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Le parquet fédéral veut identifier la source des «Suisse Secrets»

façade d une filiale de Credit Suisse
Le Ministère public de la Confédération enquête sur la fuite de données chez Credit Suisse. © Keystone / Michael Buholzer

L'auteur de la fuite des «Suisse Secrets» est poursuivi pour espionnage économique. Sur plainte de Credit Suisse, le Ministère public de la Confédération (MPC) a ouvert une enquête pour «service de renseignements économiques, violation du secret d'affaires et violation du secret bancaire». Le premier délit étant considéré comme une «infraction politique», le parquet a dû obtenir l'aval du Conseil fédéral pour lancer cette procédure.

«Depuis des dizaines d’années, les banques suisses sont synonymes de secret, évoquant des images d’immenses richesses conservées en toute sécurité dans des coffres-forts à l’abri des montagnes, écrivait le média d’investigation OCCRPLien externe en préambule de la publication des «Suisse Secrets» en février 2022. Il s’agit d’une marque forte, que le gouvernement suisse fait tout pour protéger.»

Un an après l’obtention de données sur 18’000 comptes de Credit Suisse par la Süddeutsche ZeitungLien externe et 48 médias partenaires, le Ministère public de la Confédération a confirmé à Gotham CityLien externe l’existence d’une enquête pour espionnage économique visant à identifier la source des informations transmises à la presse.

Le MPC précise que «la poursuite judiciaire d’infractions politiques requiert une autorisation du Conseil fédéral. Comme l’infraction de renseignement économique au sens de l’art. 273 CP est une infraction politique, le MPC a demandé au Département fédéral de justice et police (DFJP) de décider de l’octroi ou du refus de l’autorisation de poursuite pénale. Celui-ci a accordé l’autorisation au MPC.»

Déclenchée par une plainte de Credit Suisse, l’enquête porte également sur des soupçons de violation du secret d’affaires et de violation du secret bancaire.

Les données obtenues par la Süddeutsche Zeitung identifiaient 30’000 clients de la banque et 18 000 comptes gérés par Credit Suisse depuis les années 1940 jusqu’à la fin des années 2010. Elles avaient révélé des liens avec des dizainesLien externe de fonctionnaires corrompus et de responsables politiques à la fortune douteuse.

Ces informations avaient été analysées pendant plus d’un an par plus de 160 journalistes dans 39 pays. Les médias suisses n’avaient pas participé à l’opération par crainte d’une plainte de Credit Suisse. «Le risque juridique était simplement trop grand», expliquaitLien externe le groupe Tamedia, pointant l’article 47 de la loi sur les banques criminalisant l’usage de données volées. Cette forme de censureLien externe avait provoqué de nombreuses réactions en SuisseLien externe et à l’étrangerLien externe.

*Gotham City

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Plainte contre Credit Suisse

Peu après la publication des «Suisse Secrets», en mars 2022, le Financial TimesLien externe avait révélé que la banque tentait de faire disparaître des documents sur le financement de yachts, notamment à sa clientèle russe.

Soupçonnant une manœuvre de la banque pour échapper aux sanctions contre la Russie, le conseiller aux Etats genevois Carlo Sommaruga avait déposé une dénonciation pénale contre Credit Suisse auprès du MPC. «Il faut signifier à cet établissement que ça suffit», expliquait-il au TempsLien externe.

Interrogé sur le statut de cette dénonciation, un porte-parole du MPC explique que celle-ci «a été transmise pour clarification des faits au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), qui est l’autorité compétente pour dénoncer d’éventuelles infractions à la loi sur les embargos (LEmb). Comme vous le savez, le MPC ne peut ouvrir une enquête de police en rapport avec la LEmb que sur demande du SECO, si l’importance particulière de l’infraction le justifie. Une telle demande n’a pas encore été reçue.»

Lors de la publication des «Suisse Secrets», la source avait transmis un messageLien externe à la Süddeutsche Zeitung expliquant ses motivations. Elle décrivait le secret bancaire comme «immoral», favorisant la corruption et contribuant à «priver les pays en développement de recettes fiscales dont ils ont tant besoin».

Le message s’adressait aussi aux «législateurs» et aux «citoyens» suisses: «Je tiens à souligner le fait que la responsabilité de cette situation n’incombe pas aux banques mais plutôt au système juridique suisse. Les banques se comportent simplement en bons capitalistes en maximisant leurs profits dans le cadre légal dans lequel elles opèrent. En termes simples, les législateurs suisses sont responsables d’avoir permis les crimes financiers et – en vertu de leur démocratie directe – le peuple suisse a le pouvoir de faire quelque chose à ce sujet.»

Interrogé par Gotham City, Credit Suisse ne souhaite pas s’exprimer «sur les procédures en cours».

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