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Ban Ki-moon rempilera faute de combattants

Le huitième secrétaire général de l'ONU achève son premier mandat le 31 décembre prochain. Keystone

Début juin, le secrétaire général de l’ONU s’est dit partant pour un second mandat. L’Assemblée générale devrait le reconduire ce mois encore. Faute de concurrents, selon Alexandre Vautravers, professeur de relations internationales à la Webster University de Genève.

L’Organisation des Nations unies, à l’origine, avait pour vocation d’éviter une nouvelle guerre mondiale et a donc fondamentalement rempli sa mission, juge Alexandre Vautravers, qui est aussi rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.

«Le véritable défi sera de continuer à remplir cette tâche tout en remplissant les autres attentes, qui augmentent plus vite que les budgets, les outils et les instruments légaux».

swissinfo.ch: La réélection de Ban Ki-moon sera apparemment une simple formalité. A-t-il vraiment fait si juste?

Alexandre Vautravers: Il faut voir quelles sont les options. En réalité, on n’est pas du tout sûr de trouver en Asie une autre personnalité capable d’obtenir un consensus au Conseil de sécurité et de le remplacer au pied levé, alors que l’Organisation des Nations Unies vit un moment crucial.

Un moment crucial en particulier sur les dossiers qui trainent: le désarmement, la non-prolifération, les droits de l’homme, mais surtout la résolution des conflits, en particulier en Libye et la crise actuelle en Syrie.

Il existe tout une série de règles cadrant cette élection. Il doit notamment s’agir d’une personnalité d’un petit pays d’Asie, ce qui élimine les grands acteurs de la région. La réélection de Ban Ki-moon découle donc de la difficulté de trouver une personnalité capable de le remplacer au pied levé.

swissinfo.ch: Sur ces cinq ans, quelles sont les principales réussites du Coréen?

A.V.: La question est très controversée. S’il faut trouver un point positif, je dirais d’abord l’ouverture, la transparence, davantage que le dialogue, qui convenait mieux à son prédécesseur. Ban Ki-moon a lancé un cycle de conférences par UNITAR à Genève. C’est à noter car tous les secrétaires généraux ne se sont pas lancés comme lui dans une explication de leur mission et de leur vision. On peut évidemment discuter de la manière, mais il faut souligner l’effort.

Autre point positif de ce mandat, la communauté internationale, peut-être davantage que les Nations Unies, est sortie d’une période de léthargie et de paralysie. Très certainement par la conjonction de deux facteurs. D’abord, l’extrême faiblesse du secrétariat général, comme cela a été relevé à de nombreuses reprises. Ensuite, la communauté de vue de Ban Ki-moon avec les cinq membres permanents, et en particulier avec la présidence américaine.

Face à la crise en Libye et la situation dans plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient aujourd’hui, l’ONU n’est plus l’organisation où les débats ont véritablement lieu, où des menaces de veto sont courantes, où des tiraillements peuvent intervenir. L’influence croissantes des pays du BRIC (Brésil, Inde, Chine) et l’absence de réforme au Conseil de sécurité fait que toujours plus de décisions sont prises dans le cadre du G8 ou du G20 – qui n’ont cependant guère de mandat ou de légitimité internationale pour ce faire. Aujourd’hui, l’Organisation des Nations Unies accepte, entérine, voire légitimise l’action des puissances du monde. Une vision très différente de celle de Koffi Annan.

swissinfo.ch: L’ONU serait donc devenue une simple chambre d’enregistrement…

A.V.: L’ONU n’est pas le secrétariat général. Les organisations, les agences et les programmes ont leur propre vie et ont vu leur fonctionnement être nettement amélioré ces dernières années dans un souci d’efficacité et de cohérence. De l’autre côté, la place du secrétaire général a été réduite à sa plus simple expression.

swissinfo.ch: Cette évolution est-elle due à la personnalité de Ban Ki-moon?

