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Le gouvernement rappelle Doris Leuthard à l’ordre

Doris Leuthard est entrée au gouvernement en août 2006. Keystone

Mercredi, Doris Leuthard s'est fait taper deux fois sur les doigts par ses pairs du Conseil fédéral. A propos des privilèges fiscaux et du congé paternité.

Les déclarations de la ministre de l’économie sur l’imposition forfaitaire des riches étrangers lui ont également valu une volée de bois vert de la part des partis de droite.

Pour la benjamine du Conseil fédéral, l’état de grâce est terminé. Doris Leuthard a été désavouée deux fois lors de la première séance 2007 du gouvernement. Deux fois le même jour, le fait est rare.

La veille, dans l’émission Infrarouge de la Télévision Suisse Romande (TSR), la nouvelle ministre de l’économie avait estimé injuste qu’un étranger paie moins d’impôts qu’un Suisse disposant du même revenu.

«Les forfaits fiscaux sont en défaveur des Suisses», a-t-elle dit, en comparant les cas du chanteur français Johnny Hallyday et du tennisman suisse Roger Federer.

Prudence

Mercredi matin déjà, le Département fédéral (ministère) de l’économie soulignait prudemment que sa cheffe s’était «exprimée à titre personnel». Et rappelait que Doris Leuthard défend la souveraineté fiscale des cantons.

«Cette opinion ne doit pas être confondue» avec la position de la conseillère fédérale «sur la question des régimes fiscaux cantonaux [pour les entreprises] critiqués par la Commission européenne», soulignait encore le ministère.

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La droite critique, la gauche applaudit

Doris Leuthard est «la conseillère fédérale des annonces», a lancé Ueli Maurer, président de l’Union démocratique du centre (UDC/droite populiste).

Il a qualifié les déclarations de la ministre d’«irréfléchies» et a rappelé que lorsqu’elle était encore députée, en 2005, Doris Leuthard avait voté contre une initiative parlementaire de la gauche demandant la suppression de l’imposition forfaitaire.

Au Parti radical (PRD/droite), le secrétaire général Guido Schommer a exigé que le Conseil fédéral ne parle que d’une seule voix en matière de fiscalité, faute de quoi la position de la Suisse pourrait s’affaiblir à l’étranger.

Dans les rangs démocrates-chrétiens (PDC/centre droit), le parti de Doris Leuthard, on admet que l’inégalité de traitement entre étrangers et Suisses dans le domaine fiscal est un fait.

«Le PDC s’est prononcé pour le système du forfait fiscal, a rappelé mercredi soir le président du PDC Christophe Darbellay sur la TSR. Mais on peut toujours discuter de la justice fiscale pour que les Suisses ne soient pas discriminés par rapport aux étrangers.»

Pour sa part, le Parti socialiste a salué ces déclarations et a souhaité qu’elles soient «mises en pratique». Le PS est en effet favorable à l’abrogation des forfaits fiscaux. Il exige que la motion dans ce sens soit traitée rapidement.

Le gouvernement est pour les forfaits fiscaux…

Vu la proportion prise par la polémique, le Conseil fédéral s’est lui aussi fendu d’une déclaration à ce sujet à l’issue de sa séance de mercredi. Il s’est toutefois refusé à commenter officiellement les propos télévisés de la ministre de l’Economie.

«Le Conseil fédéral dans son ensemble soutient l’imposition forfaitaire pratiquée dans des cas particuliers», a déclaré son porte-parole Oswald Sigg devant la presse. Mais le vice-chancelier a refusé de répondre à toutes les questions des journalistes en la matière.

…et momentanément contre le congé paternité étendu

Le gouvernement a par contre officiellement tapé sur les doigts de Doris Leuthard en annonçant qu’il n’y aura pas pour l’instant pas de congé paternité de cinq jours au Département fédéral de l’économie, comme elle l’avait annoncé lundi.

L’ordonnance sur le personnel de l’administration fédérale prévoit uniquement deux jours de congé pour les nouveaux pères, a rappelé Oswald Sigg.

Pour le gouvernement, il n’est actuellement pas question de prévoir des exceptions. La question sera néanmoins réexaminée dans le cadre de la révision en cours de la loi sur le personnel de la Confédération.

swissinfo et les agences

Les étrangers qui résident en Suisse mais qui gagnent leur argent hors des frontières helvétiques peuvent demander à payer un impôt forfaitaire dans leur canton de résidence.

La taxation forfaitaire se calcule d’après les dépenses annuelles du contribuable estimées en fonction de son train de vie. Le total ne peut pas être inférieur à son loyer annuel – ou la valeur locative de son logement – multiplié par cinq.

Selon les dernières estimations, 3600 riches étrangers ont profité de tels forfaits en 2004. C’est 820 de plus qu’il y a dix ans.

Plus de 1000 d’entre eux habitent dans le canton de Vaud, 800 en Valais et 600 à Genève. Ils ne sont que 76 dans le canton de Zurich.

Leurs impôts rapportent de 60 à 90 millions de francs à la Confédération et près de 170 à 200 millions aux cantons et aux communes.

Toutes les tentatives de la gauche pour mettre fin à ses pratiques ont échoué. En octobre 2005, la Chambre du peuple a refusé par 87 voix contre 67 une motion demandant l’imposition des riches étrangers en fonction de leurs revenus réels.

Liste non exhaustive:
2 semaines: Migros, Swiss Re, Swisscom, Credit Suisse
1 semaine: SSR, Novartis, CFF, Manor
2-4 jours: de nombreuses entreprises, dont UBS, Coop, Ringier
1 jour, ou rien: la plupart des entreprises, dont Denner, Roche, Ciba, Lonza
En comparaison internationale, la Suisse est en retard sur d’autres pays, particulièrement les pays scandinaves (Danemark: 10 semaines, Suède: minimum 1 mois)

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