La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935

Les universités suisses bénéficient de 56 millions de dollars américains: un atout menacé?

Bâtiment
L'Université de Berne. Keystone / Christian Beutler

Une dizaine d’universités et de hautes écoles suisses, parmi lesquelles l’EPFL, l’EPFZ ou les universités de Berne et de Genève, bénéficient de subventions du gouvernement américain. Le point en chiffres sur les liens académiques qui relient la Suisse aux États-Unis.

C’est une aide importante, une preuve que la recherche suisse a atteint un niveau d’excellence: 56,4 millions de dollars tout droit venus des États-Unis irriguent aujourd’hui le système universitaire helvétique, selon la base de données officielleLien externe qui traque les dépenses du gouvernement américain.

Contenu externe

Ces fonds publics venus d’outre-Atlantique permettent de financer des projets de recherche pointus au sein d’une dizaine d’universités suisses, comme l’Université de Berne, les écoles polytechniques fédérales de Lausanne et Zurich, ou encore l’Université de Genève. Mais les récentes décisions de Donald Trump pourraient transformer ce coup de pouce de l’Oncle Sam en coup de pression.

Contenu externe

Ces subventions sont délivrées dans la majorité des cas par le Département américain de la défense ou le National Institutes of Health (NIH), qui regroupe 27 instituts et centres. Au total, ces dix dernières années, ce sont près de 136,7 millions de dollars de subventions qui ont été ainsi distribués à une quinzaine d’établissements suisses.

Des montants certes élevés, mais qui s’apparentent à une goutte d’eau en regard des subventions allouées par le Fonds National Suisse. À titre de comparaison, ce dernier a distribué un total de 6,38 milliards de francs aux universités cantonales et 2,77 milliards au domaine des EPF entre 2014 et 2024. Mais le système de subventions helvétique étant mis sous pression ces dernières années, les aides américaines permettent aux établissements de diversifier leurs sources de financements.

Contenu externe

En tête de liste des bénéficiaires de ces subsides américains apparaît l’Université de Berne. Selon la base de données gouvernementale, elle participe actuellement à 15 projets dits «US Federal», notamment dans les domaines de la biomédecine et de la recherche spatiale, et a pu bénéficier de 16.3 millions de dollars. En l’espace de dix ans, le budget global des projets financés s’élevait à 43,2 millions de dollars de subventions directes et indirectes. L’université précise toutefois que la majeure partie de ce montant a été transférée à des partenaires de projet.

«La part des subventions américaines dans notre financement est restée inférieure à 1%. La dépendance de l’université aux États-Unis est donc faible», précise Brigit Bucher, chargée de communication à l’Université de Berne. «Mais des changements dans la politique de recherche américaine — notamment des réductions budgétaires ou des modifications des conditions de financement — pourraient avoir des conséquences sur les projets en cours ou à venir.»

Contenu externe

L’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) entretient également des liens étroits avec le pays de l’Oncle Sam. L’établissement romand est impliqué dans une trentaine de projets actuellement sous perfusion américaine, pour un budget global de près de 15 millions de dollars. Au total, 30,4 millions de dollars de subventions publiques venant des États-Unis ont été distribués au cours de ces dix dernières années, en grande partie issus du Département de la défense.

Danger sur la coopération scientifique

L’inquiétude existe aussi du côté de l’EPFZ, puisque l’institution alémanique collabore à une petite quinzaine de projets, pour un budget global de 7,8 millions de dollars selon la base de données américaine. «Au cours des dix dernières années, environ 2,5 millions de francs suisses de subventions ont été versés en moyenne chaque année à des chercheurs de l’EPFZ par les États-Unis», précise Markus Gross, porte-parole de l’établissement. «Ces contributions sont relativement faibles par rapport aux fonds provenant de la Suisse et de l’Union européenne.»

Contenu externe

À l’Université de Genève, une veille été mise en place afin d’identifier l’impact potentiel des mesures américaines. Au cours de ces dix dernières années, l’université a perçu près de 7,4 millions de dollars de subventions directes et indirectes. Elle bénéficie actuellement de 1,5 million de dollars de financement provenant du National Institutes of Health (NIH). «La suppression de ces subventions mettrait en danger la possibilité de financer des ressources comme des bourses de doctorat ou de master», explique Audrey Leuba, rectrice de l’Alma Mater.

Déjà les premières conséquences

Mais au-delà de l’aspect purement comptable, c’est bien l’avenir des échanges scientifiques entre la Suisse et les États-Unis qui pourrait être compromis. «Le dommage principal de l’évolution politique actuelle aux États-Unis ne réside pas en premier lieu dans la dimension financière, mais dans la limitation possible de la collaboration scientifique au plus haut niveau», déclare Markus Gross.

Et les premières conséquences concrètes commencent déjà à se faire sentir: «Certaines de nos collaboratrices et collaborateurs rencontrent des restrictions ou des difficultés d’accès aux ressources scientifiques et bases de données américaines», précise Audrey Leuba. «Les échanges au sein d’équipes internationales doivent parfois contourner les circuits institutionnels en faveur de messageries privées. Des incertitudes persistent quant à d’éventuelles restrictions de la mobilité académique, tandis que la participation de collègues américains à des colloques internationaux est remise en question.»

Forte de sa collaboration historique avec les États-Unis, l’Université de Zurich s’inquiète également pour la suite: «Au vu de la situation actuelle, un investissement fort et durable dans la recherche et l’innovation de la part de la Confédération — tant au niveau national qu’en faveur de la coopération de recherche avec l’Europe — est décisif», assure le service de presse de l’université.

>> L’interview d’Estelle Revaz dans Forum:

Contenu externe

Première manifestation d’un front uni contre la volonté de Donald Trump de les mettre au pas, des dizaines d’universités américaines, dont les prestigieuses Yale, Princeton et Harvard, ont dénoncé mardi «l’interférence politique» de l’administration américaine.

«Nous parlons d’une seule voix contre l’ingérence gouvernementale sans précédent» menaçant «l’enseignement supérieur américain», s’alarment la centaine de présidents d’université et de responsables d’associations signataires d’une déclaration commune, publiée en plein bras de fer entre l’administration Trump et Harvard.

>> Lire à ce sujet : L’administration Trump gèle 2,2 milliards de subventions à HarvardLien externe

«Nous sommes ouverts à des réformes constructives et ne sommes pas opposés à une supervision légitime du gouvernement», précisent les auteurs de ce texte, tout en s’opposant à l’«introduction injustifiée du gouvernement» sur les campus et à toute «utilisation coercitive du financement public de la recherche».

L’administration américaine s’attaque depuis plusieurs semaines aux universités prestigieuses du pays, qu’elle accuse d’avoir laissé prospérer l’«antisémitisme» pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza, ce qu’elles réfutent.

Keystone-ATS

Contenu externe

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision