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La course aux symboles

Keystone

Un gouvernement d'ouverture pour couronner 12 jours de cavalcade rythmée par moult gestes puissamment symboliques... Nicolas Sarkozy va vite. Pour clore notre dossier spécial 'La présidentielle française à l'heure suisse', retour sur une période transitoire qui en aura décoiffé plus d'un.

Un gouvernement restreint, avec parité hommes-femmes et jouant de l’ouverture. C’est ce qu’avait promis le candidat Sarkozy. C’est ce que le nouveau président a concrétisé, humiliant ainsi la gauche et froissant certains de ses propres lieutenants, abandonnés sur le seuil des ministères…

Vendredi matin, la France a eu la confirmation que le gouvernement du 1er ministre François Fillon, nommé officiellement la veille, est composé de 15 ministres (8 hommes, 7 femmes), qu’il accueille un homme du centre, Hervé Morin, et un homme de gauche, le très populaire Bernard Kouchner.

Bernard Kouchner, fondateur de ‘Médecins sans frontières’ puis de ‘Médecins du monde’, ministre de François Mitterrand, mis sur le banc de touche par la gauche depuis plusieurs années, Bernard Kouchner ministre des affaires étrangères du cabinet Fillon à la demande de Nicolas Sarkozy, voilà une situation sur laquelle peu de gens auraient parié il y a peu de temps encore.

Un gouvernement ouvert au centre et à gauche pour un homme porté par une droite républicaine «enfin décomplexée», selon l’expression de l’ancien ministre Luc Ferry (lire «L’élection au Salon»), est-ce une véritable ouverture, de la realpolitik, de l’esbroufe ou surtout un acte symbolique?

L’avenir le dira, et notamment ce qu’il adviendra de ce gouvernement après les législatives, qui auront lieu en juin. Quoi qu’il en soit, les symboles, Nicolas Sarkozy a su les employer, ces derniers jours, sur un rythme frénétique.

People!

Le soir de son élection, déjà. Le Fouquet’s, la fête, les amis ‘people’, Johnny Hallyday en tête. Et le lendemain, peu après que Nicolas Sarkozy fut sorti en jeans du célèbre restaurant, les premières annonces d’un séjour à Malte. Puis les images du yacht de l’ami milliardaire…

Faute de goût et erreur de communication? Apparemment, oui. En réalité, sans doute pas. Car si la gauche s’étrangle devant ce congé politiquement plutôt incorrect, le peuple adore rêver devant le luxe, ce n’est pas «Gala» qui nous contredira.

Et le scandale des «vacances» (trois jours!) méditerranéennes de «Sarko» sera vite gommé par le rythme effréné de l’actualité. De son actualité en particulier.

La preuve? Ces «Nicolas!» hurlés par la foule massée le long des Champs-Élysées le 16 mai, jour de la passation des pouvoirs. «Nicolas!» crie la foule. Et «Nicolas» bondit de son étrange et fun décapotable cernée de Gardes Républicains à cheval pour traverser l’avenue et toucher ces gens qui l’acclament.

Tous azimuts

Entre Malte et le 16 mai, Nicolas Sarkozy aura pris le temps de rencontrer les syndicats (de l’ouverture à la concertation, il n’y a qu’un pas) et de jeter les bases de son gouvernement.

Un 16 mai de taille, d’ailleurs. Dans la cour de l’Elysée, un passage de témoin respectueux sinon affectueux entre l’ancien et le nouveau président. Puis la cérémonie… comment faut-il dire… le couronnement ? Le sacre ?

Protocole et majesté (symbole), contrebalancé par la présence familiale in corpore (autre symbole). La famille recomposée d’un couple fissuré – mais les familles recomposées et les couples errants ne sont-ils pas aussi des symboles, ceux d’une certaine modernité?

Puis il y aura la descente des Champs-Élysées, et le salut aux héros: Clémenceau, De Gaulle, et au Bois de Boulogne, la Résistance, à travers les mots prenants de ce condamné à mort de 17 ans. Larmes – sans doute sincères.

A 16h00, le Président Sarkozy s’envolera pour Berlin, première visite officielle à l’étranger (symbole encore) et jeu de la franche camaraderie avec Angela Merkel.

Pendant ce temps, à la Bastille et dans plusieurs villes de France, quelques milliers de manifestants crient leur opposition au nouveau président… apportant inconsciemment un autre symbole à Nicolas Sarkozy: quel pouvoir fort pourrait se passer de détracteurs?

Force ET concertation. Droite assumée ET ouverture. Paillettes people ET bain de foule. Hymne à l’héroïsme ET sensibilité humaniste. Famille présidentielle façon Kennedy ET fissures contemporaines. Campagne franco-française ET première action présidentielle offerte à l’Europe à travers le lien franco-allemand. Tout cela en 12 jours.

«Depuis 1981, il n’y a pas eu une seule élection qui sous-tendait autant d’enjeux. Un changement de génération de la classe politique, c’est une chose, mais en plus se cristallisent 30 ans de déceptions, de revirements, de fausses promesses. Il y a aussi bien à droite qu’à gauche une envie de tourner la page», nous disait Romain Sardou (lire «Un Neuchâtelois nommé Sardou»).

Nicolas Sarkozy semble avoir cela – et beaucoup d’autres choses – en tête.

swissinfo, Bernard Léchot

– François Fillon
Premier ministre

– Alain Juppé
Ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables
– Jean-Louis Borloo
Ministre de l’économie, des finances et de l’emploi
– Michèle Alliot-Marie
Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales
– Bernard Kouchner
Ministre des affaires étrangères et européennes
– Brice Hortefeux
Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement
– Rachida Dati
Garde des sceaux, ministre de la justice
– Xavier Bertrand
Ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité
– Xavier Darcos
Ministre de l’éducation nationale
– Valérie Pécresse
Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
– Hervé Morin
Ministre de la défense
– Roselyne Bachelot-Narquin
Ministre de la santé, de la jeunesse et des sports
– Christine Boutin
Ministre du logement et de la ville
– Christine Lagarde
Ministre de l’agriculture et de la pêche
– Christine Albanel
Ministre de la culture et de la communication, porte-parole du gouvernement
– Eric Woerth
Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Auxquels s’ajoutent quatre secrétaires d’Etat (Roger Karoutch, Jean-Pierre Jouyet, Eric Besson, Dominique Bussereau) et un Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, issu de la société civile.

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