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Encore bien des incertitudes autour d’UBS

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8700 suppressions d'emplois dont 2500 en Suisse, deux milliards de pertes au premier trimestre: les annonces faites mercredi par le colosse bancaire aux pieds d'argile indignent et inquiètent la presse suisse, qui ne sait même pas si cela suffira à sauver UBS.

«L’emploi sombre», titre 24 Heures, qui rappelle, graphique à l’appui, que les suppressions de postes annoncées hier vont faire retrouver à la banque sa taille de 2004, soit 67’500 employés. C’est seulement en quelques années d’euphorie en effet qu’UBS avait gonflé ses effectifs jusqu’au chiffre record de 83’500 personnes, atteint en 2007.

«C’est les petits qui vont trinquer», affiche Le Matin en une. Pas plus que Le Temps toutefois, le tabloïd romand n’assortit la nouvelle d’un éditorial. Il se contente de collecter les réactions du monde politique, qui vont des «scandaleux» et «choquant» de la gauche et de la droite populiste aux «regrettable mais inévitable» de la droite bourgeoise.

Les abus de l’ère Ospel

Pour La Tribune de Genève, le personnel de la banque «paie au prix fort les abus et les intolérables excès de l’ère Marcel Ospel, l’homme qui a conduit UBS vers le gouffre».

Les suppressions d’emplois sont néanmoins inévitables, «parce que tout dans cette crise a été géré sur le tard, en mode réactif. Ainsi UBS, «prise par la frénésie du profit illimité» a-t-elle été la dernière à tenter de se désengager du subprime américain «en dépit des avertissements».

Reste à savoir si la banque «pourra retrouver sa vigueur». Sans apporter de réponse, le quotidien genevois note simplement que «les chiffres sont peu encourageants».

«Oswald Grübel épargne sur le dos du personnel», titre quant à lui le Tages Anzeiger. Le quotidien zurichois souligne le partage des rôles à la tête de la banque: au directeur Grübel le «sale boulot» de réduire le coûts et biffer les emplois, au président Kaspar Villiger la «noble mais non moins difficile tâche» de rétablir le confiance.

Or, l’ancien ministre n’a pas convaincu, avec un discours que l’on aurait pu croire par moment «rédigé par la vieille garde d’UBS». Ainsi, lorsque le président dit que «l’on ne s’attendait pas à un effondrement aussi dramatique des marchés», le chroniqueur «a cru entendre Marcel Ospel».

Montagne de problèmes

«UBS se trouve toujours face à une montagne de problèmes», écrit la Neue Zürcher Zeitung, qui met en avant la perte de deux milliards au premier trimestre et les «vigoureuses suppressions d’emplois».

Sous le titre «le long calvaire», le quotidien zurichois énumère les problèmes auxquels la grande banque doit faire face, en insistant sur ses démêlées avec le fisc américain, dont elle doit se sortir «rapidement et durablement» si elle veut retrouver la santé.

Mais comment s’y prendre? Pour La Liberté, «tout reste vague». «Oswald Grübel, le PDG au salaire de deux millions ne promet rien d’autre à ses troupes que du sang et des larmes». «Où va UBS? Grübel, on le sait, est un brillant coupeur de têtes, mais après?», interroge le quotidien fribourgeois.

La banque sera-t-elle «saucissonnée, vendue à un groupe étranger, fusionnée avec le Credit Suisse, nationalisée?», poursuit le journal, qui note que «le nouveau président Villiger ne donne pas de réponse non plus».

«On peut nommer cela de la constance. Dans les sept derniers trimestres, UBS a annoncé six fois des pertes». Au-delà de l’ironie, le Bund souligne lui aussi la montagne de problèmes à laquelle la banque doit faire face, et dont les démêlés judiciaires américains ne sont pas le moindre.

UBS devra impérativement s’en sortir pour regagner la confiance, qui elle aussi se construit «avec constance, trimestre par trimestre», note le quotidien bernois.

Un poids pour le pays

«Deux milliards de pertes, 23 milliards de retraits, 8700 emplois biffés, UBS a-t-elle encore besoin des milliards de nos impôts», demande le Blick, avec son sens habituel de la formule-choc.

Le quotidien de boulevard met en avant la somme du bilan de la grande banque: 2000 milliards, comparés aux 490 milliards du PIB de la Suisse. Or UBS est devenue «un poids pour tout le pays», qui la soutient avec l’argent de ses impôts et qui sans doute «le fera encore en cas de besoin».

Donc, estime le journal, «UBS doit rapetisser, devenir moins globale». Certes, elle ne le fera pas d’elle-même, mais «le débat doit commencer maintenant». Car une banque soutenue par l’Etat ne devrait «plus jamais être en mesure de mettre le pays dans une situation pareille».

Trop grosse

UBS, la banque qui a eu les yeux plus gros que le ventre, continue à afficher un bilan qui est «trop gros, beaucoup trop gros pour l’économie suisse» note elle aussi la Berner Zeitung. La banque doit impérativement «réduire son volume d’un tiers, ou même de la moitié», estime le journal, qui n’a «rien entendu de concret à ce sujet de la part d’Oswald Grübel».

Le quotidien bernois attend donc du président Kaspar Villiger qu’il formule des objectifs. «Les contribuables suisses y ont droit», eux qui ont racheté les papiers pourris d’UBS pour 60 milliards de francs.

Au Tessin, La Regione appelle elle aussi à une UBS «plus petite, focalisée sur ses activités opératives en Suisse». Une banque en fait «moins américaine, car c’est aux Etats-Unis que tout a commencé, de la crise du subprime aux pressions sur le secret bancaire».

Bonus en trop

Pour le Corriere del Ticino, «l’ère Grübel sera extrêmement douloureuse pour ceux qui travaillent à UBS», lesquels vont payer pour les erreurs d’un petit nombre, «rétribués à coup de bonus de millionnaires».

Des bonus qui continuent d’ailleurs à être la pratique. «Avec les deux milliards distribués en début d’année, on aurait pu préserver 1’500 emplois à 80’000 francs par an durant 17 ans», a calculé le quotidien tessinois.

La Basler Zeitung focalise elle aussi son commentaire sur les bonus, qu’UBS refuse toujours de plafonner. Le quotidien rappelle que «les salaires exorbitants servis par la banque étaient pourtant la conséquence de cette absence de limites». Mais à l’évidence, la nouvelle direction «n’a pas retenu la leçon»…

swissinfo, Marc-André Miserez

A fin 2008, UBS employait 77’783 personnes (-7% par rapport à l’année précédente) dans le monde, dont 26’406 en Suisse (-5%).

Avec l’annonce de la suppression, au niveau international, de 8700 postes, le nombre de collaborateurs d’UBS passera de 76’200 à fin mars 2009 à 67’500 d’ici 2010.

En raison de la crise du subprime, UBS avait déjà supprimé près de 11’000 emplois, notamment dans sa banque d’affaires aux Etats-Unis.

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