A.V.: La personnalité joue un rôle. Le pays d’origine, également. On ne peut pas totalement ignorer le fait que l’élection de Ban Ki-moon a été grandement facilitée par les essais nucléaires qui avaient lieu en Corée du Nord à ce moment-là. Certaines questions de l’agenda et une communauté de vues avec les Etats-Unis ne donc sont guère surprenants.

swissinfo.ch: Quels sont les principaux revers subis par Ban Ki-moon?

A.V.: Lorsque, comme Koffi Annan, on s’engage sur plusieurs fronts et dans plusieurs crises complexes, les Objectifs du Millénaire notamment, on prend des risques. Ban Ki-moon n’a jamais promis monts et merveilles. On peut donc considérer qu’il a rempli le mandat qu’il s’était fixé.

Son objectif numéro un était le Darfour. On peut discuter du bienfondé des décisions, mais contrairement à la paralysie au Rwanda ou dans les Balkans quinze ans plus tôt, on ne peut pas reprocher à la communauté internationale et à l’ONU de ne pas avoir agi.

Sur la question de la non-prolifération nucléaire, le bilan est assez mitigé, même si un nouvel accord START a été signé. L’encouragement du Secrétaire général a été positif en ce sens. Il a négocié aussi la possibilité de renforcer les prérogatives de l’AIEA et la création d’une agence atomique au Kazakhstan. Par rapport à dix ou quinze ans d’immobilisme dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération, au moins le processus a été remis sur les rails.

swissinfo.ch: Selon certaines voix, avec Ban Ki-moon, l’ONU se dirigerait vers l’inutile. Vraiment?

A.V.: Rien de bien nouveau par rapport au «machin» du Général De Gaulle. L’ONU a les énormes atouts et les énormes inconvénients d’un mandat très important. Avec une quarantaine de membres, l’ONU des débuts était un club où on pouvait négocier entre gens du même monde.

Depuis les années soixante, l’ONU est à la fois un Conseil de sécurité resté aux mains de ce gentlemen’s club des puissances nucléaires et une Assemblée générale formée en majorité de pays en voie de développement. Ainsi que, autour, une famille d’organisations, très critiquées dans les années nonante par les ONG au nom des droits de l’Homme et du droit d’ingérence.

Aujourd’hui, on est revenu de beaucoup de ces critiques. La collaboration des Etats avec l’ONU, de la société civile et des ONG avec l’ONU sont peut-être meilleurs qu’ils ne l’on jamais été.

Détenteur d’un MBA de Harvard, ancien ministre des affaires étrangères et du commerce de son pays, fonctionnaire très impliqué dans les relations entre les deux Corées, Ban Ki-moon est né en 1944. Le Coréen est le huitième Secrétaire général de l’ONU, qui regroupe 192 Etats.

A l’exception de Trygve Lie, le premier de la liste, ainsi que Boutros Boutros-Ghali dans les années nonante, tous les secrétaires généraux ont effectué deux mandats de cinq ans à ce poste auquel la charte des Nations Unies ne donne que peu de pouvoir réel.

Le Conseil de sécurité décide sur les questions de paix et de sécurité internationale et les finances (budget aux environs de 10 milliards de dollars) dépendent des choix de l’Assemblée générale.

Le secrétaire général chapeaute les 30’000 fonctionnaires de l’ONU. Il commande aussi, sous l’autorité du Conseil de sécurité, les plus de 115’000 militaires et civils engagés dans les opérations de maintien de la paix.

Ban Ki-moon a fait du changement climatique une de ses priorités. Mais les blocages actuels ne sont pas un échec personnel, juge Alexandre Vautravers.

«Cette question dépasse l’échelle individuelle ou nationale. Et l’ONU n’a pas d’organisation véritablement capable d’être ne serait-ce que le forum de discussion de ces thématiques.»

«On a parlé au moment du départ à la retraite de Jacques Chirac de la création d’une organisation des nations unies pour l’environnement», poursuit l’universitaire suisse.

«En vérité, personne n’en veut, car cela impliquerait de réorganiser les responsabilités respectives des différentes organisations de l’ONU, et en particulier de l’Organisation mondiale de la météorologie, qui est sur le papier responsable de ces sujets. Mais personne n’a à la fois le courage, la force et le charisme d’imposer ces changements.»

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