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Requiem pour la vignette vélo en Suisse

La vignette 2010 devrait être une des dernières. Keystone

Véritable symbole helvétique, la vignette vélo est sur le point de disparaître. Une majorité de parlementaires estime que ce timbre adhésif, qui vaut une police d’assurance responsabilité civile (RC), n’a plus de raison d’être. Reste à établir les modalités de son abolition.

L’obligation faite aux cyclistes en Suisse, de conclure une assurance responsabilité civile spécifique, est en vigueur depuis le 1er janvier 1960. Dans certains cantons elle avait même fait son apparition au 19e siècle déjà. La petite plaque métallique rectangulaire rouge, attestant de l’assurance responsabilité civile du cycliste, délivrée par les autorités communales, devait être fixée à l’arrière du deux-roues.

Au cours des années 90, l’insigne métallique a été remplacé par une petite vignette adhésive. Elle est distribuée dans de nombreux points de vente, des postes de police aux guichets de La Poste et des chemins de fer, en passant par les supermarchés et diverses associations de transport.

Mais la seule acquisition de la vignette ne suffit pas pour bénéficier de l’assurance RC, encore faut-il qu’elle soit collée sur le vélo. En cas de vol, le propriétaire est donc contraint d’en acheter une nouvelle.

Obligatoire depuis un demi-siècle, cette assurance RC n’a jamais suscité de protestation parmi les cyclistes suisses (42% de la population). Et pourtant, un membre du Conseil des Etats (Chambre haute), le démocrate chrétien Philip Stähelin, a estimé que l’heure était venue de l’abolir.

Superflue ou nécessaire ?

En décembre 2008, le sénateur de Thurgovie (nord-est de la Suisse) dépose une initiative parlementaire dans laquelle il propose l’abolition de la vignette vélo. Selon lui, le timbre est dépassé, puisque 90% de la population dispose déjà d’une assurance RC privée couvrant les dommages causés à des tiers. Il suffirait donc d’en étendre la couverture aux dommages provoqués avec les bicyclettes.

Les contrôles de police ont pratiquement disparu et une part importante des vélos en circulation sont déjà dépourvus de vignette, affirme encore l’élu. Sans compter que le système actuel est peu économique. Les coûts de production, de distribution et de logistique, sont excessifs et représentent environ le 20% du prix de la vignette.

Autant d’arguments qui n’avaient pourtant pas convaincu le Conseil fédéral (gouvernement) ni la majorité de la commission préparatoire du Conseil des Etats. Ces instances jugeaient le système efficace. Elles soulignaient aussi que le coût de la vignette (entre 5 et 10 francs) est particulièrement modeste et règle intégralement la question de la responsabilité, pour la partie lésée, comme pour celle responsable du dommage, le tout sans complications ni aléas bureaucratiques.

Le gouvernement et la commission s’inquiétaient par ailleurs du vide qu’entrainerait l’abolition de la vignette pour le 10% de la population qui ne dispose pas d’une assurance RC, soit essentiellement des personnes à faibles revenus. Ils ajoutaient que l’extension de la couverture de l’assurance RC privée aux dommages provoqués par la bicyclette, pourrait provoquer une augmentation substantielle du montant des primes.

Et finalement, il faudra encore régler le cas des véhicules à moteur à vitesse réduite (chaises roulantes électriques pour handicapés, chariots manuels, vélomoteurs à faible puissance) sur lesquels on colle la même vignette que sur les vélos.

Malgré tout, la grande majorité des sénateurs a partagé le point de vue de Philip Stähelin. Et en mai 2009, ils ont donné leur feu vert à son initiative parlementaire. En août dernier, la commission du Conseil national (Chambre basse) approuvait le texte à son tour.

Sauf surprise de dernière minute donc, le glas devrait bientôt sonner pour la vignette. Lors de la procédure de consultation de l’avant-projet de révision de la loi fédérale sur la circulation routière, réalisée en complément de l’initiative Stähelin, entre le 4 février et le 31 mars derniers, la majorité des partis et des cantons ont aussi approuvé cette abolition.

Populaire, mais par auprès des politiciens

Sur le plan politique, seul le parti socialiste s’est opposé à la suppression de la vignette. Quant aux cantons, les Grisons et le Tessin ont notamment manifesté leur opposition. D’autres défenseurs du système actuel se sont aussi fait entendre, dont plusieurs organisations de défense des cyclistes, comme Pro Vélo Suisse et l’Association transports et environnement (ATE). Un soutien qui ne suffira sans doute pas à préserver le système actuel.

Si la mort de la vignette apparaît certaine, reste à voir si l’abolition de l’obligation de conclure une assurance RC sera compensée par l’introduction d’une couverture subsidiaire par le Fonds national de garantie (FNG). C’est ce que propose la commission de la Chambre des cantons. De son côté, le gouvernement demande aux parlementaires d’accorder aux parties lésées un droit d’agir à l’égard du FNG, pour éviter que leur situation ne soit encore péjorée.

Ce dernier point et d’autres détails devront encore être examinés par le Conseil des Etats le 16 juin prochain. Ainsi, le parcours législatif de la révision pourrait se conclure avant la fin de l’année et les modifications du texte de loi pourraient entrer en vigueur le 1er janvier 2011. Un référendum de la part des défenseurs de la vignette apparaît très improbable à ce stade.

Sonia Fenazzi, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Nicole della Pietra)

Le but de la révision que la commission des transports du Conseil des Etats soumet au plenum, vise l’abrogation de l’assurance obligatoire pour les vélos, mais ne concerne pas les vélomoteurs traditionnels.

Les dispositions en vigueur sont maintenues pour ces véhicules, soit le permis de circulation et la plaque minéralogique de contrôle munie de la vignette, à renouveler chaque année, de même que la responsabilité en cas de faute au lieu de la responsabilité causale en cas d’accident.

La révision délègue au Conseil fédéral la compétence de décider si la levée de l’obligation s’applique aussi à la catégorie intermédiaire des véhicules à moteur de puissance minime. Sont concernés, les fauteuils roulants électriques, les voitures à bras équipées d’un moteur ou les vélos électriques (vitesse maximale 25km/h).

La vignette pour bicyclette correspond à une police d’assurance. Elle certifie l’existence d’un contrat d’assurance responsabilité civile (RC) pour vélos. Obligatoire, elle couvre les dommages causés à des tiers (personnes ou choses) jusqu’à concurrence de 2 millions de francs, intérêts, frais légaux ou judicaires compris, et ce dans toute l’Europe.

La couverture est garantie au plus tôt à partir du 1er janvier de l’année pour laquelle la vignette a été établie. Elle arrive à échéance le 31 mai de l’année suivante. Mais l’achat de la vignette ne suffit pas pour être couvert, encore faut-il coller le timbre sur le vélo. Le montant de la prime d’assurance varie entre 5 et 10 francs au maximum.

La vignette doit indiquer l’année de validité de l’assurance (par exemple 10 pour 2010), de même que trois codes chiffrés qui correspondent au numéro du contrat d’assurance, au canton ainsi qu’à la compagnie d’assurance.

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