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Pieter Bouw fait son bilan et tire sa révérence

Pieter Bouw occupait le poste de président du conseil d'administration de Swiss depuis novembre 2001. Keystone

Interviewé à la veille de son départ, le président du conseil d'administration de Swiss admet des erreurs. Mais il part avec le sentiment du devoir accompli.

Après le rachat de la compagnie aérienne helvétique par Lufthansa, Pieter Bouw se veut optimiste même si Swiss continue d’enregistrer de lourdes pertes.

En cours d’intégration dans Lufthansa, la compagnie Swiss réduit son conseil d’administration de huit à cinq membres. Et c’est Rolf Jetzer qui remplace Pieter Bouw à la présidence.

Pieter Bouw a assuré la présidence du conseil d’administration de Swiss depuis 2001, c’est-à-dire depuis la création de la compagnie aérienne qui fut bâtie sur les cendres de la défunte Swissair.

A l’époque, certains experts en aéronautique avaient accueilli sa nomination avec scepticisme. Ils doutaient que l’ancien directeur général de la compagnie néerlandaise KLM soit en mesure de créer une nouvelle compagnie helvétique d’envergure avec les restes de l’ancienne Swissair.

Quatre ans plus tard, au moment de quitter sa fonction, Pieter Bouw laisse une compagnie qui demeure dans les chiffres rouges et qui va devoir faire face à la flambée des prix du carburant.

Par ailleurs, la direction de Swiss devra régler le conflit sur les conditions de travail qui l’oppose à ses pilotes.

swissinfo: Vous avez occupé le poste de président du conseil d’administration de Swiss durant presque quatre ans, mais vous n’avez pas réussi à sortir la compagnie des chiffres rouges. Mi-2005, les chiffres étaient même très décevants et les pertes en augmentation…

Peter Bouw: Les résultats négatifs de la première moitié de cette année sont principalement dus à plusieurs facteurs incontrôlables, notamment le prix élevé du carburant.

Tous les autres coûts sont sous contrôle et les revenus s’améliorent, même sensiblement. Sur le plan opérationnel, la compagnie se porte mieux que l’an dernier.

Selon moi, il aurait été impossible à Swiss de réaliser seule des bénéfices. Je suis convaincu qu’il était indispensable de fusionner avec une autre entité, Lufthansa en l’occurrence.

Mais nous devrons encore réduire les coûts, en particulier ceux qui sont liés aux pilotes. Nous ne voulons pas qu’ils gagnent moins, mais nous voulons qu’ils travaillent plus pour le même prix. Cela nous permettrait de réduire les frais.

swissinfo: Mais le prix du carburant est susceptible de rester élevé et la concurrence des compagnies aériennes à bas prix est de plus en plus forte. Alors comment Swiss peut-elle relever ces défis?

P.B.: Nous devons accepter le fait que certains marchés ne nous sont pas accessibles et nous ne devons pas baser notre stratégie uniquement sur le marché des low-cost. Nous devons nous concentrer sur la valeur ajoutée, en particulier sur les vols intercontinentaux.

Concernant les vols européens, il nous est possible de développer les voyages d’affaires. Mais, là aussi, nous devons réaliser des économies.

Cette question centrale est débattue avec le syndicat des pilotes depuis trois ou quatre ans et elle restera d’actualité encore à l’avenir.

swissinfo: Il a été question que Swiss crée une nouvelle entité pour ses opérations européennes régionales. Est-ce que vous envisagez toujours de le faire?

P.B.: C’est bien plus qu’une simple possibilité. C’est l’unique voie à suivre, mais aucune décision n’a encore été prise. Nous avions d’ailleurs déjà proposé cette solution il y a deux ou trois ans, mais le syndicat des pilotes s’y était opposé.

Finalement, nous avons dû y renoncer car nous ne voulions pas courir trop de risques. A ce moment-là, une grève aurait tout bonnement signifié la mort de la compagnie.

Si nous avions été en mesure de le faire, nous aurions probablement pu sauver des centaines d’emplois.

Désormais, les contrats des pilotes arrivent à échéance. Et, cette fois, nous sommes déterminés à créer cette nouvelle entité, Swiss European Airlines, avec des contrats séparés.

swissinfo: Et cette compagnie sera toujours contrôlée par Swiss/Lufthansa?

P.B.: Oui.

swissinfo: Swiss pourra-t-elle conserver son identité même après avoir été rachetée par son ancienne rivale, Lufthansa?

P.B.: Oui, je suis assez confiant à ce sujet. Car, selon l’accord signé avec Lufthansa, Swiss doit devenir la marque de qualité du groupe.

Cela a pour conséquence que Swiss doit continuer d’exister et que le hub de Zurich conservera le même potentiel de croissance que ceux de Frankfurt et Munich.

Ces deux points sont plus ou moins garantis par le concept auquel nous avons donné notre accord.

swissinfo: Si vous aviez la possibilité de tout recommencer, que feriez-vous différemment?

P.B.: Au départ, notre but était de permettre à la compagnie de continuer à voler et de le restructurer petit à petit. Avec le recul, j’aurais dû mieux gérer le bluff des pilotes.

Cela dit, nous avons tout de même réussi à maintenir la marque et conclu un bon accord avec Lufthansa.

Naturellement nous ne pouvions pas prévoir les crises provoquées par le SRAS (syndrome respiratoire aiguë sévère), la guerre en Irak et l’élévation du prix du carburant.

Et puis, nous avons sous-estimé l’impact des compagnies low-cost, ce qui a été, je l’avoue, une erreur professionnelle.

swissinfo: Etes-vous satisfait de quitter Swiss après ces quatre années?

P.B.: D’une certaine manière, je suis content que cela soit terminé. Mais, je aussi suis heureux d’avoir permis à la Suisse de rester connectée au monde, d’avoir maintenu une infrastructure aéronautique et des emplois.

swissinfo interview, Vanessa Mock
(Traduction de l’anglais: Mathias Froidevaux)

Pieter Bouw est né en Hollande en 1941.
Il a travaillé chez KLM de 1967 é 1997.
De 1991 à 1997 il a occupé le poste de directeur exécutif de la compagnie hollandaise
Il a été nommé à la présidence du conseil d’administration de Swiss en novembre 2001.
Entre mars et octobre 2004, il a également assumé le rôle de CEO ad intérim entre la démission d’André Dosé et la nomination de Christoph Franz.
Le 22 septembre, il quitte la présidence du conseil d’administration de Swiss.
C’est Rolf Jetzer qui le remplace à la tête de ce conseil réduit à 5 membres (contre 8 auparavant) dont deux représentent Lufthansa.

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