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Le développement prudent de la géothermie en Suisse

L’antique cité d'Avenches pourrait bénéficier d’un projet géothermique avenches.ch

Le gouvernement suisse est prêt à miser sur l'énergie géothermique dans le cadre de sa stratégie énergétique 2050. Mais ses promoteurs n'ont pas encore démontré sa viabilité, ni leur capacité de convaincre la population qu’elle est une source d'énergie sûre.

C’est dans une antique cité romaine (Avenches dans le canton de Vaud) que pourrait démarrer un projet innovant permettant la production d’électricité alimentée par la chaleur des entrailles de la Terre. Les spécialistes la nomment géothermie profonde.

Avenches est l’un des trois sites potentiels choisi par la société Geo-Energie Suisse pour développer un système géothermique renforcé (Enhanced Geothermal System/ EGS).

L’objectif est de creuser à plus de 4000 mètres dans la croûte terrestre, où les températures atteignent les 200 degrés Celsius. De l’eau sous pression est injectée dans la roche, elle provoque sa fracturation, elle est chauffée, puis récupérée et utilisée pour faire tourner des turbines.

Cela dit, la mise en route du projet est loin d’être acquise. Une installation du même type à Bâle a été fermée en 2009 après avoir provoqué une série de petits séismes et des dégâts estimés à 9 millions de francs.

La technologie impliquée n’est pas enterrée pour autant. Le gouvernement suisse veut que la géothermie couvre jusqu’à 7% des besoins en électricité du pays d’ici à 2050. Quant aux experts de l’énergie, ils se disent convaincus que les projets en géothermie peuvent se concrétiser.

«L’installation de Bâle a été arrêtée en raison d’un tremblement de terre, relève Olivier Zingg de Geo-Energie Suisse. Mais en utilisant les données de ce projet, nous avons pu développer un nouveau concept qui permet de gérer les risques sismiques.»

Les mini tremblements de terre sont partie intégrante de la technologie EGS. Chaque fois que la roche est fracturée, elle libère de l’énergie sismique, un élément essentiel de la méthode. «L’astuce consiste à stimuler l’activité sismique sans causer de dommages à la surface », précise Olivier Zingg.

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Convaincre la population

À première vue, le choix d’Avenches ne semble pas être la meilleure option, vu ses vestiges de l’époque romaine et la partie médiévale de la ville. Mais la ville vaudoise offre une géologie appropriée, une bonne réglementation de l’usage des terrains et une procédure cantonale d’autorisation simple.

Les terrains disponibles et la possibilité de fournir de la chaleur au système local de chauffage ont également pesé dans la balance pour conclure l’affaire.

Selon le maire de la ville Daniel Troillet, encourager ce projet s’inscrit dans l’objectif du gouvernement suisse d’abandonner progressivement l’énergie nucléaire.

«La vielle centrale nucléaire de Mühlberg (proche d’Avenches) est dangereuse, souligne le maire. Nous ne pouvons pas ignorer la technologie qui pourrait nous aider à compenser le manque à gagner quand la centrale s’arrêtera.» Daniel Troillet est convaincu que la technologie a suffisamment évolué pour essayer à nouveau.

Récemment, ses promoteurs ont présenté le projet et demandé le soutien de la population. «Nous sommes conscients que nous ne serons pas en mesure de convaincre tout le monde, mais nous devons obtenir une majorité, affirme Olivier Zingg. Nous devons faire comprendre que nous prenons les préoccupations des gens au sérieux et que nous essayons de minimiser les risques associés au projet.»

Le maire assure que, jusqu’ici, personne ne s’est officiellement opposé au projet. Geo-Energie Suisse a également promis une surveillance particulière à chaque étape du projet, si elle obtient le feu vert.

Jusqu’à présent, il y a peu d’opposition visible à l’énergie géothermique en Suisse. Les désaccords se concentrent plutôt sur quelles énergies renouvelables obtiendront les subventions fédérales.

L’utilisation de la chaleur générée par la terre n’est pas nouvelle en Suisse. Il suffit de penser aux stations thermales.

