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La retraite anticipée, après une vie de dur labeur

Donato Gemma (gauche) et Mario Renna se souviennent de leur bataille pour obtenir la retraite anticipée. swissinfo.ch

Le débat autour de la retraite anticipée est plus enflammé que jamais. Un pas que le secteur du bâtiment a franchi il y a 5 ans et un droit qui offre une opportunité de «profiter enfin de la vie», après plus de 40 années de labeur sur les chantiers. Témoignage de deux ouvriers.

Le parcours de ces deux anciens travailleurs reflète celui de centaines de milliers d’ouvriers. Mario Renna était arrivé à Berne en 1961, à l’âge de 21 ans. Originaire de Sicile, il avait commencé à travailler comme maçon dès l’âge de douze ans.

Lorsqu’il débarque en Suisse, le boom économique bat son plein et le jeune Italien est engagé par une entreprise de construction. A Berne, il rencontre une Allemande qu’il épouse et devient père d’une fillette. Mario Renna garde dans son cœur le souvenir de Licodia Eubea, la petite localité dans la province de Catania où il est né et a grandi. Mais sa vie et son avenir sont désormais dans capitale helvétique.

Une vie consacrée essentiellement au travail. «Je quittais mon domicile à six heures du matin et je rentrais après 18 heures», raconte Mario Renna, en évoquant des conditions de travail marquées par l’effort physique, par tous les temps ou presque. «Lorsqu’il pleut, tu sens l’eau qui coule le long de la nuque et qui glisse sur ton corps, jusqu’aux pieds», se souvient-il.

Après le travail, le plaisir

Mais le premier août 2003 marque un tournant positif dans le bâtiment. Et Mario Renna peut partir en retraite anticipée, grâce aux nouvelles dispositions du contrat collectif sur le travail dans ce secteur. Il est l’un des premiers bénéficiaires ce de nouveau droit.

Un événement qui résonne aussi comme une renaissance pour l’ouvrier. C’est ainsi qu’à 63 ans, il commence à cultiver un potager, qu’il nous fait visiter. Légumes, petites baies, raisin, herbes aromatiques et fleurs y poussent à profusion. C’est l’automne, les jardins avoisinants ont déjà perdu leur feuillage, mais dans celui de Mario, les plantes semblent ignorer le changement de saison.

Mario Renna aime la nature. Désormais, il a aussi le temps et l’énergie pour faire de longues promenades, scruter les arbres et les fleurs et observer les changements de saison. «J’aime regarder le soleil lorsqu’il se lève et lorsqu’il se couche. A chaque fois, l’aube et le crépuscule sont différents», confie-t-il.

Du projet à la concrétisation

La lecture est une autre de ses passions, et le retraité y consacre régulièrement du temps. «Lorsque je travaillais, j’étais si fatigué que dès que je prenais un livre en main, mes paupières tombaient». Mais aujourd’hui enfin, Mario peut dévorer de nombreux ouvrages.

Ces dernières cinq années, il aussi commencé à visiter la Suisse. «Après 42 ans passés dans ce pays, j’ai enfin commencé à le découvrir», souligne l’ancien maçon.

Mario nous accompagne sur un chantier à l’heure de la pause de midi, où nous rencontrons l’un de ses compatriotes. Donato Gemma est originaire de la région des Pouilles. Il était arrivé à Berne en 1966, à l’âge de 17 ans. Et dès février prochain, il pourra à son tour profiter de la retraite anticipée.

Un moment qu’il attend avec impatience et qui permettra à Donato Gemma de retourner dans son pays natal, dans la Province de Lecce, où il construit une maison. Lui aussi veut consacrer ses loisirs au jardinage.

Un enthousiasme que partage son épouse, une Suissesse qui se réjouit d’entamer une nouvelle vie au sud. «A partir de l’an prochain, nous passerons nos vacances en Suisse», dit-il. Les deux fils que sa femme a eu d’une précédente union iront leur rendre visite dans le sud de l’Italie, «parce qu’ils aiment beaucoup les Pouilles», affirme Donato. Ses deux filles, nées de son premier mariage, sont déjà sur place où elles ont déménagé il y a un certain temps déjà.

