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«Devoir de discrétion»: une nouvelle carte pour vendre le secret bancaire

Graphique secret bancaire swissinfo.ch

Selon un sondage réalisé pour l´Association suisse des banquiers, 77 pour cent des Suisses sont favorables au maintien du fameux secret bancaire rebaptisé «devoir de discrétion du banquier». Un sondage dont il faut peut-être relativiser le résultat.

On a envie de dire: bonnet blanc, blanc bonnet. C’est du moins visiblement le cas de la nouvelle expression «devoir de discrétion du banquier» pour parler du secret bancaire. Et pourtant…

Selon le dernier sondage réalisé comme chaque année par l’Institut Gfs pour l’Association suisse des banquiers, 77 pour cent des Suisses sont en effet favorables au maintien du fameux secret bancaire suisse sous sa forme actuelle.

Or, il y a moins de trois mois, un autre sondage, réalisé cette fois par l’Institut Isopublic pour l’hebdomadaire dimanche.ch, révélait que seuls 40 pour cent des Suisses souhaitaient conserver le secret bancaire tel qu’il est actuellement pratiqué.

Les Suisses changeraient-ils d’avis comme de chemises ou les réponses dans les sondages ne varieraient-elles pas plutôt en fonction de la formulation des questions?

L’Association suisse des banquiers (ASB) vient de mettre en place, début septembre, une «task force» ayant pour tâche de redorer le blason de la place financière suisse. Une image écorchée par les affaires de fonds juifs, de blanchiment d’argent sale, de détournement de capitaux par des dictateurs.

Par ailleurs, l’ASB s’est toujours résolument déclarée en faveur du maintien du secret bancaire qui, selon elle, permet à la Suisse de garder une place privilégiée dans le domaine financier. Mais souhaitant lutter contre toutes les formes de crimes organisés pour remodeler la célèbre réputation des banques suisses, l’ASB a changé de vocabulaire: le secret bancaire est relégué au placard; on arbore désormais la carte «devoir de discrétion du banquier».

Pour l’ASB, le résultat du sondage, nettement en faveur du maintien du secret bancaire, rappelle qu’il s’agit d’une vieille tradition à laquelle les Suisses restent très attachés. Et malgré les impératifs liés aux pressions de Bruxelles, 72 pour cent des sondés s’opposeraient à la suppression du secret bancaire si l’Union européenne devait le réclamer.

Dans le sondage d’Isopublic de fin juin en revanche, 38,5 pour cent des Suisses se sont montrés favorables à un assouplissement du secret bancaire, afin de tenir compte des exigences européennes.

Une chose est pourtant certaine. Tous les Suisses, et ce n’est pas nouveau, insistent sur la nécessité de lutter contre les fraudes et donc de lever le secret bancaire dans les cas de blanchiment d’argent présumé (85 pour cent), de pots-de-vin (75 pour cent), d’évasion fiscale ou de capital, de fonds publics détournés par des dictateurs.

Autant dire que ce résultat conforte tout le monde. L’Association suisse des banquiers souligne son désir de maintenir une «tradition suisse de la protection de la sphère privée», tout en voulant lutter contre le crime organisé. Et de rappeler que la législation en vigueur s’occupe déjà de ces fameux cas litigieux. Les opposants, au contraire, estiment que seule la transparence bancaire permettra de lutter efficacement contre les fraudes.

Le sondage de l’ASB révèle finalement que les Suisses tiennent encore beaucoup à leurs privilèges et que la route qui mène à Bruxelles risque d’être bien longue et semée d’embûches. Les négociations avec les Quinze, comme les bilatérales, se feront à la suisse, soit en multiples compromis de part et d’autre. Le secret bancaire suisse reste un sujet fort délicat et complexe qui implique surtout des conséquences politiques et économiques.

Catherine Miskiewicz

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