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Le monde agricole suisse comprend la colère des paysans européens

agriculteur au travail
Un agriculteur au travail dans le canton de Nidwald (image d'illustration). Keystone / Urs Flueeler

Alors que la colère gagne les milieux agricoles à travers l'Europe, la Suisse semble épargnée, notamment parce que les agriculteurs ne sont pas soumis aux mêmes exigences qu'au sein de l'Union européenne. Pourtant, chez les paysans helvétiques aussi une certaine frustration se fait sentir.

En France, en Allemagne, en Pologne ou encore en Roumanie, les paysans manifestent ou bloquent des autoroutes. Tous portent des revendications diverses, mais une même fronde se dessine à l’encontre de l’Union européenne, dont les normes sont jugées trop restrictives.

Spécificités suisses

Les paysans suisses, eux, ne sont pas soumis aux mêmes règles, par exemple en ce qui concerne l’augmentation de la taxe sur le carburant, qui a mis le feu aux poudres chez leurs voisins français et allemands.

Les agriculteurs suisses sont exonérés de l’impôt équivalent dans notre pays. Cette exception leur permet des économies conséquentes: ils paient 60 centimes de moins par litre d’essence qu’un citoyen lambda.

Autre différence de taille: les agriculteurs suisses sont bien représentés au Parlement et au gouvernement, un parlementaire sur 10 étant paysan.

Début janvier, aux prémices de la vague de protestation en Allemagne et craignant visiblement un effet de contagion, l’Union suisse des paysans a d’ailleurs publié une prise de position dans laquelle elle saluait le soutien du monde politique.

«Les décisions adoptées par le Parlement lors de la session d’hiver permettent d’éviter une réduction du budget agricole et des paiements directs en 2024 et le remboursement de l’impôt sur les huiles minérales est maintenu pour les exploitations agricoles», a-t-elle écrit.

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Contraintes écologiques

Si les contextes sont différents, les points de friction sont toutefois souvent les mêmes en Suisse et dans le reste de l’Europe: les contraintes écologiques imposées aux paysans.

Aujourd’hui, c’est le «green deal», le pacte vert européen, qui irrite les agriculteurs de l’Union européenne. En Suisse, en 2021, deux initiatives anti-pesticides ont massivement mobilisé le monde agricole.

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Ces demandes d’efforts arrivent dans un mauvais contexte, selon Michel Darbellay, membre de la direction de l’Union suisse des paysans. «Le monde agricole exprime un malaise par rapport à la situation économique dans l’agriculture, qui est insuffisante», estime-t-il dans La Matinale de la RTS.

Selon lui, les agriculteurs doivent fournir de plus en plus de prestations supplémentaires, notamment en faveur de l’environnement, sans toutefois percevoir les compensations nécessaires.

«On ne conteste pas ces prestations supplémentaires. Mais, par contre, on veut la rétribution de tout cela, par le marché ou par les aides publiques», affirme-t-il. «Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. C’est pourquoi le monde paysan exprime sa colère.»

Baisse des revenus

Une certaine tension grandit donc entre le monde agricole et les milieux écologistes, mais elle n’est cependant pas la seule responsable de la frustration ressentie par les paysans suisses. Certains agriculteurs dénoncent aussi la pression qui pèse sur leur métier, notamment en termes de compétitivité.

«On dit que c’est à cause des mesures pour le climat, on pointe du doigt les associations de défense de l’environnement comme des boucs émissaires, mais en réalité, ce n’est pas elles la cause de nos frustrations», affirme Kilian Baumann, conseiller national écologiste bernois et président de l’Association des petits paysans, dans le 19h30 de la RTS.

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En Suisse aussi, les coûts de production explosent et les revenus des paysans fondent. Ils ont baissé de 6,3% en moyenne en 2022. Et la grogne se fait sentir. «Les exploitations deviennent de plus en plus grandes, les gens sont fatigués de devoir faire plus pour moins d’argent», indique Thomas Stettler, agriculteur et conseiller national UDC (droite conservatrice) jurassien. «C’est lourd et ça charge cette bombe.»

Si les agriculteurs suisses n’ont pas encore exprimé leur mécontentement dans la rue, les tensions pourraient encore grandir cette année, avec la votation sur l’initiative pour la biodiversité.

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