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Les actionnaires d’UBS acceptent le plan de sauvetage

Peter Kurer a facilement convaincu les actionnaires de la nécessité du plan de sauvetage. Keystone

Jeudi à Lucerne, l'assemblée générale d'UBS a accepté à 98% l'injection de 6 milliards d'argent public sous forme d'emprunt obligatoirement convertible. Malgré quelques salves de critiques, le président du conseil d'administration Peter Kurer a été généreusement applaudi par la majorité des 2395 actionnaires présents.

Après un exposé technique où Peter Kurer a rappelé le fonctionnement du plan de sauvetage préparé par les pouvoirs publics pour éliminer les actifs «toxiques» liés principalement au marché immobilier américain, le président du conseil d’administration a insisté: «ce paquet ficelé grâce à la Banque nationale suisse (BNS) et à la Confédération n’est pas un plan de sauvetage déterminé par l’urgence !»

«Ce plan est une mesure de prévention pour rétablir la confiance des marchés, a expliqué Peter Kurer. Ce n’est pas non plus un crédit à fonds perdus ni un cadeau que la Confédération fait à UBS». Le prêt de la BNS au fonds spécial pour les actifs «illiquides» est conforme aux règles du marché et la BNS est «bien protégée contre les risques».

Bilan réduit de 800 milliards

Depuis le début de la crise, «nous avons réduit notre bilan de près de 800 milliards de francs. Au 30 septembre, la banque avait encore 40,8 milliards de francs de positions à risque. Il devrait en rester 9,7 après le transfert dans le nouveau fonds. Le plan conduit à un besoin d’amortissement au bilan estimé à 4 milliards de francs», a encore expliqué le président.

Concernant la réforme du système de rémunérations, préparée en coordination avec la Commission fédérale des banques, les applaudissements ont fusé lorsque Peter Kurer a déclaré que, désormais, au total, «près de 70 millions de francs de bonus avaient été remboursés. Dans aucune autre banque, d’anciens responsables n’ont accepté autant de renoncements.»

Outre les 12 millions de Peter Wuffli, les 33 millions du trio autour de Marcel Ospel, 22 millions versés par d’«anciens cadres» ont été dévoilés jeudi matin. Aucun nom n’a été dévoilé à ce moment-là, ni celui de Hew Jenkins, ex-responsable de la banque d’investissement, ni celui de Clive Standish ex-directeur financier.

Mais plus tard, lors des interventions des actionnaires, répondant à Christian Levrat, président du Parti socialiste, qui a demandé combien de temps «Clive Standish et d’autres prendront pour rembourser», Peter Kurer a indirectement confirmé que ces anciens cadres étaient concernés. «Nous devons traiter ces cas de manière confidentielle, mais il s’agit notamment des noms cités et ces personnes habitent à l’étranger».

«Plus de place pour l’arrogance»

Dans un style plus rond, lorsqu’il sort des explications techniques, que celui de son prédécesseur, Peter Kurer a explicitement voulu tourner la page Ospel en abordant différents points «soulevés par nos clients dans des lettres qui nous recevons tous les jours».

«Il est peut-être vrai que nous n’avons pas reconnu suffisamment nos fautes par le passé, mais ce reproche n’est plus justifié», a-t-il dit.

«Nous passons en revue toutes nos activités de façon critique pour trouver les éventuelles lacunes le plus vite possible. Car nous voulons réaliser un changement de culture dans notre banque», a souligné l’ancien juriste en chef de la banque.

Surtout, il a admis que la critique d’arrogance a «pu être parfois justifiée par le passé à tous les niveaux de la banque». Mais désormais, «il n’y a plus de place pour l’arrogance, ni dans l’UBS d’aujourd’hui, ni dans l’UBS de demain», a dit Peter Kurer, très applaudi.

Se posant aussi comme défenseur des petites et moyennes entreprises – «aucune réduction du financement des PME n’est prévu», a annoncé Peter Kurer – UBS veut «soutenir pleinement l’économie suisse».

«Nous sommes conscients que la transparence et le fair-play sont nécessaires pour revenir au succès et regagner la confiance perdue, en plus des compétences. Nous le devons à nos actionnaires et au pays tout entier», a-t-il conclu.

swissinfo et les agences

UBS détient détient aujourd’hui pour des dizaines de milliards de dollars d’actifs «illiquides» (invendables), qualifiés aussi de «pourris» ou «toxiques». Il s’agit essentiellement de dettes hypothécaires de ménages américains insolvables, mais aussi de prêts à des étudiants, inclus dans des produits dits «structurés» que leur complexité rend passablement opaques.

Pour assainir le bilan d’UBS, on crée une société dite «de portage», contrôlée par la Banque nationale suisse (BNS). Celle-ci rachète 90% de ces actifs, pour 54 milliards de dollars, somme que la BNS emprunte à la Réserve fédérale américaine.

Initialement, cette société aurait dû être domiciliée aux Iles Caïman, paradis fiscal notoire. Mais devant la levée de boucliers qu’a suscité cette annonce, les autorités ont trouvé un moyen de l’établir en Suisse.

Sa durée de vie prévue est de huit ans, avec possibilité de prolonger jusqu’à 12. Au terme de ce délai, elle devra être parvenue à revendre ces actifs, qui pourraient reprendre de la valeur une fois la crise passée. Dans le cas contraire, la BNS en serait pour ses frais.

Restent les 6 milliards nécessaires à payer le 10% restant des actifs illiquides. Ceux-ci seront fournis par UBS, qui se les fait avancer par la Confédération sous forme d’un emprunt obligatoirement convertible en actions de la banque après 30 mois. Si l’argent n’a pas été rendu dans ce délai, la Confédération détiendra alors 9,3% du capital d’UBS.

Accepté par les actionnaires d’UBS ce jeudi, ce plan doit encore recevoir l’aval du Parlement à la session de décembre. Ce qui ne devrait être qu’une formalité, seul le Parti socialiste ayant émis des réserves.

Pendant que les actionnaires d’UBS se réunissent, la pétition lancée par le Parti socialiste suisse a déjà récolté plus de 27’000 signatures de citoyens demandant que l’argent public investi dans la banque ne le soit pas sans contrepartie.

Mise en ligne voici cinq semaines sur le site du PS, la pétition pose quatre conditions au sauvetage d’UBS: des garanties en contrepartie de l’aide publique, un plafonnement des bonus, des sanctions pour les «pyromanes» et des investissements dans les secteurs d’avenir de l’économie réelle.

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