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C’est quoi, un «stalker»? Redemandez plus tard…

Persécution et harcèlement de quelqu'un de façon répétée et sur une longue période, le "stalking" est en augmentation.

En relation avec la plainte classée contre le chef de l'armée suisse Roland Nef liée à ses agissements à l'égard de son ex-compagne, les médias alémaniques ont parlé de «stalking». Mais qu'est-ce donc que le «stalking»? Le moment est très mal choisi pour poser la question. Explications.

Des «stalkers», il arrive à la police municipale zurichoise d’en arrêter. La section des délits violents de cette même police a aussi publié une brochure explicative sur son site internet.

Pourtant, en cette mi-juillet, la police ne peut rien dire. «Trop délicat, dans le contexte actuel, répond le porte-parole René Ruf. Vous n’êtes pas la seule à demander. Mais pour le moment, nous ne donnons aucun renseignement. Revenez plus tard.»

Si les bouches ne se délient pas, de peur de créer des amalgames, on trouve quantité d’explications dans les livres, les brochures, et bien sûr sur internet. Les médias alémaniques y ont souvent consacré des articles.

Si le «stalking», ou «persécution obsessionnelle», est depuis quelques années un thème de débat outre-Sarine, c’est qu’on y est très attentif à ce que les voisins germanophones font ou ne font pas. Or l’Allemagne et l’Autriche se sont dotées l’an dernier d’une loi en la matière.

Du jargon des chasseurs

Sans équivalent parfait en allemand ou en français, le «stalking» est, en anglais, l’approche furtive du gibier par les chasseurs. Il a pris une autre signification aux Etats-Unis à la fin des années 80 lorsqu’une star de la télévision, Rebecca Schaeffer, a été assassinée par un fan.

Après d’autres meurtres, tous les Etats américains se sont dotés d’une loi «anti-stalking» en 1993. En Europe, les pays scandinaves ont également complété leur arsenal pénal pour sanctionner les harceleurs.

Le Bureau fédéral de l’égalité entre hommes et femmes a aussi publié une feuille d’information. Le «stalker» (les auteurs de harcèlement sont des hommes dans plus de 80% des cas et très souvent des ex-partenaires) harcèle et persécute une personne «à dessein et de façon réitérée.

L’auteur du harcèlement en vient souvent à menacer l’intégrité physique ou psychique de sa cible. Le passage à l’acte n’est pas rare.

Les chiens mordent aussi

Dans un article paru dans le journal de la Fédération suisse des psychologues (FSP) en 2000, Henriette Haas et Yolande Schori, psycho-criminologue et criminologue, avaient cherché la corrélation entre menaces et passages à l’acte. Se basant sur l’enquête des recrues 1997, elles rappelaient que 40% des jeunes ayant admis avoir proféré des violences verbales étaient ensuite passés à des altercations violentes ou à des menaces avec armes à feu.

Sur ces 40%, 6% avaient blessé quelqu’un. «Les chiens qui aboient ne mordent pas»? Le proverbe allemand n’est pas toujours vrai, écrivaient les deux chercheuses.

En apparence, le «stalker» peut apparaître comme «gentil»: l’envoi de fleurs est une des manifestations de sa présence. Sauf qu’il le fait de manière excessive, réitérée, et, surtout, non souhaitée.

SMS et mails intempestifs, messages téléphoniques, espionnage, vol du courrier, intrusions non autorisées au domicile sont les manifestations de ce harcèlement qui, souvent, débouchent sur des violences physiques.

Si le harcèlement se manifeste par des actes graves (menace, contrainte, violation de domicile, par exemple), l’enquête pénale est possible, voire ouverte d’office. Mais les manifestations les plus banales ne tombent pas toujours sous le coup de la loi.

Comment porter plainte si l’on reçoit quinze bouquets en une semaine? «Les tribunaux n’ont pas la tâche facile, explique un avocat à Zurich, car le délit pénal de stalking n’existe pas. Mais les cas se multiplient», selon lui.

Modification du Code civil

Le code civil suisse comporte, depuis le 1er juillet 2007, un complément (art.28b) permettant à un juge d’édicter un périmètre d’exclusion à un auteur de «violence, menaces ou harcèlement», ou de lui interdire de prendre contact avec sa victime. Mais c’est cette dernière qui doit demander protection au juge.

C’est aussi à la victime de prouver la menace. De plus, la protection accordée par ordonnance du juge n’est que provisoire, même si elle peut être prolongée. D’où la lacune légale que dénoncent encore et toujours certains spécialistes.

C’est aussi pour combler cette lacune que l’ancien député Bernhard Hess, lui même victime de harcèlement «soutenu», écrivait-il, avait déposé une motion demandant une loi anti-stalking. Le gouvernement s’était rangé derrière les nouvelles possibilités du droit civil pour recommander de rejeter la demande.

Bernhard Hess n’ayant pas été réélu en octobre, l’intervention est classée. Comme au moins la moitié des procédures pour violence domestique…

swissinfo, Ariane Gigon

Signifiant «s’approcher furtivement», le «stalking» désigne aujourd’hui le fait de persécuter et de harceler quelqu’un de façon répétée et sur une longue période.

Souvent, les victimes en viennent à ne plus oser sortir ou à en tout cas modifier leurs habitudes de vie, voire à changer de travail.

Plus de 80% des «stalkers» sont des hommes, souvent ex-partenaires de leur victime (50% des cas).

Quelque 40% des victimes subissent des agressions physiques de la part de leur harceleur, selon une enquête allemande (Darmstadt).

Le harcèlement se compose d’actes isolés ou d’une combinaison d’actes commis le plus souvent sur une période prolongée, qui dépasse en moyenne deux ans.

Les Etats-Unis, les pays scandinaves, l’Allemagne et l’Autriche notamment se sont dotés de lois anti-stalking.

En Suisse, le Code civil permet depuis le 1er juillet 2007 de demander au juge de prendre des mesures de protection. Le juge peut décider d’interdire au harceleur d’approcher sa victime.

Ces mesures sont néanmoins provisoires.

Le stalking n’est pas reconnu sur le plan pénal. La contrainte, la violation de domicile ou les lésions corporelles, parfois commises dans le cadre d’un harcèlement, le sont.

Rejetant une proposition de loi anti-stalking en 2007, le gouvernement a déclaré vouloir attendre les premiers bilans de la modification du Code civil pour voir s’il y avait lieu de prendre de nouvelles mesures.

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