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La guerre de la redevance radio-TV

Au parlement, le climat est plutôt hostile à une éventuelle hausse de la redevance. La balle est désormais dans le camp du gouvernement. Keystone

Depuis quelques semaines, la bataille fait rage dans les médias autour de la hausse de la redevance que SRG SSR idée suisse aimerait voir introduite l'année prochaine.

Le diffuseur national affirme avoir besoin de 72 millions de francs supplémentaires par année. Une demande qui fâche les éditeurs de journaux, en concurrence avec la SSR sur Internet.

En Suisse, la radio et la télévision publiques sont l’affaire de la SSR. Pour financer ses 7 chaînes de TV et ses 16 stations de radio, elle peut compter annuellement sur 1,1 milliard de francs, payé par les auditeurs et téléspectateurs, et 425 millions de recettes propres, essentiellement publicitaires.

Ainsi, chaque foyer helvétique paie 450 francs de redevance par année, un des tarifs les plus élevés d’Europe. C’est que le pays est petit: la Suisse compte 12 fois moins de foyers sur lesquels répartir la redevance que l’Allemagne, ou 8 fois moins que la France.

Mais il y a aussi – et surtout – l’obligation de fournir aux quatre régions linguistiques des programmes équivalents. La majorité alémanique passe donc à la caisse pour les minorités.

La SSR aime à rappeler que si la Suisse allemande ne payait que pour les programmes dans sa langue, la facture tomberait à 260 francs. Soit moins qu’en Allemagne, en Autriche, en Grande-Bretagne ou en Scandinavie.

La guerre des mots…

En Suisse, la redevance n’a plus été adaptée au coût de la vie depuis six ans. En 2003, le gouvernement a consenti une augmentation pour compenser l’exonération accordée aux retraités et aux invalides de condition modeste. Mais ceci n’a pas compensé cela et la SSR affirme y avoir perdu 24 millions annuels.

Se basant sur ses besoins futurs, elle a donc présenté en juin dernier au gouvernement une demande de 72 millions de francs par année pour la période 2007-2010, ce qui correspond à une hausse de redevance de 6,5%.

A fin octobre, une indiscrétion dans la presse alémanique a rendu l’affaire publique. Et depuis, c’est la guerre des mots. Les médias privés dénoncent la «gourmandise» du diffuseur national, qui réplique en envoyant ses directeurs justifier l’augmentation sur les ondes.

…en attendant celle des gros sous

Mais plus que sur les ondes, c’est sur la toile que se joue la bataille. Bataille des chiffres bien plus que des mots. Car à l’heure où les éditeurs, de l’aveu du président de leur association faîtière Hanspeter Lebrument, «ont de plus en plus de peine à financer leurs journaux», le nouvel eldorado publicitaire pourrait bien être Internet.

Or, la SSR y est très présente. Les sites des trois télévisions nationales sont déjà de vraies plateformes d’information multimédia, et les radios ne sont guère en reste. Dans ce domaine, les éditeurs accusent un sérieux retard. Fournir des informations en ligne avec du son et de la vidéo est en effet bien plus facile pour une radio ou une TV que pour un journal.

Les éditeurs crient donc à la concurrence déloyale. Pour eux, la SSR n’a pas à utiliser l’argent de la redevance pour financer des sites d’information sur Internet. «On devrait nous laisser ce secteur du marché, afin que nous puissions y faire des affaires», clame Hanspeter Lebrument.

Pas de pub pour l’instant

A la SSR, on renvoie aux argumentaires disponibles en ligne. On y lit notamment qu’en matière d’Internet, la SSR «poursuit une stratégie de valeur ajoutée, ce qui signifie que ses sites web viennent compléter le programme et ne constituent pas des portails d’information en soi».

Ainsi, le diffuseur national prétend éviter «que les offres en ligne, en plus de la radio et de la télévision, ne se développent en un troisième produit autonome qui viendrait concurrencer les éditeurs».

A vrai dire, cette guerre de concurrence n’a pas encore vraiment commencé, puisque la SSR renonce pour l’instant à la publicité commerciale sur ses sites (à l’exception de swisstxt.ch, le portail du télétexte, filiale du diffuseur). La loi actuelle lui en laisserait pourtant la possibilité.

Que dit la nouvelle loi, dont l’entrée en vigueur est pour le printemps 2007 ? A son article 14, elle prévoit que le gouvernement «peut limiter ou interdire la publicité et le parrainage dans les programmes […] de la SSR ainsi que dans les autres services journalistiques […] financés par la redevance». Soit l’Internet et les nouveaux médias.

Aux politiques de trancher

Que fera le gouvernement? La question doit être réglée dans le cadre de l’ordonnance d’application de la nouvelle loi, actuellement en préparation à l’Office fédéral de la communication (OFCOM). Pour Hanspeter Lebrument, les positions sont claires: l’OFCOM est contre la publicité sur les sites du diffuseur public, mais la SSR défend la position inverse.

La balle est dans le camp du gouvernement. Même si Moritz Leuenberger, ministre de la Communication, vient de déclarer souhaiter que le gouvernement décide sur une base purement technique, le climat au parlement est plutôt hostile.

Ainsi jeudi 7 décembre, une majorité de 102 députés à la Chambre basse du parlement ont co-signé un postulat de Rolf Hegetschweiler (radical, Zurich) demandant au gouvernement de renoncer à la hausse de la redevance. Sans compter que même la gauche a désormais des doutes sur l’opportunité des 6,5% de hausse demandés…

swissinfo, Marc-André Miserez

En 2005, SSR SRG idée suisse a encaissé 1,537 milliard de francs suisses.

En chiffres ronds, ses recettes proviennent:

-de la redevance pour 1,1 milliard
-de la publicité TV et du sponsoring radio – TV pour 350 millions
d’autres sources (comme la vente d’émissions à d’autres diffuseurs) pour 75 millions.

A partir du premier trimestre 2007, la nouvelle Loi radio-TV attribue 4% du total de la redevance aux diffuseurs privés. Jusqu’ici, ils se contentaient de 1%.

La SSR propose 7 programmes de télévision en allemand, français et italien (ainsi que des émissions en romanche, diffusées par la première chaîne alémanique) et 16 programmes de radio.

En plus des sites Internet des chaînes de radio et de télévision, elle offre également la plateforme swissinfo, en 9 langues, destinée avant tout aux Suisses de l’étranger.

Au vu du poids très inégal des régions linguistiques du pays, la répartition des ressources amène la majorité alémanique à payer pour les minorités latines.

La Suisse alémanique contribue pour 71% aux recettes de la SSR et en touche 44%.

La Suisse romande contribue pour 25% et touche 33%.

La Suisse italienne contribue pour 4% et touche 23%.

Toute modification de cette clé de répartition est de la compétence du gouvernement.

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SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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