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L’initiative sur l’or fait parler d’elle hors de la Suisse

Les bourses - ici celle de New York - vont suivre de près les résultats de l'initiative sur l'or. Keystone

Les politiciens anglo-saxons, les négociants d’or et les banques centrales suivent de près la votation sur l’or détenu par la Banque nationale suisse, qui aura lieu le 30 novembre prochain. Cette initiative est combattue par l'establishment politique et financier helvétique.

La votation qui pourrait obliger la Banque nationale suisse (BNSLien externe) à augmenter ses réserves d’or est devenue un sujet de discussion majeur à l’échelle internationale. La proposition est soutenue par certains membres éminents de l’UDC (droite conservatrice). Ils critiquent férocement la BNS qui participe, selon eux, à «la plus grande escroquerie de notre temps», soit l’impression du papier monnaie qu’ils considèrent comme un moyen de voler insidieusement les citoyens.

L’initiative sur l’or

Lancée par trois représentants de l’Union démocratique du centre – les députés Luzi Stamm et Lukas Reimann et l’ex-député Ulrich Schlüer -, l’initiative «Sauvez l’or de la SuisseLien externe» (initiative sur l’or) a été déposée en 2013 à la Chancellerie fédérale.

Si ce texte était accepté, les réserves en or de la Banque nationale suisse (BNS) ne pourraient plus être vendues. D’ici cinq ans, la BNS devrait détenir une part d’or correspondant au minimum à 20% de ses actifs. Le métal jaune devrait être conservé dans son intégralité en Suisse.

A l’heure actuelle, les réserves totales de la BNS se montent à près de 500 milliards de francs. Pour satisfaire aux exigences de l’initiative, la banque centrale devrait donc détenir des réserves d’or valant au moins 100 milliards de francs. Compte tenu des réserves actuelles, elle devrait acquérir des lingots d’une valeur de près de 65 milliards de francs.

Dans le même temps, le prix de l’or entre dans une phase exceptionnellement volatile, après avoir grimpé à un niveau record de 1900 dollars l’once en septembre 2011. Il se négocie actuellement à environ $ 1150.

Selon l’agence Bloomberg, la Bank of America a prédit que l’acceptation de l’initiative pourrait pousser l’or au-dessus de 1,350 dollars l’once, soit une augmentation de 18%. Et ce parce que la BNS aurait besoin d’acheter environ 1500 tonnes d’or dans les cinq ans pour se conformer à la modification de la constitution voulue par l’initiative.

Les louanges d’un libertarien

Dans une interviewLien externe à Kitko News, l’ancien sénateur américain et candidat républicain à la présidence, Ron Paul, un fervent libertarien et partisan de monnaies couvertes par l’or, a déclaré que la Suisse se lançait dans une «saine conversation» sur le rôle de sa banque nationale.

«L’initiative est un pas de plus permettant de prouver que le papier-monnaie, la monnaie fiduciaire, l’argent créé par les politiciens comme moyen de subventionner un grand gouvernement et de monétiser la dette va prendre fin.»

Dans une autre prise de positionLien externe parue sur DailyReckoning.com, un site d’analyse à contre-courant des investissements, Ron Paul souligne l’importance symbolique de la votation suisse à ses fans aux États-Unis.

«Tout comme les Etats-Unis et l’UE, la Suisse au niveau fédéral est gouvernée par des élites plus préoccupées par leur propre statut, leur bien-être et la réputation internationale que par le bien du pays. L’initiative sur l’or, si elle réussit, sera une claque dans le visage de ces élites».

Ron Paul, champion de l’étalon-or. Keystone

Effet domino

Dans le Australia’s Business Spectator, la commentatrice financière Miranda Maxwell chanteLien externe également les louanges de l’initiative, en affirmant qu’elle  «en dit au moins autant sur l’indépendance financière, la démocratie et la sécurité économique» que le vote sur l’indépendance de l’Ecosse en septembre dernier.

«Si les Suisses parviennent à donner une base plus solide à leur monnaie, la grande question sera de savoir si d’autres pays lui emboîteront le pas», écrit-elle.

De son côté, le grand quotidien de la City de Londres, le Financial Times, critique l’initiative «Sauvez l’or de la Suisse», en soutenant la position de la BNS.  «Pour la banque centrale, la mesure n’est pas simplement un anachronisme: elle constitue une menace immédiate.» Le FT poursuit en soulignant que la nouvelle restriction constitutionnelle sur l’or entraverait la capacité de la BNS à maintenir le taux de change minimum de 1,20 CHF par rapport à l’euro, mis en place en septembre 2011.

L’Union européenne est le premier partenaire commercial de la Suisse. Le maintien de ce taux de change est donc très important, selon Ursina Kubli, de la Banque Sarasin: «Il garantit que toutes les exportations vers la zone euro ne sont pas tributaires des risques de change pour le moment. L’absence de fluctuation donne une prévisibilité absolue. Ce qui est très positif.»

La préoccupation des investisseurs

Thomas Flury, analyste chez UBS, assure, lui, que les investisseurs internationaux se montrent préoccupés par l’initiative sur l’or: «Nous voyons beaucoup d’entre eux nous demander: quel sera l’impact sur le franc suisse? Y aura-t-il une sorte de pression sur la Banque nationale suisse? Devons-nous craindre quelque chose?»

Dans sa première interviewLien externe complète sur la question parue le 6 novembre dans la Neue Zürcher Zeitung, le président de la BNS, Thomas Jordan, a déclaré que la combinaison d’un taux fixe de réserve d’or et de l’interdiction de vendre de l’or, comme le veut l’initiative, conduirait à de gros problèmes pour la banque centrale. Thomas Jordan estime qu’il serait «fatal» pour la Suisse de mettre de telles  restrictions à sa propre politique financière, ce qui limiterait sa capacité à réagir à l’évolution des marchés et à maintenir la stabilité financière du pays.

Des réserves mystérieuses

Conscient que le retour à l’étalon-or est un rêve pour certains Américains déçus, un militant suisse de l’initiative sur l’or, Egon von Greyez, du Matterhorn Asset Management, a même lancé une collecte de fonds en anglais sur le site de la société active également dans l’achat et le stockage d’or et d’argent pour les investisseurs privés.

Dans une interview Lien externeau quotidien économique L’Agefi le mois dernier, Egon von GreyezLien externe a montré la méfiance que les partisans de l’initiative vouent envers la BNS: «Il n’y a pas eu d’audit physique de l’or que la BNS traite comme s’il était sa propriété. L’or n’est pas loué à des contreparties pour des transactions et le métal jaune est toujours en dépôt, libre de tout engagement, affirme-t-on. Mais le meilleur moyen de le démontrer est de ramener les réserves en Suisse, faute de quoi on peut penser qu’il a été utilisé à d’autres fins ou même qu’il n’existe pas.»

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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