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Dans Hanita, un kibboutz sous les roquettes du Hezbollah

Israéliens réfugiés dans un abri lors d'une attaque à la roquette au nord d'Israël. Keystone

Situé à la frontière libanaise, le kibboutz Hanita, qui compte une minorité d'origine suisse, voit passer les roquettes du Hezbollah et tonner les canons israéliens.

L’inquiétude est permanente pour les habitants. La consommation de somnifères y est importante. Espoirs et craintes de résidents, venus de Fribourg ou Zurich. Reportage.

La sirène se fait entendre, mais comme étouffée, lointaine, dans un paysage de montagne, de conifères. Le kibboutz, situé à 100 mètres de la frontière israélo-libanaise, est perché sur une colline et au loin miroitent les eaux de la Méditerranée. Un paysage presque helvétique.

Rivka Wakrat; originaire de Fribourg, sort nerveusement son téléphone portable de sa poche. Il y a bien un message: «Tous aux abris! » C’est par messagerie que les membres du kibboutz sont avertis des tirs de roquettes en direction du kibboutz.

Elle se dirige alors – son mari Moshé la suit – mais sans se presser vers la chambre dit de «sûreté » (une chambre de leur maisonnette, bétonnée et aux volets d’acier). Cela fait 40 ans que Rivka vit au kibboutz Hanita, toute une vie.

Experte en détonations

Elle sait désormais reconnaître les tirs de roquettes, de mortier. Elle sait différencier à l’ouïe l’explosion d’un obus à la déflagration d’une roquette. En presque un mois, cette frêle psychologue de profession est devenue experte en détonations.

L’armée israélienne a mis en place des pièces d’artillerie au bas du kibboutz, qui pilonnent sans arrêt les positions du Hezbollah du côté libanais de la frontière, et les roquettes du Hezbollah passent en rafale au-dessus du kibboutz pour aller s’écraser sur Nahariya, Saint-Jean d’Acre.

«Je n’avais pas conscience que durant toutes ces années le Hezbollah s’armait jusqu’aux dents», dit Rivka.

«Quand les miliciens du Hezbollah sont allés faire une incursion en territoire israélien pour tuer 4 soldats et en enlever 2 autres, nous ne pouvions plus passer l’éponge! Mais maintenant il y a escalade dans l’horreur», dit-elle encore.

Des calmants ou des somnifères

«Pour sortir de ce cercle vicieux il faut qu’une troisième partie, qui jouit de la confiance des belligérants, puisse favoriser le dialogue et aider à instaurer le cessez-le-feu», poursuit-elle.

En faisant remarquer, sans doute par déformation professionnelle, que depuis le début du conflit (le 12 juillet), de plus en plus de membres du kibboutz prennent des calmants ou des somnifères. Ils donnent même des calmants à leurs chiens.

«Ceux qui sont restés ont le sentiment de jouer à la roulette russe», murmure-t-elle, le regard triste.

Un colosse né dans la région de Zurich

«La vraie question est celle-ci: avons nous le droit ou non de vivre dans cette partie du monde? Ceux qui nous contestent le droit à l’existence comme le Hezbollah ou le Hamas, on doit tout simplement les combattre à mort», dit Victor Weidman, un colosse né dans la région de Zurich, responsable des bananeraies du kibboutz. Il reproche à l’armée «sa mollesse».

Il reproche aux Européens «de se voiler la face» et de laisser à Israël «le soin de faire le sale boulot».

Victor est provisoirement célibataire, sa femme Birgitt, leurs deux enfants, sont partis en vacances en Suisse pendant toute la durée du conflit. Tous les autres enfants ont été évacués vers le centre du pays.

Un menhir sous le ciel de Galilée

Beaucoup de familles ont aussi trouvé refuge sous des cieux plus cléments. Mais lui, Victor, ne bougera pas. Un menhir sous le ciel de Galilée.

Soudain trois explosions sourdes déchirent le paysage pastoral. Des roquettes viennent de s’écraser en bas, dans la zone industrielle de Hanita. Une des roquettes a coupé une ligne de haute tension. Le kibboutz sera privé d’électricité durant plusieurs heures.

Les Iraniens tirent les ficelles

Dans la salle à manger du kibboutz la tension est palpable. Guera Ben David, responsable des plantations d’avocats, mange «sans appétit». Il est formel: «Notre véritable ennemi est la Syrie, qui utilise la guérilla du Hezbollah contre nous à la frontière libano-israélienne.»

Pour Yuval Achouch, professeur de sociologie dans un établissement d’études supérieures à Saint-Jean d’Acre, «ce sont les Iraniens qui tirent les ficelles».

Selon lui, «Israël se doit de mettre en place une zone démilitarisée au sud du pays du Cèdre et atteindre ses objectifs pour demeurer crédible au Proche-Orient» .

Ni gagnant ni perdant

Le plus critique sur la manière dont cette guerre est conduite, sur ses objectifs, se nomme Yoav Ben Avraham. «Cette guerre risque de durer… Il n’y a pour le moment pas de gagnant, ni de perdant», dit-il.

Puis d’ajouter non sans une pointe de désillusion dans la voix: «Ce qui m’a surpris c’est le manque de renseignements d’Israël sur le Hezbollah. Ce qui me surprend encore c’est d’avoir sous-estimé la combativité du Hezbollah.»

La nuit tombe sur le kibboutz. Loin dans la vallée des chiens abandonnés hurlent à mort à chaque déflagration!

swissinfo, Serge Ronen au kibboutz Hanita, Israël

Près de 400 personnes vivent dans le kibboutz Hanita. 20% sont d’origine suisse
Selon l’ambassade de Suisse à Tel-Aviv, le nombre des Suisses – pour la plupart des binationaux – vivant en Israël est d’environ 11’000.

– Depuis le début de l’offensive israélienne au Liban, le 12 juillet, plus de 1000 personnes ont trouvé la mort, en grande majorité des civils.

– Côté israélien, on déplore plus de 90 victimes des tirs du Hezbollah pro-iranien.

– Il n’y a actuellement aucune solution en vue.

– Sur le plan diplomatique, le Conseil de Sécurité de l’ONU ne pourra probablement pas se prononcer sur une résolution de la crise avant mercredi au plus tôt.

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