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Feu nourri sur la réforme de l’armée

La mission de l'armée de milice passerait du combat à la protection. Keystone

Le projet du gouvernement suisse de réorganiser l'armée de milice a déclenché un feu nourri de critiques à la veille et durant le débat parlementaire à Flims.

Les opposants estiment que cette réorganisation est précipitée, irréaliste, voire anti-constitutionnelle.

L’Union démocratique du centre (UDC – Droite dure) est particulièrement déchaînée contre le projet de «son» ministre, le démocrate du centre bernois Samuel Schmid. Mais les socialistes s’y opposent également.

Agendé aux discussions du Conseil national (Chambre haute du parlement) lors de la dernière semaine de la session d’automne du Parlement, le débat survient trois ans après l’acceptation en votation de la dernière réforme de l’armée.

Pour l’UDC, cette nouvelle réorganisation revient à affaiblir l’armée. Un affaiblissement tel, craint le parti de Christoph Blocher, que le pays n ‘aura plus d’autre choix que d’adhérer à une alliance militaire internationale.

Nombre d’instructeurs

La droite nationaliste exige que le gouvernement respecte ses promesses d’augmenter le nombre d’instructeurs de l’armée et de reconsidérer la possibilité de réduire le nombre de troupes de combat.

«Cette réforme est un produit typique de la bureaucratie, tance le conseiller national UDC zurichois Ulrich Schlüer. Si l’armée manque d’instructeurs, elle pert aussi beaucoup de ses compétences».

L’UDC a posé plusieurs conditions avant d’entrer en matière sur la discussion. «Une armée de milice comme la nôtre ne supporte pas de subir de multiples réorganisations sur une courte période», a déclaré Ulrich Schlüer à swissinfo.

Pour le Zurichois, «notre crédibilité est en jeu. Il s’agit aussi de rester opérationnel pour contrer d’éventuelles attaques terroristes».

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Armée de milice

Ce contenu a été publié sur L’armée suisse fonctionne selon le principe de la milice: tous les hommes en âge de servir suivent une formation de base et se perfectionnent lors de cours de répétition réguliers. Selon la Constitution fédérale, l’armée vise à empêcher la guerre et contribue au maintien de la paix. Elle soutient les autorités civiles lors de menaces…

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Protéger les infrastructures et non plus la frontière

Le gouvernement avait expliqué que l’objectif de la réforme est d’établir une nouvelle liste de priorités. Plutôt que la défense statégique, avec tanks et unités d’artillerie lourde pour protéger les frontières, il s’agira désormais de surveiller les infrastructures clé du pays.

Les routes de transit, les bâtiments et les conférences internationales comptent parmi ces éléments sensibles. Lors des rendez-vous internationaux, l’armée soutient du reste déjà la police et les autorités civiles.

La réforme prévoit la diminution du nombre de troupes de combat défendant le territoire suisse à partir de 2008.

Plus grande armée d’Europe

«Les forces armées suisses sont à l’heure actuelle les mieux dotées d’Europe avec un total de 120’000 membres», a de son côté déclaré le ministre de la défense Samuel Schmid au quotidien alémanique «Neue Zürcher Zeitung».

«Nous procédons de manière pragmatique, comme le veut notre tradition. Nous avons déjà accompli un long chemin vers la coopération avec les cantons dans le cadre de la préparation du championnat européen de football en 2008», a ajouté le ministre.

En outre, Samuel Schmid précise que la réforme proposée est une conséquence des coupes budgétaires acceptées par le parlement ces cinq dernières années.

La gauche également critique

Du côté des socialistes, Barbara Haering, spécialiste en sécurité, émet des réserves à propos de l’utilisation de la troupe pour des tâches de police.

«Les forces de police sont mieux adaptées et mieux entraînées, relève-t-elle. Le déploiement de soldats pour maintenir l’ordre est en outre chargé de sens, historiquement, puisque l’armée avait tiré sur la foule de manifestants anti-fascistes à Genève dans les années 30, tuant 13 personnes.»

Selon Barbara Haering, aucun des quatre partis gouvernementaux n’est tout à fait satisfait de l’utilisation de l’armée pour des tâches policières. Mais elle pense néanmoins que la proposition du gouvernement a des chances de finalement l’emporter.

«Pour parler franchement, avec le concept prévu, environ 70’000 soldats ne sont plus assignés à un quelconque mandat», lâche Barbara Haering au micro de swissinfo.

Mais la Zurichoise est convaincue que la discussion va se poursuivre et que la Suisse devra aborder des questions fondamentales telles que le service obligatoire.

swissinfo, Urs Geiser à Flims
(Traduction et adaptation Ariane Gigon Bormann)

La réorganisation proposée prévoit:

18’500 hommes formeront une brigade de combat
33’000 hommes assumeront des tâches de protection et de soutien à la police
68’000 hommes seront affectés aux tâches générales de l’armée
500 personnes seront envoyées dans des missions internationales de maintien de la paix

– La dernière réforme de l’armée est entrée en vigueur début 2004 suite à un l’acceptation du projet en votation fédérale.

– L’armée suisse compte environ 120’000 membres actifs et 100’000 réservistes, ce qui en fait une des plus grandes d’Europe.

– Jusqu’ici, le principe d’une armée de milice avec engagement obligatoire pour les hommes a réussi à se maintenir.

– En 1989, environ 36% des citoyens avait accepté une initiative pacifiste demandant l’abolition de l’armée.

La Suisse, neutre, n’est pas membre de l’OTAN, mais participe depuis dix ans au Partenariat de l’OTAN pour la paix.

Quelque 220 Suisses sont actuellement stationnés au Kosovo dans le cadre d’une mission de maintien de la paix de l’ONU. Ils servent sous commandement autrichien.

Quelque 250 autres personnes sont engagées à l’étranger au sein de missions internationales.

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