notre système est incompatible avec l’UE»

Werner Gartenmann veut bien défendre les droits humains, mais «pas ceux de la minorité criminelle». Si certaines initiatives populaires qui ébrèchent les droits humains aboutissent, «c’est parce qu’il y a un problème». «Ma thèse est que le nombre d’initiatives populaires augmente parce que le gouvernement ne fait pas bien son travail et que nous devons dire ‘halte’!»

Répliquant au directeur de l’Asin Andreas Gross, conseiller national (député) socialiste zurichois et membre du Conseil de l’Europe, a affirmé que «les droits humains priment sur tous les autres, sinon nous ne serions pas en vie».

Deuxième idée force: «La majorité ne peut s’arroger le droit de décider pour la minorité et, là, nous avons des choses à apprendre. Et il faut donc affiner les critères pour que les droits des minorités ne soient pas écrasés par la majorité politique.»

Deux injustices

Par exemple, les 700’000 Suisses de l’étranger ne peuvent pas encore participer pleinement à la démocratie directe, alors que «ceux à qui les lois s’appliquent doivent pouvoir participer à leur élaboration».

Le conseiller national cite cette autre «injustice», qui fait que la population suisse elle-même compte toujours plus de membres qui ne sont pas citoyens et ne peuvent participer. Résultat: «nous commençons à constater une rupture entre les Suisses et les non-Suisses».

Et de plaider en faveur du droit de vote pour les étrangers de Suisse, mais aussi pour que les Suisses de l’étranger revendiquent sérieusement de former le 27e canton de ce pays. «Je vous y aiderai», a affirmé pour conclure Andreas Gross sous les applaudissements.

Le Congrès 2011 des Suisses de l’étranger, se déroule du 26 au 28 août à Lugano.

Le 26 août, le Conseil des Suisses de l’étranger a adopté une motion en faveur de la libre circulation des personnes (texte xi-dessous) avec 65 voix, 3 non et 5 abstentions.

Le 27 août, la session plénière – ouverte à tous les intéressés – a été consacrée à «La démocratie directe dans le contexte international». En présence de la conseillère fédérale Doris Leuthard.

Le Congrès 2012, le 90e ! se tiendra du 17 au 19 août à Lausanne, au Palais de Beaulieu. Thème: «La libre circulation des savoirs – La Suisse à l’heure des défis internationaux», en évoquant notamment les questions d’innovation et de mobilité.

La table ronde a réuni samedi:

Andreas Auer, professeur à l’Université de Zurich et directeur du Zentrum für Demokratie,

Werner Gartenmann, directeur de l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (Asin, organisation anti-UE),

Andreas Gross, conseiller national (député) socialiste zurichois,

René Roca, historien et enseignant au Centre pour la démocratie à Aarau (ZDA).

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