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Transocean sous le feu de la critique

On discute encore sur les responsabilités, mais une chose est certaine: le nettoyage coûtera cher. Reuters

Basée en Suisse, l’entreprise de forage Transocean commence à sentir le vent du boulet. En effet, bien que les causes ne soient pas encore très claires, beaucoup estiment qu’elle est responsable de la catastrophe survenue sur sa plateforme pétrolière du Golfe du Mexique.

Deux entreprises sont sur la sellette suite à la catastrophe écologique provoquée par l’explosion de la plateforme DeepWater Horizon. Il y a bien sûr British Petroleum (BP) qui en est l’exploitant, mais également Transocean, une société sise à Zoug, à qui appartient l’installation.

Des voix critiques mettent en cause le bloc obturateur de la plateforme, qui n’aurait pas fonctionné correctement.

Déterminer la nature de la panne

«BP est responsable de cette fuite – BP payera la facture», a déclaré dimanche le président des Etats-Unis Barack Obama lors d’une visite sur les lieux de la catastrophe.

Le géant pétrolier se dit prêt à payer pour les revendications légitimes liées à l’écoulement de pétrole provoqué par l’accident. Le chef du groupe BP Tony Hayward a cependant déclaré que l’accident aurait pu être évité si le bloc obturateur de Transocean avait correctement fonctionné. Il s’agit d’une grosse valve de sécurité installée à l’entrée du puits et qui peut limiter la pression ou stopper le flux de pétrole.

Ce ne sont pas seulement les représentants de BP qui ont été convoqués vendredi par les législateurs américains à une audition consacrée aux causes de cette fuite massive de pétrole, mais également ceux de Transocean et de Halliburton. Halliburton a en effet fourni toute une série de prestations sur la plateforme et a été impliquée dans le renforcement de ses parois.

«Le bloc obturateur est le mécanisme ultime en matière de sécurité, a déclaré Tony Hayward à la chaîne CNN. Il n’a pas fonctionné pour des raisons qui nous échappent encore, mais nous le déterminerons sur la base de notre enquête et de celle des autorités fédérales. La panne du bloc obturateur de Transocean est un élément clé.»

Transocean premier responsable

Contacté lundi par swissinfo.ch, un porte-parole de Transocean a refusé de commenter les propos du chef de BP, se retranchant derrière les enquêtes en cours. «Nous attendrons les faits avant de tirer des conclusions», a déclaré Guy Cantwell.

Mais Joseph Joy, un avocat de Louisiane spécialisé dans les accidents de plateformes pétrolières offshore, estime que le chef de BP a raison lorsqu’il met Transocean en cause.

Les explosions offshore ne sont pas très courantes, constate-t-il. Mais l’accident a mis en évidence le rôle du bloc obturateur et de sa défaillance. «Etait-il en mauvais état? Y a-t-il eu des problèmes dans la conception ou a-t-il été mal entretenu?», se demande l’avocat.

Bill Miller, inspecteur britannique en charge de la santé et de la sécurité sur les plateformes de la Mer du Nord, estime pour sa part que Transocean est le premier responsable. «Au Royaume-Uni, c’est le propriétaire que nous tiendrions responsable de la sécurité; Transocean dans le cas présent», déclare-t-il, tout en précisant que la loi américaine pourrait être différente.

Bill Miller a par ailleurs été surpris par l’accident: «C’est une installation assez récente, avec l’équipement le plus moderne dont vous pouvez disposer».

Procès en vue

En attendant, tout comme la nappe de pétrole, les implications juridiques de l’accident continuent de s’étendre. Au moins ne famille victime de la pollution a déjà intenté un procès à BP et Transocean, en accusant spécialement BP de négligence. Par ailleurs, plus de 20 actions en justice ont été déposées par les hommes d’affaires et des particuliers de Louisiane, d’Alabama, de Floride et du Mississippi contre BP, Transocean, Halliburton et Cameron (l’entreprise qui a construit la valve).

Daniel Becnel, avocat de Louisiane qui a intenté l’un de ces procès, a indiqué à l’Agence France Presse que les plaignants «disposent d’un dénonciateur sur une plateforme voisine qui prétend que 85% des forages ne sont pas inspectés correctement» par les autorités américaines. «Nous savons que BP et Transocean, propriétaire de Deepwater Horizon, n’ont pas dit la vérité», a ajouté l’avocat.

Les compagnies incriminés n’ont pas souhaité s’exprimer sur ces actions en justice. BP a toutefois indiqué lundi sur son site Internet qu’il paierait pour «tous les frais de nettoyage nécessaires et appropriés», ainsi que pour les «plaintes légitimes».

De son côté, Halliburton a déclaré à Associated Press qu’il collaborait à l’enquête, mais qu’il était «prématuré et irresponsable» se spéculer sur les causes possibles de l’explosion.

Enfin, le porte-parole de Transocean, Guy Cantwell, a déclaré que sa société mettait l’accent sur l’aide à apporter aux victimes de l’accident et à leur famille. Par ailleurs, Transocean soutiendra BP dans ses efforts pour nettoyer la marée noire et apportera toute son aide aux enquêteurs.

Simon Bradley, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)

Transocean est la plus grande entreprise de forage offshore au monde. Cette entreprise américaine a transféré son siège à Zoug en 2008. Elle dispose également d’un bureau à Genève.

Transocean possède 138 forages offshore et emploie 20’000 employés (dont 40 en Suisse). Elle construit des forages de pétrole et de gaz aux quatre coins du monde: Golfe du Mexique, Canada, Brésil, Mer du Nord, Afrique occidentale, Méditerranée, Australie, Inde…

L’an dernier, Transocean a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 12 milliards de francs et un bénéfice de plus de 3,5 milliards. Transocean est entrée à la Bourse suisse le 20 avril, le jour de l’accident. Mais suite à la catastrophe, son action a fortement chuté, passant de 101,1 à 76 francs.

L’accident s’est produit le 20 avril. L’explosion et le feu ont tué 11 travailleurs. La plateforme Deepwater Horizon, située à environ 80 kilomètres au sud-est de Venice (Louisiane) a coulé.

C’était une des plus grandes et des plus sophistiquées du monde, exploitée par BP depuis septembre 2007.

Depuis l’accident, des milliers de barils (les estimations vont de 1000 à 7000) se déversent chaque jour dans le Golfe du Mexique. Selon les experts, il pourrait s’agir de la pire marée noire de l’histoire.

Les spécialistes travaillent d’arrache-pied pour colmater la fuite, mais les opérations pourraient prendre des semaines, si ce n’est des mois. Le Golfe du Mexique fournit un tiers du pétrole et un quart du gaz des Etats-Unis. On y dénombre environ 3500 forages pétroliers.

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