Donato Gemma souhaite aussi voyager. «Je veux découvrir l’Italie, je voudrais notamment aller à Naples. On m’a dit que la ville était très belle. Et puis, je voudrais aussi partir en Espagne et au Brésil, où vit l’un de mes cousins qui m’a invité chez lui», se réjouit le travailleur.

La santé, le bien le plus précieux

Alors que ses rêves sont sur le point de devenir réalité, Donato Gemma espère bien conserver sa santé. La santé des travailleurs est aussi l’élément central de la retraite anticipée. Les syndicats ont fait de cette question une priorité absolue. Une étude avait démontré que seul 57% des ouvriers du bâtiment atteignent l’âge de 65 ans en bonne santé, alors que le taux est de 85% chez les ingénieurs et les techniciens.

Et au seuil de la soixantaine, la santé de 73% des travailleurs et ouvriers est toujours considérée comme bonne.

«Avec la retraite, la santé s’améliore, les tourments physiques s’atténuent. Le médecin aussi – que j’avais récemment consulté pour un contrôle – m’a confirmé que ma forme était meilleure que 5 ans auparavant», souligne pour sa part Mario Renna.

«Nous avons dû lutter. Nous avons manifesté, nous nous sommes même mis en grève. Mais ces efforts valaient la peine d’être faits», assure Mario.

Son compatriote, Donato Gemma, l’approuve. Mario ajoute que «même ceux qui travaillent en usine et dans les magasins sont soumis à des conditions professionnelles pénibles. C’est la raison pour laquelle, il faudrait pouvoir s’arrêter avant. On pourrait ainsi éviter de nombreuses maladies et accidents professionnels, ce qui avantagerait aussi les assurances sociales», fait encore remarquer l’ouvrier.

Un choix qui pourrait s’adapter aux exigences de tout un chacun. «Il serait juste aussi que l’employé qui a une activité moins contraignante puisse choisir de poursuivre son travail plus longtemps s’il le désire», estime encore Mario Renna.

C’est pourquoi, selon Mario Renna et Donato Gemma, l’initiative populaire «Pour un âge de la retraite flexible», qui entend permettre également aux travailleurs qui ont un bas revenu de cesser leur activité professionnelle et d’obtenir une retraite complète ou partielle à partir de 62 ans déjà, «serait une bonne chose».

swissinfo, Sonia Fenazzi
(Traduction de l’italien: Nicole Della Pietra)

En Suisse, le système de la retraite est basé sur le modèle dit des trois piliers, à savoir: l’assurance vieillesse et survivants(AVS), la prévoyance professionnelle (LPP) et la prévoyance privée.

La première est obligatoire pour tous et garantit le minimum vital à l’assuré. La seconde est obligatoire pour les travailleurs salariés et préserve le niveau de vie du bénéficiaire. La troisième assurance est facultative et vise le financement de besoins personnels supplémentaires.

L’âge à partir duquel le travailleur a droit à une rente intégrale du premier et du second pilier est fixé à 65 ans pour les hommes et à 64 ans pour les femmes.

Le 1er juillet 2003 marque l’entrée en vigueur de la retraite anticipée dans le secteur du bâtiment.

Il est financé par un fonds paritaire de la fondation FAR. Cette dernière a été instituée conjointement par les syndicats et le patronat. Le fonds est alimenté par les travailleurs et les employeurs: la contribution est répartie à raison de 1,3% du revenu à charge des salariés et de 4% versés par les employeurs.

Les employés peuvent partir à la retraite dès l’âge de 60 ans grâce à une rente de transition moyenne de 4400 francs par mois.

La fondation FAR est solide du point de vue financier: elle a encaissé 1,1 milliard de francs et en a versé quelques 500 millions. A la fin du premier semestre 2008, son bilan comptable affichait un solde dans les chiffres noirs de 600 millions de francs.

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