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Bombes à sous-munitions: les banques nient tout lien

Les restes de munitions à fragmentation trouvés à Misrata, en Libye, en avril. Keystone

Les deux plus grandes banques suisses, Credit Suisse et UBS, rejettent les accusations selon lesquelles elles continueraient à investir dans des fabriques de bombes à sous-munitions. C’est l’accusation lancée par un nouveau rapport international.

Seize sociétés suisses se trouvent parmi les 166 instituts financiers épinglés par le rapport 2011 «Investissements internationaux dans les armes à sous-munitions: une responsabilité partagée?» publié mercredi dernier par des organisations formant une coalition contre les armes à sous-munitions pour le mouvement Pax Christi and Netwerk Vlaanderen. Le rapport analyse les investissements de banques, de fonds de gestions de fortune et de réassureurs.

Sur le plan mondial, les instituts financiers de 15 pays injectent, selon le rapport, plus de 39 milliards de dollars (34,2 milliards de francs suisses) dans huit entreprises de fabrication de bombes ou de composants d’armes à sous-munitions. La plupart de ces instituts se trouvent dans cinq pays qui n’ont ni signé, ni ratifié le traité international interdisant ce type d’armes, entré en vigueur en 2010: il s’agit de la Chine, de la Russie, de Singapour, de la Corée du Sud et des Etats-Unis, plus Taïwan.

Mais 38 instituts ont leur siège dans des pays ayant signé le traité qui interdit l’usage, la production, le stockage et le transfert d’armes à sous-munitions. Parmi eux, UBS et Credit Suisse sont les plus éminents représentants suisses.

Les deux banques rejettent ces accusations. Selon elles, le processus de désengagement est en cours. Il est difficile de distinguer entre les investissements dans de grands conglomérats impliqués dans la plupart des guerres civiles et, dans une moindre mesure, ceux qui participent à des activités militaires, ajoutent les banques.

«Credit Suisse a mis en place une directive contraignante en 2010 et ce texte stipule que nous n’investissons dans aucun projet relié à des entreprises produisant des armes à sous-munitions et que nous que nous n’acquérons aucune part de ces compagnies», explique le porte-parole de la banque Alex Biscaro, interrogé par swissinfo.ch. La banque applique donc déjà le traité international, ajoute-t-il.

Requêtes des clients

Présenté par Handicap International, le rapport indique que Credit Suisse a investi au total 22 millions de dollars en 2009 en actions et en obligations dans l’entreprise américaine Textron. Selon la banque, cet investissement est antérieur à la nouvelle directive.  

Autres investissements mentionnés par le rapport: 800’000 dollars dans Singapore Technologies Engineering et 7,8 millions de dollars en actions dans Hanwha Corporation, une entreprise de Corée du Sud. Ces deux investissements datent, selon le rapport, de janvier 2011.

«Il s’agit de garanties que nous conservons dans ces entreprises si le client nous le demande expressément», précise Alex Biscaro. Du côté d’UBS, on renvoie également à une nouvelle politique, entrée en vigueur en avril 2010 et destinée à interdire les investissements dans des entreprises liées aux mines anti-personnel et aux armes à sous-munitions.

UBS dispose également d’une procédure de «due diligence», soit de contrôle poussé d’un objet à acquérir, et d’un processus d’approbation particulier dans les cas d’investissements supposés non éthiques. Malgré cela, le rapport place UBS dans la catégorie «Hall of Shame».

Investissements en 2010

Selon les auteurs du rapport, UBS a investi 22,3 millions de dollars dans Textron en 2009 et 62,5 millions de dollars dans Lockheed Martin. La banque est aussi pointée du doigt pour avoir acquis des actions d’une valeur totale de 26,8 millions de dollars dans Poongsan Corporation (avril 2010) et 123,6 millions dans Textron en décembre 2010.

«Nous ne finançons pas la fabrication de bombes à sous-munitions», insiste Christian Leitz, chef de la section Responsabilité d’entreprise. «Il faut placer ce rapport dans son juste contexte, ajoute-t-il: 166 instituts financiers, dont l’UBS, sont inscrits dans le Hall of Shame».

Quelques progrès

Selon Handicap International, quelques progrès ont été accomplis en une année. Le nombre d’instituts financiers dénoncés a diminué, mais «les réponses des banques suisses n’ont pas été adéquates», critique le porte-parole Paul Vermeulen.

«Credit Suisse a fait part de sa volonté d’agir mais ne peut toujours pas garantir sa politique de désinvestissement dans toutes ses branches. Quant à UBS, sa politique est toujours insuffisante: les éclaircissements nécessaires font toujours défaut», explique Paul Vermeulen.

Certains pays mènent des campagnes d’informations, et les progrès en provenance de ces Etats sont nets, ajoute le porte-parole d’Handicap International. Mais, poursuit-il, dans le même temps, de nouvelles banques apparaissent «de nulle part», comme la Banque cantonale zurichoise.

La Suisse a signé le Traité d’interdiction des armes à sous-munitions en décembre 2008, en même temps que 107 autres pays, mais elle ne l’a pas encore ratifié. Le texte interdit expressément l’investissement dans la fabrication de ces armes.

En attente de la ratification

«L’argent est le nerf de la guerre, a déclaré la conseillère aux Etats Liliane Maury Pasquier mercredi lors d’une conférence de presse à Genève. Le financement de ces armes devrait être interdit.» Le gouvernement devrait présenter son message sur la ratification du Traité par le parlement d’ici la fin de l’année.

Selon le nouveau rapport sur les investissements dans les armes à sous-munitions, 14 autres instituts suisses ont, outre Credit Suisse et UBS, des actions et des obligations dans 8 sociétés de fabrication de bombes, mais leurs investissement sont plus faibles.

Leurs noms: Bâloise Group, Banque cantonale vaudoise, Clariden Leu, Corner Bank, Gonet & Cie, Lombard Odier Darier Hentsch, Pharus Management, Pictet & Cie, Swiss & Global Asset Management, Swiss Life, Swisscanto, Zürcher Kantonalbank, Finter Bank Zurich et Swiss Re.

Une bombe à sous-munitions disperse ou lâche des sous-munitions explosives: des explosifs de petite taille, non guidés, ou des petites bombes qui explosent avant ou après l’impact.

Le nombre de sous-munitions contenues dans une seule arme varie de quelques douzaines à plus de 600.

Près de 35 pays sont connus pour avoir fabriqué plus de 210 types de bombes à sous-munitions.

Au moins 87 pays détiennent actuellement ce type d’armes contenant des milliards de sous-munitions.

De ces 87 pays ayant ou ayant eu des réserves de bombes à sous-munitions, 16 en ont utilisé durant un conflit armé.

Par le passé, le fabricant d’armes suisses Ruag a assemblé des bombes à sous-munitions avec des composants fabriqués dans un pays tiers ou importés d’Israël. Ruag a cessé la production de ce type d’armes en 2003.

On estime à quelque 200’000 munitions le stock en Suisse. Après avoir ratifié le traité sur les armes à sous-munitions, la Suisse aura huit ans pour détruire ses stocks.

Traduction de l’anglais: Ariane Gigon

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