«La Poissine» devient AMJ

Gare à vous… Le Jura est paré à l’abordage! swissinfo.ch

15.03.2002: L'Arteplage mobile du Jura (AMJ) a été dévoilé et baptisé vendredi. Voué à l'ouverture et à la fronde, il portera bien son surnom de «bateau pirate».

Entre Concise et Grandson, un modeste chantier naval. Parmi les péniches rouillées, un drôle de bateau, à l’étrave dorée et bosselée, et à la superstructure rouge et blanche, éclatante. Tendus vers le ciel gris, des bras articulés soutiennent des rampes de projecteur…

Si une grenouille peut se transformer en prince charmant, pourquoi une barge ne pourrait-elle pas se transformer en vaisseau pirate dans le cadre d’une exposition nationale? C’est peut-être ce que se sont dit les organisateurs lorsqu’ils ont jeté leur dévolu sur «La Poissine», une barge à gravier longue de 37 mètres, qui, transformée en «arteplage mobile», pourra accueillir 150 visiteurs.

A bord d’«AMJ», un bar, mais aussi et surtout un espace de 300 m2 abritée par une superstructure totalement modulable, qui se transformera à plusieurs reprises pendant la durée de l’exposition nationale. «Elle est très Playmobil», constate le Zurichois Juri Steiner, responsable du projet.

Artisans de la métamorphose, deux architectes parisiens, Didier Faustino et son bras droit Pascal Mazoyer, de «Bureau des Mésarchitectures de Paris». Des designers qui ne regretteront pas leur effort: suite à ce projet, la France les a choisis pour la représenter, à côté d’autres créateurs, à la prochaine biennale d’Architecture.

Corsaires & flibustiers

Expo.02, ce sera donc quatre arteplages fixes (à Neuchâtel, Yverdon, Bienne et Morat). Et un cinquième, mouvant celui-là, cette drôle de barge. Bateau pirate? Jurassien volant? «C’est un bateau, mais aussi un théâtre flottant. C’est quelque chose qui est dans le non-lieu, ce qui est très fascinant aujourd’hui, à une époque où on est tous des migrateurs» estime Juri Steiner.

Pratiquement, l’AMJ proposera des excursions deux fois par après-midi, et des croisières-spectacles (payantes) le soir. Mais surtout, il déboulera inopinément aux quatre coins des Trois-Lacs, à coup d’irruptions sauvages et de happenings vraisemblablement décoiffants.

Son pavillon sera-t-il le drapeau jurassien? Pas vraiment. Ses couleurs varieront en fonction des thématiques évoquées à son bord, au nombre de sept. Pour «La Suisse politique» (20.5 – 9.6), Che Guevara flottera sur les lacs helvétiques. Pour «La Suisse Jurassienne» (10-30.6), un cheval.

Une Helvetia sexy pour «La Suisse surfe» (1-21.7), Mère Teresa pour «La Suisse humanitaire» (22.7-11.8), Andy Warhol pour «Gloire et misère de la Suisse» (12.8-1.9), un capitaliste à gros cigare pour «La Suisse et l’argent» (2-22.9) et un pavillon pirate à tête de mort pour «La Suisse à la fin» (23.9-20.10.).

«Barge», vous avez dit «barge»?

Impossible de raconter ici tout ce qui se passera à bord de l’AMJ. Signalons toutefois un Festival du Protestsong: chacun pourra déposer ses récriminations, qui seront adaptées en rap. Ou une «Telesymphony»: les mobiles des visiteurs seront piratés, et se joindront pour créer une étrange symphonie téléphonique. Citons encore «Mis à nu», un événement naturiste où chacun pourra tenter l’expérience («crème solaire mise à disposition», précise la présentation).

Plus sérieux? «Red Cross Over», consacré à la Croix-Rouge. Ou des conférences baptisées, avec un sens certain de la provocation, «Congrès contre la démocratie»… Ou des projections de films exclusifs signés Jean-Luc Godard, Robert Frank et Dieter Roth, récemment décédé. «On a appelé ça ‘Cafard’, parce qu’avec Godard, Frank et Roth, ça ne va pas être rigolo», précise Juri Steiner, qui lui justement, semble déborder d’humour.

Et puis il y aura aussi «La Nef des enfants», un voyage réservé aux 6 à 12 ans… Un festival international de poésie, joliment baptisé «Murmures du monde». Et, de temps en temps, des «Expéditions au clair de lune», de minuit au petit matin, dans des ambiances jazz, classique, baroque ou psychédélique…

Le charme de l’insolence

Le ministre jurassien de l’Economie, Jean-François Roth, est épanoui. L’AMJ répond à ses attentes: symboliser l’ouverture et l’esprit frondeur qui selon lui caractérisent le Jura. «On a convoqué le monde sur l’arteplage», s’enthousiasme-t-il. «La conception et la réalisation de cet arteplage est le fait de plusieurs types de Confédérés, de dramaturges allemands, d’architectes français, et symbolise parfaitement cet esprit d’ouverture».

Quant à la programmation, Jean-François Roth parle de «joyeuse impertinence de bout en bout». L’esprit frondeur des Jurassiens, une réalité historique ou une construction culturelle qui est en train de se peaufiner? «J’invite les gens à venir vivre dans le Jura quelques temps, ils verront que cet esprit frondeur n’est pas surfait. Les Jurassiens sont comme ça par tempérament. Et c’est ce qui fait leur charme».

swissinfo/Bernard Léchot