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Berlusconi s’en va, l’incertitude demeure

Berlusconi (à gauche) tient la main d’Umberto Bossi lors d’un vote au parlement. Le leader de la Ligue du Nord a pourtant fini par lâcher le «cavaliere». Reuters

Le chef du gouvernement italien annonce sa démission et la presse suisse est soulagée. Elle insiste toutefois sur les inconnues politiques et économiques qui pèsent sur l’avenir du pays. Le départ du «cavaliere» ne serait ainsi que l’avant-dernier-acte du drame italien.

«Finito bunga-bunga», c’est évidemment le titre que le Blick ne pouvait pas rater. «Le temps n’est plus à l’argent vite gagné, aux femmes faciles, au bunga-bunga. Si il y a trois ans, plus de 50% des Italiens étaient encore derrière Berlusconi, malgré les scandales, aujourd’hui ils ne sont plus que 23%, sans scandales», rappelle le tabloïd alémanique.

«Dans le dernier acte du grounding de Berlusconi, il n’est plus question de sexe et de bunga-bunga, écrit de son côté la Berner Zeitung. Ici, on est dans la haine, le défi, la vengeance, et aussi la trahison. Dans chaque recoin se cache un Brutus. Le chef du gouvernement se sent entouré de traîtres, il est plus isolé que jamais».

Le dénouement était pourtant prévisible, rappelle la Neue Luzerner Zeitung: «le sentiment que l’heure avait sonné était de plus en plus répandu, y compris dans les propres rangs de Berlusconi. Il n’y a avait plus que lui pour s’accrocher des pieds et des mains à une fonction de laquelle il aura privatisé la politique et politisé le privé».

«Silvio Berlusconi s’en va avec le profil bas. Il est politiquement battu et n’emballe plus personne. Il laisse un pays fatigué, exsangue et polarisé», renchérissent le Bund et le Tages Anzeiger. Un pays, dont il a «systématiquement délégitimé et affaibli les institutions. Que ce soit le parlement, où il a envoyé des starlettes ou la justice, qu’il a combattu avec une véhémence rageuse».

Maintenant, l’Italie doit se relever, écrivent les deux quotidien bernois et zurichois. «Mais en a-t-elle encore les forces, après 17 ans de Berlusconi ?»

La pression des marchés

Pour La Liberté, comme plus généralement pour l’ensemble de la presse, c’est bien «la pression des marchés» qui a fait tomber Berlusconi.

«Celui qu’aucune souillure, aucun scandale, aucune trahison, aucun procès ne semblait pouvoir érafler a finalement dû plier. Réputé indéboulonnable de l’intérieur, c’est donc de l’extérieur qu’est venu le coup de grâce», écrit le quotidien fribourgeois.

«La crise de la dette souveraine et ses conséquences ont fini par se focaliser sur l’Italie, pays trop crucial pour laisser l’incertitude et l’incurie politique s’y prolonger plus longtemps. Le sommet du G20, la semaine dernière, avec un Berlusconi aussi lifté que pathétiquement isolé, a sonné l’hallali», ajoute La Liberté, qui voit ici un «épilogue peu glorieux pour ce milliardaire créateur d’un empire médiatique dont la voix roucoulante fit rêver l’Italie et même l’Europe dans les années 80 ou 90.

Mais le temps n’est plus à roucouler. Si le retrait du «cavaliere» «réjouit les bourses et fait remonter l’euro», avec une dette publique qui représente 120% du PIB, Berlusconi «laisse même ses meilleurs amis politiques dans la panade», note le Blick.

«Silvio Berlusconi était certainement devenu un boulet pour l’Italie et les marchés attendaient sa démission. Mais son départ ne résoudra en rien l’impasse politique dans laquelle se trouve la Péninsule, estiment aussi 24 heures et La Tribune de Genève. Et avec un service de la dette dont les intérêts ont atteint 6,7%, le temps presse. L’Italie n’a pas fini d’être le cauchemar de l’Europe et du monde».

Avant-dernier acte

Attention cependant, avertit La regione Ticino: avec Silvio Berlusconi, on a rarement le dernier mot. Même s’il déclare ce matin qu’il ne sera plus candidat à un nouveau poste de premier ministre, on pourrait le voir briguer un jour la présidence de la république. Car, rappelle le quotidien tessinois, «même si ce doit être le dernier acte, il voudra toujours y tenir le premier rôle».

Dans la même registre, la Basler Zeitung écrit que «Berlusconi ne serait pas Berlusconi s’il ne s’était ménagé une petite porte de sortie. Il démissionnera certes, mais seulement quand le parlement aura approuvé le paquet d’économies et les mesures de redressement qui l’accompagnent».

Ce qui fait craindre au quotidien bâlois que le premier ministre ne veuille se maintenir encore quelques temps au pouvoir, ne serait-ce que pour échapper à ses juges et assurer les privilèges dont jouit son empire médiatique. Mais malgré cela, il reste clair qu’après sa déclaration sans équivoque, «il ne peut plus se retirer de son retrait», conclut le journal.

Né le 29 septembre 1936 dans une famille de la petite bourgeoisie milanaise, Silvio Berlusconi a hérité de son père, employé de banque, un sens aigu des affaires. Intelligent et imaginatif, il est aussi doté d’un ego sans pareil, avouant un complexe de supériorité. Son orgueil a d’ailleurs pris un coup le 23 octobre lorsque Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont échangé en public des sourires moqueurs à ses dépens.

Jeune homme, Silvio Berlusconi travaille comme animateur de boîtes de nuit et sur des bateaux de croisière, chantant et racontant des histoires drôles. Vendeur d’aspirateurs à la fin des années 50, il obtient en 1961 une licence en droit, puis emprunte de l’argent à la banque de son père pour fonder les «Chantiers milanais réunis». Commence une irrésistible ascension à partir de l’immobilier qui déclenche des interrogations sur l’origine de sa fortune, à propos de laquelle il est toujours resté flou.

La holding familiale Fininvest comprend de nombreuses sociétés, dont trois chaînes de télévision, la maison d’édition Mondadori et le club de football Milan AC. Elle fait de Berlusconi un des hommes les plus riches d’Italie.

En 1994, il se lance dans la politique. En quelques semaines, il monte Forza Italia (Allez l’Italie!), parti formé essentiellement de cadres de la Fininvest. Allié aux néo-fascistes du Mouvement social italien et aux populistes de la Ligue du Nord, il remporte les élections d’avril 1994. Lâché par ses alliés, son gouvernement s’écroule après sept mois.

En 2001, il reconquiert le poste de chef du gouvernement qu’il occupera jusqu’en avril 2006, durée sans précédent dans l’après-guerre. Usé par ces cinq années de pouvoir, il est battu d’extrême justesse aux législatives par son éternel rival à gauche, Romano Prodi. Mais deux ans plus tard, il est de retour au sommet.

Habile à se poser en «victime», toujours aux prises avec la justice pour diverses affaires de corruption et fraude fiscale, Berlusconi a été condamné à plusieurs reprises en première instance mais jamais définitivement.

Très soucieux de son apparence, de petite taille et éternellement bronzé, il s’est fait poser des implants capillaires, retoucher les paupières et teindre les cheveux. Son goût assumé pour les jeunes et jolies femmes, dont des call-girls, lui a valu au printemps 2009 une fracassante demande de divorce de la part de sa seconde épouse, excédée par ses écarts. Mais aussi un procès pour prostitution de mineure et abus de pouvoir pour avoir fait libérer, en automne 2010, la jeune Marocaine Ruby, qui avait participé chez lui à des fêtes torrides, rebaptisées «bunga-bunga».

(source: afp)

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