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Pourquoi les femmes talentueuses disparaissent-elles des universités suisses?

Le chemin est encore long pour atteindre l'égalité entre hommes et femmes dans les universités. Keystone

Si la parité s’impose au niveau du doctorat, les chercheuses restent dissuadées de franchir la dernière étape de leur formation, soit le post-doc. L’Université de Bâle a lancé un programme pour inverser la tendance. Un soutien qui pourrait faire école dans le reste de la Suisse. 

«Nous avons de nombreuses femmes talentueuses qui disparaissent de l’université au niveau des post-doc», explique Beate Böckem, du bureau de l’égalité des chances de l’Université de Bâle, comme le montre le graphique suivant.

La phase post-doc est essentielle pour devenir une chercheuse confirmée. Mais c’est aussi une période où beaucoup d’entre-elles décident d’avoir des enfants. Ce qui pousse certaines femmes à abandonner leur cursus ou à trouver un emploi plus flexible. 

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Désireuse de ne pas perdre ces précieux talents, l’Université de Bâle a lancé «Stay on Track», un projet qui s’adresse aux post-doctorantes reprenant le travail après leur congé maternité. Son objectif: fournir un soutien durant un semestre pour permettre à la personne de se concentrer sur ses recherches. Depuis sa création en 2014, «Stay on Track» a aidé plus de 40 chercheuses. 

Soutien ciblé 

C‘est le cas de l’historienne de l’art et du cinéma Eva Kuhn, mère d’un garçon de 15 mois. «Stay on Track» a fourni un enseignant temporaire pour prendre en charge l’un de ses séminaires hebdomadaires après son retour de congé maternité. Ce qui lui a permis de se concentrer sur l’organisation d’un symposium international de trois jours autour de la réalisatrice belge Chantal Akerman, un projet qui lui tenait à cœur. 

Eva Kuhn décrit le symposium comme un grand succès, pour lequel une publication est en vue: «Rétrospectivement, c’était une étape clé de ma carrière. Et sans ce soutien, je n’aurais pas eu le courage et l’énergie nécessaires pour mettre en œuvre le projet.»

Flora Cristina Moreno, mère de deux enfants de moins de trois ans, travaille sur les réponses des plantes aux changements climatiques, en utilisant des collections d’herbier. Grâce à «Stay on Track», elle a pu embaucher des étudiants pour préparer les 3000 échantillons qu’elle avait pris pour l’analyse des isotopes. C’est un travail de routine, mais qui prend beaucoup de temps. 

«L’Université de Bâle est très consciente du plafond de verre qui bloque les chercheuses», explique le vice-président de l’université Edwin Constable, qui a apporté son soutien personnel au projet. Nous estimons qu’avec le programme «Stay on Track», l’université a développé un modèle de bonnes pratiques qui permet de soutenir d’excellentes chercheuses dans leur carrière académique, un programme qui pourrait être adopté à l’échelle nationale.» 

Changer les mentalités  

La maternité n’est évidemment pas la seule raison qui maintient le plafond de verre, selon Beate Böckem. Un changement de culture – loin des structures de promotion rigides – est également nécessaire. Les attitudes tranchées vis-à-vis des femmes (comme la difficulté à concilier vie de famille et travail) prévalent encore parfois. 

Sabine Felder, secrétaire générale adjointe de l’organe de coordination swissuniversitiesLien externe, souligne aussi le problème des «doubles carrières». Souvent, les femmes universitaires sont plus jeunes que leur partenaire: «On les appelle les deuxièmes recrues qui suivent leurs partenaires déjà embauchés par une université.» 

Le dernier programme fédéral d’égalité des chances 2017-2020 (12 millions de francs suisses) a été lancé début mars. Pour la première fois, il comprend les 27 instituts d’enseignement supérieur. Mais il n’a pas formulé d’objectifs contrairement au programme 2013-2016, qui fixait une cible nationale de 25% de professeures et 40% d’assistantes avant 2016. Un but qui s’est avéré trop ambitieux. 

Comme chez les voisins européens

La Suisse n’est pas le seul pays où les jeunes femmes universitaires souffrent de ce plafond de verre. L’Allemagne et la France connaissent également ce problème, de même que les pays scandinaves.

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​​​​​​​La route est encore longue. Mais la chercheuse Flora Cristina Moreno, de l’Université de Bâle, affirme que les jeunes universitaires ne devraient pas sacrifier leur famille. «Le soutien et la bonne planification sont essentiels», dit-elle. 

Pour Eva Kuhn, devenir mère a même eu un effet positif sur sa pensée scientifique et ses ambitions. Elle sait que ce n’est pas évident, étant donné les défis – et les joies – qu’un enfant apporte: «Un programme comme «Stay on Track» est à mon sens urgent pour garantir la qualité de la prochaine génération de chercheuses.»

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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