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Les Suisses de l’étranger ont désormais leur propre loi

La loi unique est une revendication de longue date de l'Organisation des Suisses de l'étranger. Keystone

Les expatriés peuvent exulter: le Parlement a adopté lundi la nouvelle loi sur les Suisses de l’étranger (LSEtr), qui rend plus transparents leurs droits et leurs devoirs et renforce les liens de la diaspora avec la Confédération. Il s’agit d’un succès pour l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE).

Née d’une initiative parlementaireLien externe déposée par le sénateur tessinois Filippo Lombardi, la loi réunit toutes les dispositions relatives aux Suisses de l’étranger, qui sont actuellement dispersées dans diverses lois, ordonnances et règlements.

Des droits politiques à l’aide sociale, en passant par la prévoyance professionnelle, la protection consulaire, jusqu’au soutien aux institutions en faveur des Suisses de l’étranger: tout rentre désormais dans la LSEtr, avec une approche cohérente et intégrée, définissant clairement les relations entre la Suisse et ses expatriés. Le tout s’appuie sur un principe de base: la responsabilité individuelle, explicitement mentionnée dans le texte.

«Sans cette loi, l’article constitutionnel sur les Suisses de l’étranger serait resté lettre morte. Avec ce texte, la Confédération tient véritablement compte des Suisses de l’étranger: elle en fait une ressource, les valorise, les informe. Les droits sont ainsi renforcés, avec des obligations claires pour la Confédération. Je pense que nous avons fait un grand pas en avant», affirme Filippo Lombardi à swissinfo.ch, après que le Conseil national (Chambre du peuple) a décidé lundi de supprimer les trois divergences pendantes avec le Conseil des Etats (Chambre des cantons).

La nouvelle loi en bref

La loi fédérale sur les Suisses de l’étranger (LSEtr) réunit toutes les dispositions relatives aux Suisses de l’étranger. Le texte concerne tous les citoyens helvétiques qui se trouvent à l’extérieur du pays, pas uniquement ceux qui sont domiciliés à l’étranger, mais également ceux qui s’y rendent pour un court laps de temps.

Le Département fédéral des affaires étrangères a pour mission d’être une sorte de «guichet unique», c’est-à-dire l’interlocuteur central de la Confédération pour toutes les questions qui concernent les Suisses de l’étranger.

Le principe de la responsabilité individuelle est central: l’article 5 stipule que «toute personne qui prépare et réalise un séjour à l’étranger ou qui exerce une activité à l’étranger engage sa propre responsabilité». Cela implique que la protection consulaire n’est pas un droit et que le rôle de l’Etat est subsidiaire. 

L’obligation de s’inscrire reste

Le nœud le plus important qui restait à dénouer concernait l’obligation pour les expatriés de s’immatriculer auprès des représentations helvétiques. A l’heure actuelle, les Suisses qui séjournent durant plus d’un an à l’étranger sont tenus de s’inscrire auprès de la représentation suisse compétente. Le gouvernement recommandait d’abolir cette obligation.

Il avait été suivi durant la première phase des débats par une majorité du Conseil national. Pour les défenseurs de l’abrogation, l’obligation n’avait aucun sens du moment qu’aucune sanction n’était prévue. Ils préféraient miser sur le principe de la responsabilité individuelle.

Une position fermement contestée par l’OSE Lien externeet la Chambre des cantons. Par deux fois, les sénateurs se sont prononcés pour le maintien de cette obligation dans la LSEtr. Selon les tenants de cette ligne, on aurait risqué de perdre contact avec la majorité des expatriés. L’exemple autrichien a été souligné à plusieurs reprises par Filippo Lombardi au cours des débats parlementaires.

«Si cette obligation d’immatriculation avait été abolie, c’est l’objectif même de la loi qui aurait été remis en question. L’immatriculation est le cœur même de la LSEtr, elle permet d’offrir toutes les prestations», lui font écho les co-directrices de l’OSE Ariane Rustichelli et Sarah Mastantuoni. Se référant à la question de la responsabilité individuelle, Ariane Rustichelli réplique: «Pour être responsable, il faut d’abord être informé. Et pour informer, il est nécessaire que l’on puisse atteindre les Suisses de l’étranger».

