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Vincente Minnelli, un Américain à Locarno

Vincente Minnelli avec sa fille Liza sur le tournage de la comédie musicale Nina, titre français de A Matter of Time (1976). cinetext.de

Le Festival du film de Locarno consacre une vaste rétrospective à Minnelli, maître de la comédie musicale et du mélodrame. L’occasion de redécouvrir le réalisateur américain, doublement oscarisé au titre du meilleur film pour 'Un Américain à Paris' et 'Gigi'.

Après la touche magique d’Ernst Lubitsch, Olivier Père rend cette fois hommage à Vincente Minnelli, dont il présente l’œuvre complète à Locarno.

Elevé dans une famille de gens du spectacle au début du 20e siècle, Minnelli a débuté comme décorateur et directeur de comédie musicale à Broadway avant de percer à Hollywood à la faveur d’un contrat avec la fameuse maison de production MGM.

Son nom est souvent associé à des comédies musicales comme Un Américain à Paris ou Tous en scène, dans lequel Fred Astaire et Cyd Charisse se rejoignent dans une danse sublime, en un jeu de pas et de regards sur l’air de Dancing in the Dark.

Mais Minnelli a laissé sa marque dans l’histoire du cinéma aussi – peut-être surtout – pour la force de ses mélodrames, de Comme un torrent à Lame de fond. «Vincente Minnelli est parvenu à traiter le cinéma comme un art total», juge Carlo Chatrian, responsable des rétrospectives.

«Il a réussi à créer l’uniformité entre les parties chantées et récitées, à insérer, sans trop créer de fractures, le corps musical et la danse dans la trame narrative et la structure conceptuelle du film.»

Ses films sont aujourd’hui considérés comme des classiques hollywoodiens, mais ils restent tout à fait contemporains. «Les mélodrames tournent autour de thématiques universelles comme la famille ou d’archétypes comme le conflit père-fils, le rapport individu-collectivité ou la recherche de l’identité sexuelle», poursuit Chatrian.

«S’ajoute à cela un grand raffinement dans la construction scénographique et la capacité à y faire entrer les personnages, comme dans le film Le Pirate, interprété par Judy Garland et Gene Kelly. Chez lui, l’utilisation des décors prend un tour très raffiné mais n’est jamais une fin en soi.»

Jeux de lumières et de couleurs

Dans l’Amérique de l’après-guerre, Minnelli a su peindre un monde plus beau, en jouant avec les lumières, les couleurs et les contrastes, en transposant sa passion pour la peinture au cinéma.

«En raison de leurs qualités esthétiques, les films de Minnelli ont été considérés par certains critiques comme des œuvres de pure forme et non des œuvres d’auteur. Curieusement, Lubitsch avait aussi été accusé d’être un réalisateur centré sur la forme même si jamais personne n’a mis en doute sa stature d’auteur», explique Carlo Chatrian.

«En fait, Minnelli est, dans le cinéma contemporain, un des réalisateurs qui a le plus travaillé sur la recherche en matière de couleurs, sur la capacité à utiliser les couleurs en termes expressifs, poursuit-il. Dans Comme un torrent, la combinaison du rouge et du vert est frappante, alors que dans le film Melinda, le réalisateur utilise des couleurs confuses, saturées.»

Parfois, la couleur se mue en leitmotiv, comme dans La Vie passionnée de Vincent van Gogh, un film qui retrace la vie du peintre et son amitié avec Gauguin, deux personnages magistralement interprétés par Kirk Douglas et Anthony Quinn.

Entre le rêve et la réalité

Au-delà de cette recherche esthétique, de ce raffinement formel, il y a dans les films de Minnelli l’exigence constante de transmettre un message, de raconter une histoire. «La vision d’un réalisateur qui ne se préoccupe que de l’art, et d’un art vu comme une fuite de la réalité, mérite d’être reconsidérée», juge Chatrian.

«Ses films ont un noyau dur, parfois joyeux, parfois tragique, en relation étroite avec la société de son époque. Minnelli a travaillé sur le rapport entre rêve et réalité, entre la vie et la fiction comme peu d’autres ont pu le faire, comme si, dans la fiction, pouvait se trouver la vraie vie.» Dans ce sens, le drame de Madame Bovary, sa manière de se réfugier dans un monde imaginaire et dans sa recherche de la beauté, concordent pleinement avec l’approche cinématographique de Minnelli.

A Locarno, le public de cinéphiles et les curieux ont la possibilité de (re)découvrir les 34 films réalisés par Minnelli. Un cinéaste peut-être un peu oublié et trop souvent «sous-estimé», comme l’a rappelé Kirk Douglas dans un message vidéo diffusé sur la Piazza Grande.

«Vous savez, les réalisateurs étaient tous différents», a dit l’acteur américain. «Et Vincente Minnelli plus encore. Il était timide et ne se sentait pas à son aise au milieu des gens. Mais il avait beaucoup de talent. Il excellait dans tous les genres.»

Célèbre pour ses nombreux classiques de la comédie musicale, Vincente Minnelli (1903-1986) est considéré aussi comme un maître de la comédie et du mélodrame.

Après des débuts dans la mise en scène, Minnelli part à New York où il deviendra directeur artistique du «Radio City Music Hall» sur Broadway.

La rencontre avec Arthur Freed – l’homme qui a révolutionné la comédie musicale – donne une nouvelle tournure à sa carrière, à la faveur d’un contrat avec la MGM.

Cabin in the Sky (1943) et Meet Me in St Louis (1944) inaugurent une longue série de chefs d’œuvre parmi lesquels figurent Madame Bovary (1951), Tous en scène (1953), La vie passionnée de Vincent van Gogh (1954) et Comme un torrent (1958).

Minnelli obtient l’oscar du meilleur film pour ses deux longs métrages les plus célèbres: Un Américain à Paris (1951) et Gigi (1958). Au total, il a obtenu neuf statuettes, dont celle du meilleur réalisateur.

Vincente Minnelli a dirigé quelques-unes des plus grandes stars hollywoodiennes: Judy Garland (son égérie dans les années 40 et la première de ses trois épouses), Fred Astaire, Gene Kelly, Cyd Charisse, Katherine Hepburn, Spencer Tracy, Kirk Douglas, Frank Sinatra, Elisabeth Taylor.

Dans Nina, il a dirigé sa fille Liza, dont la mère est Judy Garland. Comme son père et sa mère, Liza Minnelli a aussi été oscarisée. Un cas unique où tous les membres de la famille ont obtenu la fameuse statuette.

(Traduction de l’italien: Pierre-François Besson)

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