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Les Bernois sauvent le forfait fiscal de Johnny Hallyday

Gstaad et son écrin verdoyant resteront un havre fiscal pour riches hommes d'affaires ou stars du show-biz. gstaad.ch

Les citoyens bernois ont rejeté dimanche une initiative populaire demandant l’abolition des forfaits fiscaux pour riches étrangers. A Bâle-Campagne, en revanche, c’est le «oui» qui l’emporte. Contesté, ce système d’imposition a récemment subi un tour de vis de la part du Parlement fédéral.

Comme un peu plus de 200 autres riches étrangers établis dans le canton de Berne, en grande majorité dans la très huppée station de Gstaad, Johnny Hallyday peut respirer. Le célèbre rocker français, exilé depuis 2006 dans les Alpes bernoises, pourra continuer à bénéficier de l’imposition forfaitaire, un système fiscal exclusivement destiné à de riches étrangers établis en Suisse et qui n’y exercent pas d’activité lucrative.

Appelés aux urnes, les citoyens du canton de Berne ont en effet rejeté dimanche à 66,5% une initiative de la gauche demandant l’abolition de ce privilège. Le système des forfaits fiscaux est basé sur le train de vie et les dépenses du contribuable en Suisse et non sur ses revenus réels. Ainsi, selon Le Matin, Johnny Hallyday a gagné environ 6,3 millions de francs suisse l’an dernier mais n’a payé qu’environ 700’000 francs d’impôts par an, «soit ce qu’il dépense en deux mois, selon ses proches», indique le journal.   

De l’avis des opposants, les initiants ont commis une erreur tactique en couplant la suppression des forfaits fiscaux à une augmentation des impôts qui aurait touché une grande partie de la classe moyenne du canton. Plus mesuré, le contre-projet du gouvernement, qui prône notamment une taxation plus importante et un durcissement des conditions d’octroi pour les personnes souhaitant être imposées au forfait, a quant à lui passé la rampe (52,9%).

A Bâle-Campagne, les électeurs ont en revanche plébiscité une initiative socialiste exigeant la suppression de ce privilège (61,48% de oui). Il faut dire que seules 16 personnes y sont imposées au forfait. Les initiants voulaient avant tout empêcher que Bâle-Campagne ne devienne un refuge pour de riches étrangers dont les forfaits ont été abolis dans d’autres cantons. 

Débat éthique

Crise financière et économique oblige, les critiques à l’égard du régime des forfaits fiscaux se font de plus en plus virulentes depuis quelques années. En France notamment, où le gouvernement envisage de  taxer à 75% les plus hauts revenus, la votation bernoise a fait l’objet d’une attention toute particulière de la part des médias.

Mais en Suisse également, le débat éthique autour des forfaits fiscaux prend de l’ampleur. «C’est un régime arbitraire incontrôlable qui contrevient au principe constitutionnel de l’égalité des droits», déclarait récemment dans les colonnes du Temps la députée socialiste Susanne Leutenegger Oberholzer.

Sa collègue de parti, la députée bernoise Margret Kiener Nellen, n’est pas moins remontée: «La commune, le canton de Berne et la Confédération se font voler. Ces forfaits sont devenus un commerce pour beaucoup de fiduciaires. A Gstaad, on trouve par exemple 13 familles grecques multimillionnaires qui s’acquittent d’impôts ridicules, c’est un scandale».

La semaine dernière, le Parlement de Bâle-Ville a décidé de supprimer ce régime spécial pour riches étrangers, arguant qu’il ne respectait ni l’égalité de traitement ni la justice fiscale. Zurich avait ouvert la voie en 2009 lors d’une votation populaire. Schaffhouse a suivi en 2011 et Appenzell Rhodes-Extérieures cette année, également sur décision des citoyens.

Saint-Gall, Thurgovie et Lucerne ont en revanche voté contre l’abolition des forfaits fiscaux, préférant également en durcir les conditions d’octroi. Des processus démocratiques sont en cours dans trois autres cantons, dont celui de Genève, qui compte près de 700 contribuables «spéciaux».

Une initiative fédérale lancée

Au niveau national, les Chambres fédérales se sont prononcées pour le maintien des forfaits fiscaux lors de la dernière session parlementaire. Les partis bourgeois, soutenus par la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf, ont estimé qu’il s’agissait d’un système praticable et raisonnable. «Il est un instrument utile de politique fiscale et l’expression de la souveraineté des cantons», a affirmé le député libéral-radical (PLR / droite) Fulvio Pelli. D’autres pays de l’Union européenne connaissent également cette pratique, a pour sa part relevé Peter Spuhler (Union démocratique du centre / droite conservatrice).

Le Parlement suisse a toutefois accepté de durcir les conditions d’octroi des forfaits fiscaux. A l’avenir, la dépense minimale prise en compte dans les cadre des impôts cantonal et fédéral s’élèvera ainsi à sept fois le loyer ou la valeur locative du logement, au lieu de cinq actuellement. Seules les personnes disposant d’un revenu annuel d’au moins 400’000 francs pourront bénéficier de ce privilège fiscal en ce qui concerne l’impôt fédéral direct. Les cantons peuvent quant à eux fixer un montant minimal de leur choix.

Il est toutefois probable que les citoyens suisses se prononceront prochainement sur cette question, puisque le parti La Gauche a lancé une initiative prônant la mise à mort du système. La récolte des 100’000 signatures, qui doivent être déposées avant le 19 octobre à la Chancellerie fédérale, est en bonne voie.  

700 millions de rentrées fiscales

A l’heure actuelle, ce sont avant tout les cantons de Vaud, Genève, Tessin et du Valais qui usent de cet instrument d’attractivité économique. Ils en retirent respectivement 229, 156, 74 et 61 millions de francs.  Suivent deux autres cantons touristiques, les Grisons et Berne (respectivement 40 et 24 millions).

Dans le canton de Vaud, le système des forfaits fiscaux, destiné à l’origine à capter fiscalement les riches anglais venus passer leur retraite sur la Riviera, remonte à 1862. Parmi les 1397 contribuables vaudois qui en bénéficient aujourd’hui figurent notamment le fondateur d’Ikea Ingvar Kamprad, le champion de Formule 1 Michael Schumacher ou encore le chanteur Phil Collins.

Introduit par d’autres cantons et par la Confédération dans la première moitié du 20e siècle, le système des forfaits fiscaux s’est surtout développé ces dernières années. En 2010, il bénéficiait en Suisse à 5445 personnes, la plupart des retraités. Elles ont payé au total un peu moins de 700 millions de francs d’impôts. En janvier 2012, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a enjoint la Suisse à mettre fin à ce système d’imposition forfaitaire.

Les Neuchâtelois ont joué la prudence financière: ils ont dit «non» de justesse dimanche au projet de Transrun, désavouant ainsi leurs autorités. Les opposants l’ont emporté par 50,29% des voix contre 49,71%, soit un peu moins de 400 bulletins d’écart.

Pièce maîtresse du futur RER, cette nouvelle liaison ferroviaire était devisée à près d’un milliard de francs. Le TransRun devait consister à construire une nouvelle liaison ferroviaire entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, longue de 16,7 km dont 12 sous terre. Le temps de parcours aurait dû être réduit de moitié à 14 minutes. Ce réseau devait être opérationnel à l’horizon 2022.

Le Transrun a fait l’objet d’une campagne passionnée au cours des semaines précédant le vote. Les opposants, emmenés par l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) ont qualifié ce projet de «pharaonique pour le canton le plus endetté de Suisse».

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