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Ces Clac censés amener les gens au livre

Imperturbables, des dizaines de jeunes s'adonnnent à la lecture au Clac d'Atakpamé. swissinfo.ch

Rendre le livre le plus accessible possible au plus grand nombre de citoyens possible: c’est l’objectif des Clac. Ces Centres de lecture et d’animation culturelle sont une des fiertés de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Reportage au Togo.

A gauche, le tranquille bureau du maire d’Atakpamé, ville de 80’000 habitants, à 160 km au nord de Lomé, la capitale. En gagnant la partie droite du bâtiment, on est frappé par la foule. La cour grouille de jeunes et de quelques vieux. Le défi: pénétrer dans le local…

La pièce est plutôt grande et pourtant surpeuplée. Au mur, des affiches de prévention contre le sida, des rayonnages de livres consolidés: sciences humaines, littérature francophone mais aussi locale, ouvrages de référence, etc.

Le visiteur nage dans la moiteur et le brouhaha. Il faut se faufiler entre les corps et les tables dispersées, comme chacun a appris à le faire ici. Imperturbables, des dizaines de jeunes sont penchés sur un dictionnaire, une BD ou un jeu de scrabble.

«Je viens une ou deux fois par semaine lire des romans, chercher dans le dictionnaire les mots difficiles ou jamais rencontrés et lire la presse», indique Nouame, 20 ans.

Dans les mains de la jeune lycéenne, «Un Français en Apartheid», d’Albertini, et «Christophe Colomb», de Germain, deux livres qu’elle va emprunter gratuitement en lien avec des sujets traités en classe.

«Tout le monde vient ici, poursuit-elle. Les familles, les enfants. Cet endroit est nécessaire!» Plus loin, Barnabé, 17 ans, embarque «Parole de non-violence». Un ouvrage comme un projet. «La paix est le seul combat qui vaille, je l’ai pris pour creuser le thème», précise cet habitué du lieu, là trois fois par semaine.

Les chiffres confirment

«Nous avions 1482 abonnés jusqu’ici, six cents nouveaux s’y sont ajoutés au moment de la rentrée, constate l’animateur local principal. L’effectif est de plus en plus pléthorique.» On songe d’ailleurs ici à un deuxième site, mais les fonds manquent.

Ce point de ralliement de jeunes majoritairement en âge scolaire et qui n’ont souvent pas d’autre endroit où passer du temps en dehors de la famille fait l’effet d’une gifle au visiteur. Il répond à l’acronyme de Clac. Clac, pour Centre de lecture et d’animation culturelle. On en trouve dix dans les régions isolées du Togo. Un onzième, dit de deuxième génération, dopé au multimédia, est en préparation.

Descendants du premier lancé par l’OIF au Bénin en 1986, plus de 130 Clac ponctuent déjà la carte de l’Afrique. Ils sont 250 dans le monde, à cheval entre la bibliothèque et la salle polyvalente, qui permettent aux populations d’accéder au livre dans des pays où il reste un luxe, mais aussi de voir des films, des expositions et de se rencontrer, tous les jours sauf le dimanche.

Un programme phare

«Les Clac sont un programme phare de la Francophonie, explique Tharcisse Urayeneza, directeur du Bureau régional d’Afrique de l’Ouest (BRAO). Hormis la lecture publique et l’accès à l’information des populations rurales et des banlieues, ils constituent aussi un facteur de cohésion sociale et de citoyenneté.»

Responsable de programme, Issa Bongo estime qu’un «Clac vaut ce que vaut son animateur» local formé par l’OIF. Celui-ci invitera par exemple le médecin du village à parler de la malaria ou du sida, ou un conteur à venir évoquer les traditions du lieu.

La grande force des Clac est d’éviter l’écueil de la solution toute faite parachutée depuis Paris. La demande doit venir directement des Etats ou des populations locales, qui s’approprient l’outil, explique Issa Bongo. Au Clac d’Atakpamé par exemple, ouvert depuis plus de six ans, les cinq animateurs sont payés par la commune.

Lorsqu’elle intervient, l’OIF fourni les livres neufs en fonction de la demande locale et des conseils des professionnels du livre. Elle agit en lien avec l’Etat et sa politique de lecture publique. La dotation de départ pour installer un réseau de dix Clac se chiffre à 450’000 euros. L’OIF assure ensuite un suivi régulier, une partie des frais de fonctionnement et le renouvellement des ouvrages.

Sur liste d’attente

«Au Togo, la demande pour de nouveaux Clac est très forte, assure Issa Bongo. Nous avons une liste d’attente.» Or, outre les moyens insuffisants pour répondre à cet engouement, le simple fait de trouver un lieu adapté pose problème.

«C’est même le principal problème, constate Manu Kouevi, responsable des Clac au niveau de l’état togolais. Les ressources disponibles sont faibles et les Clac construits ad hoc restent rares.»

Le succès des Clac n’en reste pas moins une réalité un peu partout en Afrique. «J’en ai visité au Niger, au Sénégal, c’est à chaque fois le même enthousiasme, les mêmes salles pleines d’enfants parfois en plein désert, confie Christian Rioux, correspondant du quotidien québécois Le Devoir. Auprès des journalistes en tout cas, ça marche toujours!»

Du 22 au 24 octobre 2010 (année du 40ème anniversaire de l’OIF), la Suisse accueille à Montreux le 13e Sommet de la Francophonie.

Election. A cette occasion, les chefs d’Etat et de gouvernement adopteront une déclaration sur les thématiques abordées et éliront les Secrétaire-général de l’OIF (Abdou Diouf est parvenu au terme de son 2e mandat; il s’est déclaré disponible pour un nouveau mandat).

L’OIF mesure les résultats des réseaux Clac à travers des statistiques quotidiennes et une série d’indicateurs.

Globalement, elle observe un taux d’abonnement à la bibliothèque proche de 40% des populations scolaires des localités concernées.

Un abonné emprunte en moyenne un livre par mois et ce livre est lu en moyenne par trois personnes.

Les Clac attirent dans le monde près de trois millions d’utilisateurs par an.

En Afrique de l’Ouest, des réseaux de Clac existent au Bénin, en Côte d’Ivoire, en Guinée, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, au Togo et bientôt au Mali.

2500 livres pour le prêt, «blindé» au Canada pour bénéficier d’une durée de vie 50 fois supérieure à la normale

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