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Les vendanges, plaisir des yeux et des papilles

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Les vendanges battent leur plein en Suisse, pays dont presque tous les cantons produisent du vin. Promenade gourmande du côté de Sierre (Valais), chez Michel Savioz, propriétaire encaveur du Château Ravire.

Perché sur un de ces pains de sucre verdoyants qui ponctuent la vallée du Rhône, le Clos du Château Ravire domine la ville de Sierre. Un domaine de 15 hectares, dont 8 de vignes en forte pente avec une exposition sur 360 degrés.

Le château offre une vue à la fois aérienne et panoramique sur la vallée et les Alpes. Imprenable, puisqu’il s’agit là d’une fortification érigée en 1412.

Traditionnellement, les Valaisans possèdent leur vigne familiale. Comme beaucoup d’Anniviards, qui vivaient en transhumance, les Savioz avaient les leurs à Sierre.

Une tour du Moyen Age

«Mon père a racheté le Clos en 1954 et j’y suis né en 1956, raconte le châtelain, en nous accueillant avec Nador, son énergique saint-bernard. Le château avait été démoli lors des guerres de religion valaisannes et seule la tour en a réchappé. Elle a été rebâtie en 1891 et le reste du château a été reconstitué en 1969.»

En-dessous, une cave d’origine a été transformée en musée, avec des collections de vin et de tableaux. Mais aussi une chapelle contenant les cendres de la famille et des portraits, dont la lignée de tous les évêques valaisans, peints à l’époque par le père de Michel Savioz.

«Mon père a disparu alors que j’avais 22 ans et j’ai pris la suite, tout en suivant des études d’oenologie à l’Institut de Changins. J’aurais voulu faire des stages à l’étranger pendant un ou deux ans, mais on avait besoin de moi ici, ma mère était seule… On m’a laissé le choix, mais j’étais déjà dans le bain et, de toutes façons, c’était ce que je voulais faire!»

Une évolution importante

Quand il a commencé, il n’y avait que 300 propriétaires encaveurs en Valais. Aujourd’hui, ils sont mille et brassent 30% de la production cantonale. Le reste demeure aux mains des grandes coopératives comme Orsaz, Provins, ou des grands marchands. «Beaucoup de gens se sont rendu compte qu’en faisant eux-mêmes leur vin, ils faisaient une plus-value.»

«Il faut rappeler que le Valais était pauvre jusque dans les années 1950. Par exemple mon grand-père devait exercer plusieurs métiers (hôtellerie, élevage de bétail, vigne). Beaucoup de gens travaillaient aussi à l’usine d’aluminium de Chippis.»

Puis le canton a pu se développer, grâce au tourisme, à la construction des grands barrages et… au développement de la vigne.

Dans ce domaine, les choses ont beaucoup évolué. «Il y a trente ans, les cépages valaisans comptaient 30% de rouge et 70% de blanc. Depuis une dizaine d’années, ça a basculé et on est autour de 55% de rouge», explique Michel Savioz.

Depuis l’introduction des Appellations d’origine contrôlée (AOC) au début des années 1990, «le Valais est sur la voie de la qualité et tient bien le cap».

«Le travail s’est professionnalisé, poursuit Michel Savioz. Mais on fait aussi de belles choses à Genève, Vaud, Neuchâtel… On a compris qu’il faut s’adapter au climat et qu’en produisant moins de quantité, on augmente la qualité. C’est logique et c’est une bonne chose.»

Redécouverte des spécialités

Dans les années 1970, le Valais comptait quatre cépages principaux: le chasselas, le sylvaner, le pinot noir et le gamay.

«En 1979, quand j’ai repris le domaine, mon père figurait parmi les précurseurs, car il avait repris les anciennes spécialités, ajoute Michel Savioz. Soit les quatre cépages de blanc qu’on ne trouve qu’en Valais: humagne blanche, rèze, petite arvine et amigne.» Le Château Ravire produit aussi de l’ermitage, de la malvoisie, du chasselas, du pinot blanc, du muscat et du chardonnay.

«Dans les rouges, il y a le vieux plan du pays, le cornalin, mais aussi l’humagne rouge, la sirah, le pinot noir, l’ancelota, et le diolinoir.»

Homme de tradition, Michel Saviozl a conservé la composition du vignoble, comme la forme allongée des bouteilles en verre brun (inchangée depuis 1954) et les étiquettes vert pâle représentant le château. «On se moque de moi mais j’y tiens!»

Un millésime prometteur

En cette belle journée d’octobre, la vendange bat son plein au Clos du Château Ravire. Les 7 employés portugais, 5 femmes et 2 hommes, sont en train de cueillir le muscat. «C’est déjà la 3e génération de la même famille. Ces gens connaissent bien la vigne et ils y travaillaient déjà dans leur pays.»

Et d’ajouter, dans un grand sourire, que 2009 s’annonce prometteuse. La vendange dure entre 3 et 4 semaines, selon les années. Puis viennent les récoltes tardives vers la mi-novembre pour les vins doux à base de raisin flétri.

Dans les caves du Château, environ 70% de la récolte est vinifiée en tonneau de chêne pendant au moins un an. La mise en bouteille intervient en août, début septembre.

«C’est tard, reconnaît Michel Savioz, mais je veux que mes tonneaux restent vides le moins longtemps possible et, comme je n’ai pratiquement que des spécialités, on peut les laisser vieillir un peu plus longtemps.»

Le bouche à oreille

Michel Savioz n’a ni téléphone mobile, ni site Internet. «Ma clientèle vient au bouche à oreille, soit des privés soit des restaurateurs. J’aime bien que les gens viennent au château, qui est un argument de vente en soi. Et puis c’est aussi une histoire d’amitié.»

En janvier, quand les vins auront terminé la fermentation, avant la taille des vignes, alors, peut-être, Michel Savioz prendra-t-il quelques vacances.

Par exemple pour aller visiter des vignobles en Afrique du Sud ou en Amérique du Sud. «C’est très enrichissant d’aller voir ailleurs, il y a de beaux vignobles partout», conclut-il de sa voix douce, aux intonations chantantes comme ses vins.

Isabelle Eichenberger, de retour de Sierre en Valais, swissinfo.ch

Propriété: 15 ha dont 8 ha de vignes (60% de raisin blanc et 40% de rouge), le reste étant formé de forêts et d’inculte.

Production moyenne: 700 à 800 grammes de raisin par mètre carré, tous cépages confondus.

Produit: entre 30’000 et 50’000 litres par an.

Blancs: humagne blanche, rèze, petite arvine, ermitage, malvoisie, chasselas, pinot blanc, muscat et chardonnay.

Rouges: cornalin, humagne rouge, sirah, pinot noir, ancelota, et diolinoir.

Vinification: 70% de la récolte est vinifiée en vieux tonneaux pendant environ un an.

Dégustations: plus de 300 par année.

Michel Savioz produit aussi une spécialité unique du val d’Anniviers, le Glacier.

Ce vin ambré, légèrement musqué et résineux, est composé de rèze, d’ermitage et de malvoisie. Il est vieilli en altitude en fûts de mélèze remplis à raz bord, afin qu’il ne s’oxyde pas.

Traditionnellement réservé aux enterrements, ce vin a été façonné pendant plus de 5 siècles par les Anniviards, derniers nomades d’Europe occidentale. Celui de Michel Savioz a plus de 100 ans.

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