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Faut-il être riche pour être inventeur?

La propriété intellectuelle, rêve et cauchemar de l’inventeur! swissinfo.ch

Une invention, c'est aussi un vrai parcours du combattant, qui demande persévérance, argent et chance.

Tentatives d’éclaircissements sur une démarche qui, parfois, engage une vie.

Combien coûte un brevet? Cher. Faut-il donc être millionnaire pour être inventeur? Non. En fait, se demander combien coûte le fait de breveter une invention, c’est un peu comme demander combien coûte une voiture ou la production d’un film… la fourchette est large.

Un chemin long et coûteux

Le processus qui mène à la protection par un brevet est long. Une première phase est la recherche d’antériorité, pour savoir si l’invention est «brevetable». Vous pouvez le faire vous-même, mais vous avez plutôt intérêt à passer par un institut officiel. Et de lâcher alors quelques milliers de francs.

Puis vient la rédaction du brevet, pour laquelle un «agent en brevet» n’est pas indispensable, mais furieusement recommandé, pour cause de langages technique et juridique pointus. Avec un salaire de 200 à 300 francs. de l’heure, et un brevet qui peut facilement faire 25 pages, les frais de ce poste peuvent monter très haut.

Vous pouvez alors déposer votre brevet. Qui, si vous n’avez pas de chance, subira des oppositions, une nouvelle phase de rédaction et donc de nouveaux frais. Mais vous le déposez. Et disons qu’il est accepté…

Attention, un brevet a une validité nationale. Plus vous voudrez toucher de pays, plus chère sera la facture. Par exemple, une protection dans huit pays européens, obtenue auprès de l’Office européen des brevets, vous coûtera 4100 euros, soit environ 6000 francs suisses.

Raison pour laquelle de nombreux inventeurs passent d’abord par un institut national: en Suisse, le dépôt d’un brevet auprès de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle coûte 200 francs. Et dès ce moment, vous bénéficier tout de même d’un «délai de priorité» international, c’est-à-dire d’une protection internationale, un délai de 12 mois pour les brevets techniques, de 6 mois pour les marques et le design.

Ce délai, vous allez l’employer à déposer votre brevet dans d’autres pays. Mais comme cette opération coûte très chère dans certains pays (le Japon notamment), qu’à ce niveau-là vous aurez déjà vraisemblablement déboursé une somme à 5 chiffres (entre 10 et 40 milliers de francs, pour faire large), c’est à ce moment que la majorité des inventeurs recherchent des partenaires, financiers ou commerciaux.

Les partenariats

Hugo B.J. Soder, l’inventeur du «Sound Space», se souvient que pour l’une de ses inventions antérieures, c’est un budget de 350 000 francs suisses qui a été dépensé pour une protection mondiale…

Une somme qu’un inventeur privé ne peut évidemment pas se permettre. L’aventure passe donc nécessairement par des partenariats. A chaque fois, Hugo Soder a déposé ses projets au niveau suisse, puis les a développés jusqu’au stade du prototype, «un prototype fonctionnel, à la hauteur de ses prétentions».

«Ensuite, on passe à la pré-série, qui permet d’entrer en contact avec les personnes compétentes pour la fabrication et la commercialisation. Le plus sage, alors, c’est de négocier des licences de fabrication: on délègue la fabrication et la vente à la compagnie licenciée, et on touchera des royalties sur les produits vendus. Ce qu’on va négocier, c’est un savoir-faire, un accompagnement jusqu’au stade de la fabrication.»

Lors de telles négociations, l’inventeur privé ne risque-t-il pas de se faire tout simplement plumer? «La première fois, vous vous ferez avoir de toute manière!», constate Hugo Soder en riant.

Lequel précise toutefois: «Mais c’est une école qui vaut les meilleures business-schools! Le tout est d’être conscient de la valeur réelle de ce qu’on a fait, c’est cela qui est difficile au début. Chaque invention est une aventure: vous aurez des contacts avec des gens qui tentent de vous avoir, mais également avec des personnes honnêtes, avec lesquelles vous pourrez trouver des accords équilibrés».

L’invention, un pari

L’aventure d’une invention implique nécessairement un pari. L’idée qu’en misant sur un projet, on peut empocher le jackpot. Or tout pari implique des risques. Des risques qu’on peut limiter en trouvant, à temps, c’est-à-dire avant de s’être ruiné, des partenaires.

Mais quoi qu’il en soit, la démarche de l’inventeur doit, par la force des choses, être celle de l’artiste et du joueur: foi en un projet et absence de garantie de succès.

Jean-Claude Arion, l’inventeur du casque à visière automatique, a travaillé à son premier prototype il y a trois ans déjà. Aujourd’hui, il détient un brevet européen, un brevet américain, et il est en attente du brevet japonais. Financièrement, l’aventure lui a déjà coûté une petite fortune.

Mais sa détermination est entière: «Quand vous vous apercevez que vous êtes le seul dans un domaine, que votre brevet est efficace et qu’il a été accepté, alors vous vous dites: je joue le jeu. Au lieu de m’acheter un appartement, je joue un numéro.»

swissinfo, Bernard Léchot, Genève

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