Cependant, les ressources géothermiques n’ont été exploitées jusqu’ici que pour la chaleur.

Parmi les projets en construction, un seul à St -Gall peut produire de l’électricité avec la chaleur.

Geo-Energie Suisse envisage trois sites pour la technologie EGS : Avenches, Haute-Sorne dans le canton du Jura et Etzwilen dans le canton de Thurgovie.

Selon les milieux de la géothermie, le potentiel de l’énergie géothermique pour la Suisse est de 80’000 TWh (térawatt-heure). La consommation annuelle suisse de l’électricité est d’environ 60 TWh. La stratégie énergétique 2050 du gouvernement prévoit la production d’environ 4.4TWh en ressource géothermiques (aujourd’hui elle est nulle). Les consommateurs d’électricité sont facturés en kWh.

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Projet immature

Sur le papier, la technologie EGS semble être la plus adaptée pour la Suisse, utilisable presque partout. Même si les connaissances manquent sur le sous-sol de la Suisse.

«Nous savons très peu de choses, précise Günter Siddiqi de l’Office fédéral de l’énergie. Très peu d’installations de forage ont creusé jusqu’à 3000 mètres.»

Selon Olivier Zingg, EGS surmonte cet obstacle et une fois la technologie arrivée à maturité, des installations pourraient être construites où l’énergie est la plus nécessaire, soit sur le plateau suisse entre Genève et St-Gall.

Günter Siddiqi affirme que la technologie EGS peut jouer un rôle important. Mais contrairement au solaire ou à l’énergie éolienne, son potentiel reste inconnu.

Les systèmes EGS sont actuellement en cours d’expérimentation ou l’ont été dans six autres pays (France, Allemagne, Pays-Bas, Japon, Etats-Unis et Australie). Mais les tests ont été entravés par des difficultés techniques. Jusqu’ici, l’utilisation commerciale est limitée à deux sites aux Pays-Bas et en Allemagne.

Des coûts importants

Le coût est un autre facteur qui pourrait entraver la poursuite du développement, selon Günter Siddiqi, d’autant qu’il reste à voir si ces installations peuvent être économiquement viables.

Les promoteurs de projets géothermiques doivent se débrouiller seuls. Malgré le soutien des autorités locales à Avenches, Geo-Energie ne reçoit aucun financement public.

«La commune et le canton ne dépensent rien, selon Olivier Zingg. Il incombe aux actionnaires de prouver que la technologie est viable avant de prétendre à une aide financière.»

Le coût estimé pour une installation de production est d’environ 20’000 francs suisses par kilowatt. Les spécialistes de l’énergie s’attendent à ce qu’il chute à 8’000 francs au fil du temps. Malgré cela, les compagnies d’électricité devront investir des milliards pour atteindre l’objectif fixé par le gouvernement.

Selon Günter Siddiqi, les projets géothermiques ont cependant l’avantage de pouvoir faire payer des tarifs d’électricité plus élevés, selon des modalités proches de celles qui ont été utilisées pour promouvoir l’énergie solaire.

L’EGS est un nouveau type de technologie géothermique. Jusqu’à récemment, les systèmes géothermiques ont exploité des ressources simplement générées par la chaleur, l’eau et la perméabilité de la roche naturelle.

Les technologies EGS améliorent ou créent des ressources géothermiques dans une roche sèche et chaude par stimulation hydraulique. Et ce en pompant de l’eau froide à haute pression vers le bas d’un puits d’injection dans la roche.

Les systèmes EGS sont actuellement développés et testés en France, en Australie, au Japon, en Allemagne, aux Etats-Unis et en Suisse. Le plus grand projet EGS dans le monde est une usine de démonstration de 25 mégawatts en cours de développement dans le bassin de Cooper, en Australie.

Le cas de sismicité induite par Bâle mérite une mention spéciale: il a conduit la ville (qui est un partenaire) à suspendre le projet et à procéder à une évaluation de l’aléa sismique, qui a entraîné l’annulation du projet en Décembre 2009.

Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand

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