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Animaux: avocat ou pas, l’élevage extrême préoccupe

Les chats nus, ou sphynx, font partie des races souvent visées par les défenseurs des animaux. Keystone

Les Suisses se prononceront le 7 mars prochain sur la création de postes d’avocats pour animaux. Une idée généralement bien accueillie dans les milieux de l’élevage. Mais la Protection suisse des animaux (PSA) souhaiterait aller vers une réglementation plus stricte dans ce domaine.

Les expositions et les concours animaliers attirent des amis des animaux de tout poil. Parmi eux, des membres de la Protection suisse des animaux (PSA). Or leurs vues ne concordent pas toujours avec celles des éleveurs, comme cela est arrivé l’an dernier lors du salon Animalia à Lausanne.

A cause d’un carlin qui suffoquait, la PSA a décidé de déposer plainte. Pour ouvrir un débat autour de l’élevage d’animaux aux caractéristiques extrêmes, pourtant interdit en Suisse depuis 2005 par l’ordonnance sur la protection des animaux.

Cette législation, la PSA l’estime globalement satisfaisante. Mais elle dénonce d’importantes lacunes au niveau de l’exécution. C’est pour cette raison qu’elle a lancé l’initiative qui sera soumise au peuple le 7 mars, laquelle vise à instaurer des avocats cantonaux pour animaux afin d’améliorer leur défense sur le plan pénal.

Quant aux animaux élevés pour atteindre des standards de race qui peuvent nuire à leur santé, la PSA souhaite là aussi que l’Etat prenne les choses en main. Elle a récemment demandé à l’Office vétérinaire fédéral (OVF) de fixer des valeurs limites, s’agissant par exemple de la longueur du museau de certaines races de chiens ou de chats, ou d’organes sensoriels indispensables à leur orientation (vibrisses chez les chiens ou les chats nus).

Les vétérinaires pour la nuance

Du côté de l’OVF, des discussions à ce sujet viennent d’être entamées, confirme la porte-parole Cathy Maret. Mais elle précise qu’il s’agit là d’un problème «très complexe» que l’OVF tient à aborder à fond, de concert avec les organisations de sélection et les clubs de races. Une autre manière de dire que les exigences de la PSA risquent de ne pas être satisfaites de sitôt.

«Prenez l’exemple des chats sans poils qu’on cite toujours: l’exposition au soleil leur cause des problèmes, mais on peut tout à fait éviter de les exposer au soleil ou alors les enduire de crème solaire. En ce qui concerne les vaches laitières, cela peut aller loin: comment déterminer la limite entre la productivité et le bien-être de l’animal?», explique Cathy Maret.

Sur le terrain, Fabien Loup, vétérinaire cantonal à Fribourg, salue la démarche de l’OVF. Mais il craint qu’elle soit très lente à aboutir. Et ardue à mettre en œuvre. Pour sa part, il imagine difficilement un service vétérinaire cantonal intervenir contre un éleveur pratiquant une sélection extrême dénoncé lors d’une exposition, surtout si celui-ci réside dans un autre canton ou, pire encore, à l’étranger.

Sans compter que l’élevage est un travail de longue haleine, précise Fabien Loup. «Entre le moment où on nous signalerait un élevage à problèmes et celui où on constaterait que manifestement l’éleveur ne fait pas d’effort pour corriger ses lignées, il pourrait s’écouler entre 5 et 10 ans, relève-t-il. Alors seulement il deviendrait possible de faire intervenir un avocat des animaux sur dénonciation.»

Les éleveurs pour le dialogue

Du côté des associations d’éleveurs, on accueille généralement positivement l’idée d’instituer des avocats cantonaux pour les animaux. «Cela constituerait un moyen supplémentaire pour guider et accompagner les éleveurs, même si la tâche principale de ces avocats serait la défense des animaux sur le plan pénal», souligne Peter Rub, président de la Société cynologique suisse (SCS).

Pour ce qui est de l’élevage extrême, Peter Rub dit entretenir un dialogue avec les clubs de races, «avec toujours comme première préoccupation la santé et la sécurité des chiens». Mais il pointe aussi du doigt le fait que sur les quelque 450’000 canidés que compte la Suisse, seul le quart environ sont issus d’élevages affiliés à la SCS. S’il exclut tout problème de malformations pour ces chiens-là, il confie avoir quelques doutes pour les autres.

Relevant que la situation est pire dans d’autres pays, la Grande-Bretagne par exemple, Louis Mayer, président de l’Association romande des éleveurs de chiens de race, condamne pour sa part l’élevage extrême. Mais il ne nie pas l’existence du problème en Suisse, tout en relevant que, partout, la tendance est plutôt au retour au respect de l’animal.

«Dans la plupart des races, on a pris conscience du problème, et d’autres, comme les maladies héréditaires. Un gros effort est maintenant fait pour éradiquer ces maladies et ne pas exagérer certaines caractéristiques extrêmes qui ne sont pas souhaitables. En définitive, aucun éleveur n’a envie de placer des chiots ayant des problèmes», explique-t-il.

Les progrès sont possibles

Président de la Société vaudoise de protection des animaux, Samuel Debrot estime que c’est effectivement aux associations félines et canines d’agir en réformant les standards de race. A ce propos, il constate d’ailleurs de «réels progrès» depuis une dizaine d’années.

«On voit de moins en moins de siamois ou de persans au museau complètement aplati. Et puis, prenez l’exemple des boxers, des dogues ou de certains molosses à qui on coupait la queue ou les oreilles: nous avons réussi à faire interdire cette pratique dans les expositions en Suisse, et aujourd’hui, c’est admis sur le plan international», se félicite-t-il.

Carole Wälti, swissinfo.ch

Le 7 mars prochain, le peuple suisse se prononcera sur une initiative de la Protection suisse des animaux (PSA) qui veut obliger les cantons à instituer des postes d’avocats chargés de défendre les intérêts juridiques des animaux.

La PSA a lancé cette initiative, qui a récolté près de 150’000 signatures, jugeant que la législation suisse est dans l’ensemble appropriée, mais appliquée de manière insatisfaisante.

Elle dénonce aussi les disparités entre les cantons au niveau de la mise en œuvre, et le fait que les auteurs de mauvais traitements envers les animaux sont trop souvent modérément punis, voire impunis.

Soutenue par la gauche, cette initiative est combattue par le Conseil fédéral (gouvernement) et par la droite, qui estiment qu’elle va trop loin.

Ses détracteurs évoquent notamment le fait que la loi sur la protection des animaux (LPA), entrée en vigueur en septembre 2008, contraint déjà les cantons à déposer plainte pénale contre une personne ayant maltraité intentionnellement des animaux

Actuellement, seuls trois cantons suisses (Zurich, St-Gall et Berne) ont introduit une législation ad hoc permettant de poursuivre les cas de violation de la LPA.

Animaux de compagnie

Chats: 1,3 million.
Chiens: 450’000.

Animaux de rente

Bovins: 1,6 million.
Porcs: 1,5 million.
Mouton: 440’000.
Chèvres: 80’000.

(Source : estimations Office vétérinaire fédéral)

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