Asile: la Suisse sauve la face

Une pluie de réactions de satisfaction quasi générale a accueilli le rejet de l'initiative sur l'asile, lancée par la droite dure.

Mais l’Union démocratique du centre (UDC) n’entend pas relâcher la pression. Notamment devant le Parlement.

Le refus de l’initiative de l’Union démocratique du centre (UDC) sur l’asile a suscité des réactions de soulagement venant des organisations de défense des droits de l’homme, des églises, des syndicats et d’une majorité des partis politiques.

L’honneur est sauf. En tout cas «symboliquement», lance malicieusement Patrice Mugny (Verts).

L’acceptation de cette initiative aurait donné une image particulière de la Suisse. «Comme étant un Etat qui se donne constitutionnellement le devoir de refouler les persécutés», précise le député genevois.

Mais sur le fond, Patrice Mugny reste très critique: «Pour les requérants d’asile, cela ne va quasiment rien changer. La loi que le gouvernement va proposer va aussi loin que l’initiative de l’UDC».

Et, pour le député des Verts, cette loi va être acceptée. D’ailleurs, les partis bourgeois ont déjà dit qu’ils la soutiendraient.

Le parti socialiste pousse un ouf de soulagement: «Notre tradition humanitaire a failli céder sous les coups de butoir d’un populisme xénophobe».

«Le rejet de l’initiative est heureux, note le PS, même s’il s’en est fallu d’un cheveu. Car son application aurait soulevé des problèmes insurmontables et la Suisse se serait mise dans une position intenable à l’égard de ses partenaires en Europe.»

Même la Croix-Rouge réagit

La Croix-Rouge suisse, qui, une fois n’est pas coutume, avait pris position avant la votation, a donné le ton en annonçant dimanche avoir pris connaissance avec soulagement du rejet de l’initiative «inhumaine» de l’UDC sur l’asile.

A ses yeux, la tradition humanitaire de la Suisse en sort confirmée. Egalement soulagée par l’issue du scrutin, la Conférence des évêques suisses réaffirme son soutien à une politique solidaire à l’égard des étrangers et des réfugiés.

En refusant l’initiative de l’UDC, le peuple a montré sa volonté de résoudre les problèmes en matière d’asile de manière pragmatique et son «refus des solutions populistes et irréalistes», souligne le comité parlementaire bourgeois contre les pseudo-solutions en matière d’asile.

Amnesty International préoccupé

Le rejet de l’initiative de l’UDC «est certainement un soulagement», précise Rupert Colville, porte-parole du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).

«Cette initiative, ajoute-t-il, aurait pu créer de nombreux problèmes pour les réfugiés authentiques, ainsi que très probablement des difficultés pour la Suisse dans ses relations avec les pays voisins sur les questions d’asile.»

Pour sa part, la section suisse d’Amnesty International (AI) se «réjouit», tout en se disant «extrêmement préoccupée» que les résultats soient aussi serrés.

Le secrétaire général de la section suisse d’AI, craint notamment que le bon score de l’UDC à ce scrutin ne conduise à un durcissement de la loi de 1981 sur l’asile que le gouvernement souhaite réviser.

«Ces craintes sont d’autant plus fondées que certaines propositions de l’UDC y sont reprises, notamment le concept de pays sûrs», souligne Daniel Bolomey.

Et de préciser: «Avant de songer à de nouvelles dispositions plus restrictives encore, Mme Ruth Metzler (ndlr: ministre de la Justice et de la Police) devrait se concentrer sur les moyens à adopter pour une meilleure mise en oeuvre du droit actuel, dans le respect des droits humains».

Un laxisme qui coûte cher

De son côté, l’Union démocratique du centre (UDC) se félicite d’avoir «une fois de plus avoir réussi à réunir sous sa bannière nettement plus d’électeurs que ne le laissait prévoir sa part électorale».

«Le résultat extrêmement serré montre que le malaise de la population est grand, souligne l’UDC. Depuis des décennies,jamais une initiative combattue violemment aussi bien par les Conseil fédéral que par les médias n’a fait un aussi bon résultat.»

L’UDC annonce, d’ores et déjà, qu’il va suivre de très près la prochaine révision de la loi sur l’asile et l’introduction d’une nouvelle loi sur les étrangers.

«Le résultat de la votation montre bien qu’il revient au gouvernement de prendre de vraies mesures, souligne le député vaudois de l’UDC André Bugnon. Et on espère que la prochaine loi sur l’asile qui va être discutée va aller dans ce sens.»

swissinfo