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Exit Berlusconi, place à Super Mario Monti

Mario Monti réussira-t-il à sauver l'Italie? Keystone

«La plus belle nuit de l’Italie depuis la Coupe du monde de foot»: le «Blick» donne le ton après la démission de Berlusconi et la désignation de l’économiste Mario Monti pour former le gouvernement censé sauver l’Italie de la faillite. La presse nationale revient sur ce week-end chaud.

Professeur, indépendant, ancien commissaire européen, Mario Monti a été désigné dimanche par le président Giorgio Napolitano pour tenter de former un nouveau gouvernement italien. L’intéressé a accepté sous réserve de réunir une majorité sur son nom.

Le président de la République italienne a joué là un «coup intelligent», relève la Berner Zeitung, car cet économiste de renom «présente les qualités requises par l’urgence de la situation». Si Mario Monti «en connaît un bout sur les chiffres puisque la politique monétaire fait partie de ses spécialités», ajoute le quotidien bernois, «il est aussi intègre et discret».

Gâchis politique

«L’Italie a peut-être échappé à une tragédie grecque», relève la Basler Zeitung. «La chute du 4e gouvernement Berlusconi, le plus grand profiteur de la première république, marque la fin de beaucoup d’illusions». Après ce «long règne du carnaval», place maintenant au «carême» annoncé par le professeur Mario Monti.

«La démission samedi de Silvio Berlusconi est l’épilogue du plus grand gâchis politique de l’histoire de la Péninsule depuis la fin de la 2e Guerre mondiale.» Tel est la conclusion du correspondant à Rome de La Tribune de Genève et 24 Heures. Lequel relate les «42 mois qui ont coulé Berlusconi», jusqu’à «la mise sous tutelle de l’Italie par Bruxelles, la BCE et le FMI».

La plupart des journaux helvétiques notent que Berlusconi laisse un pays en ruine. «La partie la plus visible est financière, estime pour sa part la Luzerner Zeitung: «Une montagne de dettes de 120% du produit intérieur brut de l’Italie n’est tout simplement pas supportable et il lui sera impossible de se débarrasser de ses dettes sans aide étrangère».

 

Pour La Liberté, la sortie de scène peu glorieuse, samedi soir, de Silvio Berlusconi, en dit long sur le niveau de son rejet dans l’opinion. Un clivage extrême, entre ses partisans et ses accusateurs, qui a permis l’arrivée d’une personnalité ‘au-dessus des partis’, pondérée mais à poigne, révérée et crédible sur le plan international.» La Liberté ne tarit pas d’éloges sur ce «père la rigueur» providentiel. Mais la presse nationale est unanime sur la difficulté de la tâche qui attend Mario Monti.

Mission impossible?

«Sans la moindre expérience gouvernementale, Mario Monti s’apprête à endosser à la fois le costume de pompier et de réformateur d’un pays bloqué. Et cela avec le soutien du Parti démocrate qui plébiscite cet expert d’inspiration libérale», commente Le Temps.

Et le quotidien francophone d’affirmer qu’«en ces temps de tourmente financière et de délitement de la Péninsule, son parcours vaut toutes les garanties d’une agence de notation.»

Le «professore» plaide pour «une économie sociale de marché», sans cacher qu’il faudra «mettre en œuvre des mesures impopulaires».

La Liberté enchaîne sur les difficultés qui attendent «Super Mario»: «Imposer une litanie de sacrifices sans précédent sans déclencher une ‘guerre civile’». Cela au moyen de la création d’un «centre politique (…) si étranger à la culture italienne, mais seul à même d’imposer des larmes et de la sueur à une population plus incrédule que jamais…»

«L’Italie a besoin d’une cure de jouvence qui exigera beaucoup de ses citoyens», note le Tages Anzeiger de Zurich. Mais de rappeler que Berlusconi n’est pas la cause de tous les maux du pays, et de citer le décalage nord-sud, la mafia, la bureaucratie, le travail au noir ou le népotisme.

«L’Italie va devoir prendre ses problèmes à bras le corps, poursuit le quotidien zurichois, et Berlusconi ne pourra plus servir d’alibi aux blocages politiques.» C’est la course contre la montre puisque le pays est sous la surveillance de l’UE, du fonds monétaire et des marchés. Mais le Tages Anzeiger attend la gauche italienne au contour, qui «devra prouver qu’elle est capable de s’unir au-delà de son opposition à Berlusconi».

Berlusconi, le retour?

«L’Italie a besoin d’un remède de cheval pour reconquérir la confiance des citoyens et des investisseurs», c’est le verdict du Corriere del Ticino, qui ne cache pas son souci sur les possibilités de trouver un consensus élargi et des alliances solides.

«Il est difficile de prévoir si, une fois la lune de miel achevée, le futur gouvernement sera affaibli par ses problèmes de cohabitation ou renforcé par ceux qu’il résoudra», souligne encore le quotidien italophone.

Son concurrent La Regione se désole de la «défaite de la politique». «Un gouvernement qui naît en dérogeant à la volonté des électeurs, ou même contre leurs choix, n’est pas un signe de bonne santé pour une démocratie. Dans le meilleur des cas, c’est un test raté. À moins de modifier l’article premier de la Constitution italienne et de transférer la souveraineté du pays aux ‘marchés’.

Comme un certain nombre de médias, la Tribune de Genève et 24 Heures pointent le doigt sur la «fragilité de la naissance au forceps du gouvernement Monti». Mais relèvent surtout qu’il devra également se méfier d’un retour de Silvio Berlusconi, annoncé dimanche par le «Cavaliere»: «Une velléité qui rappelle le final du Caïman, le film dans lequel Berlusconi brûlait le parlement plutôt que d’abandonner le pouvoir».

Né en 1943 à Varese (nord), Mario Monti fait ses armes à la prestigieuse université Bocconi de Milan. Il poursuit ses études aux Etats-Unis à l’université de Yale, où il étudie auprès du prix Nobel James Tobin, père du projet de taxe sur les transactions financières qui porte son nom.

En 1970, il commence à enseigner à l’université de Turin, qu’il quitte en 1985 pour devenir professeur d’économie politique à la Bocconi, où il occupe successivement les postes de directeur de l’Institut d’économie politique, recteur, et enfin président en 1994, une fonction qu’il occupe encore.

1994: commissaire européen chargé du marché intérieur, des Services financiers, de la fiscalité et de l’union douanière. Puis, en 1999, reçoit le portefeuille de la concurrence. Sous son égide, la Commission a renforcé ses activités antitrust et Mario Monti peaufiné son image de commissaire dur en affaires et «imperméable aux pressions».

Depuis 2004, à l’issue de son séjour à Bruxelles, revient à ses activités académiques et signe des éditoriaux dans le Corriere della Sera.

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