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Divisés, les socialistes montent au front pour tous

Le président du PS Christian Levrat (à gauche) entouré de ses collègues parlementaires. Keystone

Avec une «politique pour tous et non pas pour quelques privilégiés», le parti socialiste veut reconquérir des voix perdues lors du scrutin fédéral de 2007. Un pari difficile, car la crise économique s’est dissipée et le programme du parti a suscité des critiques, même à l’interne.

La législature en cours avait débuté sur un coup d’éclat, dès la première session du Parlement, avec l’opération surprise des socialistes et des Verts. Les deux partis s’étaient alliés avec une formation du centre, le parti démocrate chrétien (PDC), pour empêcher la réélection du ministre de la droite conservatrice, Christoph Blocher.

Certains y avaient vu les prémices d’une nouvelle entente de centre gauche, propre à amorcer un tournant politique sous la Coupole fédérale. Un scénario qui ne s’est pas vérifié, puisque qu’au cours de ces quatre dernières années, la gauche et le PDC ont rarement fait front commun. Et pendant que la majorité bourgeoise dominait le débat, les socialistes et les Verts restaient souvent isolés au Parlement.

«Nous sommes prêts à nouer des alliances ponctuelles avec des partis du centre, mais à condition qu’ils soient ouverts à des changements politiques, comme par exemple de renoncer à court terme à l’énergie nucléaire, à lutter contre les disparités sociales croissantes ou à réformer le système de l’assurance maladie en profondeur», a déclaré Marina Carobbio, vice-présidente du PS.

Critiques internes

A quelques mois de la fin de la législature en cours, force est de constater que les positions sont demeurées très distantes. Et ce n’est pas le nouveau programme socialiste, adopté par les délégués du PS en octobre dernier à Lausanne, qui a contribué à un rapprochement. Rupture avec le système capitaliste, suppression de l’armée, adhésion rapide à l’Union européenne sont autant de revendications qui effraient les formations du centre.

«Jamais nous ne souscrirons au programme du PS», avait affirmé Christophe Darbellay il y a deux ans. Et le président du PDC ne peut avoir changé d’avis après lecture du nouveau document établi par les socialistes.

Il n’y a pas qu’à l’extérieur que le programme du PS suscite l’incompréhension. Il s’agit d’une vision «fondamentaliste» et «éloignée de la réalité», qui «affaiblira davantage encore notre électorat», ont déploré plusieurs militants socialistes. Une cinquantaine de sections du parti en demandent la révision.

De fait, la voie empruntée par le parti socialiste ne parait pas propice à reconquérir des voix au centre, précisément là où se situe un réservoir potentiel d’électeurs pour le PS. Et à gauche, le parti doit faire face à la concurrence des Verts, qui bénéficieront vraisemblablement davantage que le PS des retombées politiques de la catastrophe nucléaire survenue au Japon.

 

Plateforme sociale

Cédric Wermuth, vice-président du PS et l’un des promoteurs du programme 2010, défend les choix de son parti. «Je crois qu’avec ce programme, nous avons repris une ligne claire, à laquelle les électeurs peuvent vraiment s’identifier. Alors que les partis bourgeois continuent notamment de défendre un système économique qui a montré ses limites avec la plus grave crise financière de l’Après-guerre, le PS est le seul camp qui propose une véritable alternative pour démocratiser l’économie».

Après la chute du secteur financier, la manne publique octroyée à UBS, les failles du secret bancaire et les bonus exorbitants des gestionnaires, la réforme du système économique devait précisément être l’un des thèmes forts de la campagne électorale du PS. Mais les élections arrivent trop tard et la crise économique et financière s’est déjà dissipée en Suisse.

La plateforme électorale des socialistes, adoptée en mars à Zurich, se concentre donc surtout sur les traditionnels thèmes sociaux qui distinguent le PS des autres partis bourgeois: caisse maladie unique, salaire minimum, logements à loyer modéré, service public universel et AVS. Un programme électoral en 10 points qui vise au «bien-être de tous, et non pas les intérêts des quelques privilégiés».

 

Vieux problème

Le texte aussi a aussi suscité diverses critiques lors du congrès de Zurich. «Nous nous attendions à une plateforme électorale qui vise à mettre en oeuvre les revendications contenues dans le programme du parti adopté à Lausanne. Au lieu de cela, la direction nous présente des propositions dénuées de tout courage», affirme Kristina Schüpbach, secrétaire générale des Jeunes Socialistes.

«Il faut distinguer deux choses», explique pour sa part le député Stéphane Rossini, s’exprimant au nom de la direction du PS. «Le programme du parti résume nos valeurs fondamentales, notre vision à long terme. En revanche, la plateforme électorale présente nos priorités, nos objectifs pour ces prochaines années.»

Visions, valeurs, programmes, plateformes qui font la force du PS, mais aussi sa faiblesse. Les socialistes semblent souvent tellement occupés à débattre de thèmes de fond, qu’ils ne parviennent pas définir une stratégie efficace de communication pour les élections.

«C’est un vieux problème du PS. On s’y exprime et on y parle beaucoup, mais à la fin, il n’en ressort pas de message clair, à la portée de tous, confie le délégué bernois David Stämpfli. Cela ne sert à rien de cultiver des visions généreuses pour toutes la population si c’est pour perdre ensuite lors d’élections. Ce n’est qu’en gagnant que nous pourrons aider un nombre plus grand de personnes.»

Fondé en 1881, le parti socialiste suisse (PS) s’est nettement renforcé suite à l’introduction du système d’élection proportionnel, en 1918.

De 1928 à 1979, le PS a récolté un nombre grandissant de votes lors d’élections fédérales pour le Conseil national (Chambre du peuple). Actuellement, il occupe la seconde position, après l’Union démocratique du centre (UDC).

Après avoir élargi son électorat entre 1991 et 2003, les socialistes ont essuyé en 2007 une perte de 3,8% de leurs suffrages, descendant ainsi à 19,5%.

Principal représentant de la gauche depuis toujours, le PS a décroché son premier mandat au Conseil fédéral en 1943.

Depuis 1959, il détient deux sièges à gouvernement. Et depuis 2010, deux femmes siègent sous la bannière socialiste au sein de l’exécutif fédéral, soit Micheline Calmy-Rey et Simonetta Sommaruga.

Le PS est sorti perdant de presque toutes les élections cantonales depuis 2007.

Le programme électoral en 10 points plaide surtout en faveur d’un progrès dans le secteur social: caisse maladie publique, salaire minimum, logements à loyer modéré, service public universel, impôt sur les successions pour financer l’AVS, droit aux rentes AVS en fonction des années de cotisation entre 62 et 65 ans.

De plus, le PS revendique des investissements dans les énergies renouvelables pour permettre de fermer rapidement les centrales nucléaires, la création d’un fonds national pour soutenir la formation continue et une réglementation plus stricte du secteur financier et des bonus des managers.

La plateforme électorale a été approuvée par 700 délégués qui ont participé au congrès extraordinaire du PS, qui s’est tenu le 26 mars dernier à Zurich.

Traduction de l’italien: Nicole della Pietra

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