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Des comptes suisses accablent un ancien ministre du Guatemala

Un homme se prépare à détruire à la hache une affiche électorale de Alejandro Sinibaldi Aparicio, ancien ministre du Guatemala
Nul ne sait aujourd'hui où se trouve l'ancien ministre guatémaltèque Alejandro Sinibaldi Aparicio (sur l'affiche électorale), rattrapé par une foule de procédures judiciaires à son encontre. Reuters/Jorge Lopez

En plaçant ses millions à Genève, Alejandro Sinibaldi Aparicio pensait faire fructifier sa fortune en toute discrétion. C’était sans compter l’entraide pénale entre le Guatemala et la Suisse, qui vient d’être confirmée par un arrêt du Tribunal fédéral. Pour l’ancien ministre, le compte à rebours a commencé.

Voilà plus d’une année qu’Alejandro Sinibaldi Aparicio est en fuite. Nul ne sait où se cache l’ancien ministre des Communications, des Infrastructures et du Logement du Guatemala, depuis sa mise en cause dans plusieurs affaires nationales de corruption. Son compte TwitterLien externe est protégé. Et dans les procédures judiciaires en cours en Suisse, ses avocats Benjamin Borsodi et Sylvie Bertrand-Curreli se gardent bien de dévoiler son lieu de résidence actuel.

Le Guatemala vient d’émettre un nouveau mandat d’arrêtLien externe à son encontre, cette fois dans l’affaire du Transurbano, le système de transports publics du pays. Lorsqu’il était député, Alejandro Sinibaldi Aparicio aurait fait verser à deux entreprises lui appartenant – Seguridad ASA et Servicios Marítimos y Aéreos del Norte – l’argent provenant d’un contrat pour améliorer la sécurité des arrêts de bus dans la capitale, sans que finalement rien ne soit entrepris.

Jusqu’à 5% de pots-de-vin

Cette procédure vient s’ajouter à toutes les autres qui courent contre le sémillant homme politique. La principale est surnommée au Guatemala «Construction et corruption». Selon l’enquête du Ministère public national, Alejandro Sinibaldi Aparicio recevait jusqu’à 5% de pots-de-vin, lorsqu’il était ministre entre 2012 et 2014, de la part des entreprises à qui il octroyait les marchés publics. L’un des entrepreneurs impliqués vient d’ailleurs d’être condamnéLien externe.

L’homme est également impliqué dans l’affaire Odebrecht: en 2013, il aurait réclamé à l’entreprise brésilienne le paiement de commissions occultes pour l’adjudication d’un mandat de construction d’une route dans le Sud du pays, dont le paiement de trois millions de dollars à l’ancien candidat à la présidentielle Manuel Baldizón. L’un des banquiers brésiliens impliqués dans le schéma corruptif a témoignéLien externe cet été.

Des banques suisses impliquées

Une partie de ces pots-de-vin passait par la Suisse, comme l’indiquent deux arrêts récents. Dans le premier, daté du 27 juin dernier mais rendu public le 17 septembre, les juges du Tribunal pénal fédéralLien externe rejettent le recours du Guatémaltèque. Qui se fait également débouter par le Tribunal fédéralLien externe (TF), comme l’indique l’arrêt daté du 28 août, publié le 13 septembre 2019.

Ces documents rappellent que le Guatemala avait demandé l’entraide début 2017 dans le cadre d’une enquête sur l’ancien ministre. Les informations sur trois comptes bancaires dans deux banques ont été transmises. Les noms des établissements ne sont pas communiqués, mais un article de BilanLien externe de 2017 évoquait le Credit Suisse et Santander Suisse, sur la base d’articles de presse au Guatemala.

Selon l’arrêt du TF consulté par Gotham City, ces comptes étaient ouverts au nom de deux sociétés de droit panaméen, Intercontinental Media Structures Inc., et Madagascar Oil Company Inc.

Pour s’opposer à la transmission de ces informations, Benjamin Borsodi et Sylvie Bertrand-Curreli, ont notamment argué que la procédure violait le droit de leur client d’être entendu dans la mesure où celui-ci risque l’incarcération.

Les juges n’ont pas souscrit. Comme Alejandro Sinibaldi Aparicio n’a pas prouvé qu’il réside actuellement au Guatemala, «la possibilité d’une violation des droits de procédure dans l’Etat requérant n’y change rien dans la mesure où l’intéressé ne risque pas concrètement d’en pâtir». 

Des propriétés séquestrées

Dans son pays, l’ancien ministre est aussi mis en cause pour l’affaire de la «Cooperacha», dans laquelle des membres du Parti patriote ont empoché des commissions servant à offrir des cadeaux à l’ancien président Otto Pérez Molina et sa vice-présidente Roxana Baldetti.

Sa page WikipediaLien externe n’aborde que brièvement les charges émises contre lui, et préfère vanter la construction de 15’000 logements au Guatemala pendant son passage au gouvernement.

La presse guatémaltèque, elle, se demande ce que vont devenir les huit propriétés d’Alejandro Sinibaldi Aparicio, dont certaines disposent de très jolies piscinesLien externe. L’Etat les a séquestrées en juillet dernier.

Gotham City 

*Fondée par les journalistes d’investigation Marie Maurisse et François Pilet, Gotham City est une newsletter de veille judiciaire spécialisée dans la criminalité économique. 

Chaque semaine, elle rapporte à ses abonnés les cas de fraude, corruption et blanchiment en lien avec la place financière suisse, sur la base de documents de justice en accès public. 

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