Aujourd’hui en Suisse
Helvètes du monde, bonjour,
Il s’en est fallu de peu pour que les Suisses disent quatre fois non aux objets présentés dimanche en votations fédérales – et, par la même occasion, quatre fois non à des projets émanant du Conseil fédéral et au Parlement.
Ainsi, seul le financement uniforme des soins de santé recueille l’assentiment du peuple. Étonnamment, le plus grand suspense est venu de la proposition de durcir le droit du bail en matière de sous-locations, finalement rejetée de peu. Le refus d’élargir les autoroutes, quant à lui, surprend, dans une Suisse habituellement favorable à la voiture.
Bon dimanche soir,
À 52,7%, le peuple suisse refuse d’élargir une partie des autoroutes suisses. Bien que les sondages prédisaient un résultat serré, cette issue surprend dans les deux camps.
Le Conseil fédéral et le Parlement souhaitaient élargir plusieurs tronçons autoroutiers afin de désengorger le réseau. D’abord plutôt favorables au projet, les Suisses ont fait marche arrière au fur et à mesure que la campagne avançait.
Le sénateur tessinois du Centre Fabio Regazzi, coprésident du comité en faveur de l’extension des autoroutes, s’est dit surpris par la tournure du vote. Il estime qu’une telle votation aurait été facilement gagnée il y a quelques années, évoquant un «changement» dans la société et un problème de mobilisation.
Les milieux économiques, les organisations représentant les intérêts automobiles et les partis de droite – UDC et PLR – soutenaient le projet d’extension, tandis qu’une large alliance menée par l’Association transports et environnement (ATE) et l’organisation écologiste actif-trafiC a porté le référendum «Stop à la folie autoroutière» victorieux dimanche.
Le député vert vaudois David Raedler, représentant du comité référendaire, s’est dit «positivement surpris», précisant voir dans le non de dimanche un «choix mature» de la population, à laquelle «on ne peut pas promettre n’importe quoi».
Les principaux arguments des adversaires de l’élargissement: coût «exorbitant» du chantier devisé à 5,3 milliards de francs, et risque qu’une capacité autoroutière accrue ait un effet contre-productif à terme, en contribuant à augmenter encore le trafic, ont semble-t-il fait mouche, notamment auprès des femmes, des plus jeunes, des personnes affiliées aux partis de gauche et écologistes, ainsi que de celles bénéficiant de niveaux de formation supérieurs.
- Notre article sur le non à l’élargissement des autoroutes
- Tous les résultats en un coup d’œil
Le seul oui de ce dimanche de votations fédérales concerne le financement uniforme des prestations de santé. Cela n’est pas une grande surprise, car la modification de la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal) faisait déjà la course en tête lors du dernier sondage.
Les Suisses ont avalisé à plus 53% l’une des plus importantes réformes de la LAMal, depuis son adoption en 1994. Les prestations médicales ambulatoires, stationnaires et de longue durée seront à l’avenir financées selon la même clé de répartition, soit un environ un quart pour les cantons et le reste pour l’assurance maladie.
Les partisanes et les partisans du projet saluent une clarification du financement des soins au sein de la Confédération. «Il s’agit d’une première pierre importante. Il faudra ensuite trouver des solutions pour mieux utiliser l’argent qu’on dépense pour la santé», a réagi le sénateur du Parti libéral radical (PLR / droite) Pascal Broulis, interrogé par la Radio Télévision Suisse (RTS). Le projet était soutenu par les partis de droite et du centre, ainsi que par la plupart des acteurs de la santé.
Aujourd’hui, les soins ambulatoires sont entièrement financés par les assurances, tandis que les frais des traitements stationnaires (avec un séjour à l’hôpital) sont partagés entre les cantons (55%) et les caisses maladie (45%). Élaboré par le gouvernement et le Parlement, le financement uniforme des soins (EFAS) prévoit que tous les traitements seront financés de la même manière, avec 26,9% de la facture pour les cantons et 73,1% pour les assureurs.