Filippo Lombardi a également relevé que si «dans les bureaux du Département fédéral des Affaires étrangères à Berne on avait la conviction de pouvoir réaliser des économies administratives en renonçant à l’obligation d’immatriculation, plusieurs ambassadeurs et consuls généraux opérant sur le terrain et que nous avons rencontrés ont en revanche confirmé l’importance de son maintien. Ceux qui connaissant la réalité des communautés suisses dans les différents pays se rendent compte du risque qu’il y a à perdre ces liens. S’ils venaient à disparaître, on ne saurait par exemple plus comment alerter les compatriotes en cas de danger, les informer sur les votations, les atteindre pour toute communication ou nécessité».

Pour voter, il faut s’inscrire

Un second point divisait les deux Chambres fédérales. La majorité des députés du Conseil national souhaitait que l’immatriculation implique automatiquement l’inscription sur les listes électorales de leur commune de vote. Un automatisme qui avait provoqué une levée de boucliers des communes et des cantons, qui auraient été contraints d’envoyer lors de chaque scrutin fédéral le matériel de vote à tous les Suisses de l’étranger immatriculés. Cela aurait induit une augmentation considérable de la charge de travail et des coûts.

Le gouvernement et la Chambre des cantons s’y opposaient également, arguant du non-sens de cette mesure. Les chiffres parlent en effet d’eux-mêmes: à fin 2013, près de 730’000 Suisses étaient enregistrés auprès des représentations helvétiques dans le monde, dont 570’000 étaient majeurs et disposaient donc du droit de vote. Mais seuls 27% d’entre eux étaient inscrits dans les registres électoraux en Suisse.

Lundi, la Chambre du peuple a décidé de suivre la Chambre des cantons et de maintenir la pratique actuelle, désormais consolidée: celui qui veut s’inscrire dans le registre électoral l’indique d’une simple croix lorsqu’il remplit le formulaire d’immatriculation. Il peut également le faire plus tard, en remplissant simplement le formulaire approprié, disponible sur Internet. De cette manière, le matériel de vote est envoyé uniquement aux personnes intéressées.

L’OSE dans la loi

Parmi les nouveautés, la loi mentionne la possibilité pour la Confédération de soutenir «les institutions qui favorisent les relations des Suisses de l’étranger entre eux et avec la Suisse et qui contribuent à améliorer la mise en réseau des Suisses de l’étranger». La possibilité d’accorder des aides financières à l’OSE «pour protéger les intérêts et assurer l’information des Suisses de l’étranger» est ensuite indiquée explicitement.

Jusqu’à présent, l’OSE n’apparaissant que dans une ordonnance: avec l’inscription dans la loi, elle renforce sa position et celle des citoyens de l’étranger qu’elle représente, observe Filippo Lombardi.

Une minorité de gauche de la Commission compétente de la Chambre du peuple voulait réglementer le fonctionnement de l’OSE dans la LSEtr, en particulier l’élection de son organe législatif, le Conseil des Suisses de l’étranger. Mais la majorité s’est ralliée à la décision des sénateurs de ne pas s’immiscer dans le fonctionnement de cet organe de droit privé. Cela aurait été problématique sur le plan juridique, avait également mis en garde le gouvernement.

Soutien au vote électronique

La loi prévoit par ailleurs la promotion de l’expérimentation du vote électronique et donne la possibilité à la Confédération de «prendre des mesures pour faciliter l’exercice des droits politiques pour les Suisses de l’étranger». Cela comprend également des mesures de soutien pour les cantons intéressés.

Tout en rappelant que la compétence en matière électorale est cantonale, le «père» de la LSEtr – que d’aucuns ont même qualifié de «Lex Lombardi» – estime que cela constitue «un bon instrument pour la Confédération, qui peut soutenir les cantons et les conduire à l’adoption de pratiques uniformes en ce qui concerne le vote électronique pour les Suisses de l’étranger». Filippo Lombardi prédit déjà l’introduction du vote électronique pour tous les Suisses de l’étranger à l’occasion des élections fédérales de 2019. 

(Traduction de l’italien: Samuel Jaberg)

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