Le Syndicat des services publics (SSP), appuyé par l’Union syndicale suisse (USS) et les partis de gauche, a argué, en vain, que le nouveau système octroierait trop de pouvoir aux caisses maladie, les cantons abandonnant leurs responsabilités aux mains des assureurs. Pour la députée verte Delphine Klopfenstein Broggini, le projet «ne pas de résoudre le problème des primes, qui augmentent chaque année et mettent les ménages dans des situations toujours plus difficiles».
- Notre article sur les résultats de la votation EFAS
- Tous les résultats en un coup d’œil
Les Helvètes votaient également sur deux propositions de modification du droit du bail. Peuple de locataires, les Suisses ont refusé à respectivement 51,6% et 53,8% d’octroyer plus de pouvoir aux propriétaires.
Tout comme pour l’élargissement des autoroutes, le soutien aux projets de modification du droit du bail s’est érodé durant la campagne. Pourtant, les deux propositions semblaient relativement raisonnables. Mais dans un pays de locataires (environ 60% de la population), ce coup de pouce aux propriétaires est tombé à l’eau.
La première modification proposée visait à empêcher les sous-locations abusives, notamment en octroyant davantage de latitude aux propriétaires pour les refuser. C’est celle qui a été la plus disputée, recueillant près de 52% de non.
La seconde proposition prévoyait qu’un ou une propriétaire puisse plus facilement résilier le bail de location, s’il ou elle voulait récupérer le logement pour son usage propre. Les Suisses ont assez nettement rejeté ce projet, à presque 54%.
Pour les partis de droite et les milieux immobiliers, favorables à l’adaptation de la loi, les modifications très ciblées et ne faisaient que clarifier des notions déjà existantes dans le droit actuel. Du côté opposé, à savoir les milieux de défense des locataires et partis de gauche, ces modifications péjoraient la situation des locataires en démantelant des mécanismes de protection, en particulier contre les congés abusifs.
- Notre résumé des résultats concernant le droit du bail
- Tous les résultats en un coup d’œil
Plusieurs votations et élections cantonales à suspense ont eu lieu dimanche, notamment à Bâle, qui votait sur la tenue du Concours Eurovision de la chanson (ESC) en 2025. À Zurich, les autorités de la ville pourront continuer d’utiliser l’écriture inclusive dans leurs communications officielles.
Bâle votait sur le crédit octroyé pour l’organisation de l’ESC, après un référendum de l’Union fédérale démocratique (UDF / droite traditionnaliste). Selon Philippe Karoubi, membre du comité directeur de l’UDF, il s’agissait d’une dépense publique «totalement démesurée» pour un concours «vecteur de provocations ou d’idéologies, qui sont clairement contraires aux valeurs judéo-chrétiennes occidentales et de la Suisse en particulier». L’électorat du canton n’était visiblement pas de cet avis, puisqu’il a largement soutenu le projet du gouvernement (66,6%). L’ESC aura donc bel et bien lieu à Bâle.
Depuis 2022, la ville de Zurich fait usage du langage inclusif dans ses communications officielles, matérialisé par un astérisque entre le masculin et le féminin dans le but d’inclure tous les genres (ex.: Student*in). Une alliance interpartis a lancé un référendum demandant d’arrêter cette pratique. Les habitantes et habitants de Zurich ont refusé à plus de 57% de l’abolir.
À Bienne, il était clair depuis le mois de septembre qu’une femme serait élue au poste de maire – une première – puisque deux candidates étaient en lice. La socialiste Glenda Gonzalez Bassi a remporté l’élection à 200 voix près face à la libérale-radicale Natasha Pittet.
À l’heure où j’écris ces lignes, le résultat de la course à la mairie de Berne, entre l’actuel président de la ville, le vert’libéral Alec von Graffenried, et son adversaire partant favorite, la socialiste Marieke Kruit, n’est pas encore connu. Un second tour sera probablement nécessaire. Si Marieke Kruit l’emporte, ce serait un doublé historique: d’une part, elle serait la première femme élue à ce poste; d’autre part, pour la première fois dans l’histoire de la capitale fédérale, le maire en activité pourrait être destitué.
- La votation de BâleLien externe en détail, par la SRF
- Les résultats de la votation en ville de ZurichLien externe par la SRF
- Les élections à BienneLien externe et à BerneLien externe décortiquées par la SRF
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